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San-Antonio

Du sable dans la vaseline

À Fabrice CARPENTIER de CARO dont les activités sont si loin des miennes, mais dont le cœur est si proche du mien.

SAN-A.

J’étais indéniablement philanthrope.

Je voulus traverser à gué un marigot infesté de cons. Quand j’atteignis l’autre rive, j’étais devenu misanthrope.

San-A.

De nos jours, à défaut de se distinguer, on se singularise.

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Fais des pieds et des mains, certes, mais fais surtout du sexe.

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Un critique gastronomique mange pour gagner son pain.

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Les vaches qui regardent passer les trains connaissent les horaires.

(Albert Benloulou)
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Le point de suspension, c’est le parent pauvre de la ponctuation.

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Il n’y a pas plus con qu’un homme ayant les couilles pleines.

(Zoulet)

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Il paraît gentil, l’ours. À preuve, c’est le jouet du premier âge. Son pelage épais, son air rigolard et sa démarche de gros plein-de-miel inspirent confiance.

Seulement il a quarante-deux dents et aime s’en servir. Alors tu penses : bonne nuit les petits, mon cul ! Martin, t’as pas intérêt à le réintégrer dans les Pyrénées.

Redoutable jusque dans le jeu de Scrabble qui ne comporte pas deux « Z » pour pouvoir écrire « grizzli », il t’arrache la tronche d’un coup de patte, comme toi l’aile d’un ortolan. Faut se rendre à l’évidence : nounours est un fauve plus sanguinaire que ceux d’Afrique et du Bengale.

Celui de mon histoire est un ours blanc du nom savant de thalarctus maritimus. C’est précisé dans le programme. Superbe mâle de trois ans, il a été découvert sur je ne sais quelle banquise arctique où il se faisait chier à attraper des poissons par un trou pratiqué dans la glace.

Ses chasseurs faillirent l’épeausser pour le transformer en descente de lit mais, impressionnés par sa taille, ils jugèrent qu’il rapporterait davantage de blé sous un chapiteau que dans la chambre à coucher d’une vieille pétasse. Le brave Martin s’est retrouvé à Hambourg.

Dans un premier temps, le zoo voulut l’acquérir. Heureusement pour mon récit, un jeune mec, beau comme une bite d’archange était là, qui surenchérit jusqu’à l’obtenir. Ce garçon, dont je te fais état, était le fils cadet du plus important des brasseurs allemands. Il consacrait sa vie au cirque et à l’enculage à sec d’obèses (des deux sexes) rencontrés au hasard de ses pérégrinations. Le bruit court que ce magnifique éphèbe aurait rendu mère Daisy Bringer, la femme la plus grosse des U.S.A. (460 kg avec sa culotte). Mais c’est là un ragot de couloir (à lentilles) car notre dompteur n’a jamais reconnu le fruit de ses amours.

Cet Adonis s’appelle Erwin Liebling. Il est plus blond que blond, se fait décolorer entièrement (poils pubiens et culiers compris).

À la piste et à la ville, il est habillé de blanc et se change sitôt qu’une infime tache souille ses vêtements.

Cette maniaquerie faillit lui causer des désagréments, le jour où il planta son couteau dans le ventre d’un serveur de restaurant qui avait renversé le contenu d’une saucière pleine de coulis de tomate sur son plastron. Fort heureusement, l’employé portait un bandage herniaire ce qui valut au dompteur d’éviter la prison.

Son ours blanc lui permit de réaliser le tour de magie le plus extraordinaire jamais présenté dans un music-hall. À vrai dire le plantureux plantigrade n’était pas pour grand-chose dans le succès du dompteur, mais sa masse immaculée et son air bonnasse en renforçaient l’impact.

Le numéro s’opérait ainsi : on amenait sur la scène une énorme cage de verre qu’on plaçait sur des tréteaux nickelés. Liebling démontrait, en tournant autour, puis en passant dessous, sa parfaite transparence et l’impossibilité d’un double fond. Il faisait grimper le thalarctus maritimus à l’intérieur. Deux gracieuses assistantes intervenaient alors et tendaient un immense châle devant les parois vitrées. L’artiste immaculé comptait jusqu’à trois, puis d’un geste délicat, il leur arrachait l’étoffe, laquelle disparaissait instantanément. Stupeur ! La caisse en verre était vide. L’Allemand claquait des doigts et l’ours surgissait des coulisses, habillé en magicien : smoking et gibus noirs, déclenchant une formidable ovation.

Erwin passait à la seconde partie de son tour. Pendant que son animal retournait derrière la scène, il recrutait un volontaire dans la salle ; il ne s’agissait pas d’un compère. Il le choisissait pittoresque pour que le public puisse en rire. Il invitait l’homme à s’installer dans la cage. Les deux filles revenaient, déroulaient leur tissu. Le « Maître » comptait à nouveau et s’emparait du châle, le transformant en drapeau américain. Cette fois l’ours se trouvait à la place du volontaire. Le mot « magie » était le seul dont on pouvait qualifier un tel exercice.

Erwin Liebling acquérait rapidement une renommée universelle. Il avait décidé de ne se produit qu’à Vegas dont il devenait l’une des incontournables gloires. Les obèses abondaient aux States pour sa plus grande jouissance.

Au moment où débute cet admirable récit, il avait pour maîtresse un « sang-mêlé » d’une demi-tonne, appartenant au même spectacle que lui. L’individu arrivait dans un palanquin véhiculé par une dizaine de porteurs athlétiques. Son rôle consistait à dévorer un porcelet vivant devant l’assistance. Le goret poussait des cris atroces que le balèze lui mangeait dans la hure. La ligue protectrice des animaux voulut faire interdire l’exhibition, mais le représentant de la loi, mandaté pour la circonstance, avait constaté que la bête sacrifiée était en réalité un faux cochon de brioche et de sirop de groseille, astucieusement articulé, dont les cris d’agonie étaient assurés par un enregistrement dissimulé entre les cuissots du boulimique. Ce dernier avait immédiatement mobilisé la sexualité particulière d’Erwin, qui le prenait plusieurs fois par jour, soit par l’anus, soit entre les bourrelets de sa chair, génératrice de replis profonds auxquels l’Allemand confiait sa semence.

En dehors de ces surprenantes étreintes, le fils du brasseur s’affichait en compagnie de pin-up tapageuses qu’il ne touchait pas. Il les comblait de cadeaux, les gavait de champagne et se laissait photographier avec ces donzelles de magazines pour asseoir son standing.

Tels se présentaient les faits lorsque nous débarquâmes dans la vie de « l’homme en blanc ».

Je dis « nous » car je n’étais pas seul, tant s’en faut ! Nous étions redevables de ce voyage collectif aux U.S.A. à Pinaud appelé là-bas par ses affaires américaines.

Tu dois te souvenir, ô mon lecteur comblé, que la Pine, dit la Vieillasse, a fait fortune sur le tard aux États-Unis grâce à deux idées que n’eût pas désavouées Christophe Colomb[1]. À cause de ce concept génial, le doux César perçut des dividendes forcenés qui modifièrent sa vie : appartement de grande classe à la Muette, domestiques, Rolls, suceuses de luxe, vêtements de chez Zili, villa sur la Côte d’Azur, caviar, montres Cartier, manteau de zibeline à médème, thermalisme de haut niveau, chien de concours, shampooing au foutre de puceau ; tout ! Que dis-je : Tout !

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Il proposa à une fabrique réputée de pâte dentifrice d’allonger l’empennage de ses brosses à chailles et d’agrandir l’orifice de ses tubes, accroissant ainsi ses ventes d’un tiers.