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Décidément, Paris me manquait ; Félicie encore plus et aussi une exquise manucure qui fourbissait les lunules de ma main gauche, tandis que ma droite parcourait son clito, s’assurant que mes ongles « n’accrochaient » pas. Elle avait l’art de se couvrir les cannes d’une immense serviette sous laquelle je batifolais des phalangettes. Ça lui donnait l’air rêveuse, Reine. Des collègues l’interpellaient, ou bien le patron, une grosse loche à tronche de paf mâtinée cake. Elle répondait que tchi, trop concentrée sur sa décarrade en suspens. Parfois, en lâchant les amarres, elle libérait une longue plainte d’accordéon à bout de souffle. Terminus !

Je te raconte et toi, pauvre pomme, de glousser : il en rajoute, Sana ! Si on le prenait argent comptant, il nous ferait gober que toutes les gerces ont les salivaires sud sous pression vingt-cinq heures sur vingt-quatre. N’importe ! Me crois pas, fesse de taupe ! bien sûr que j’en remets. N’en réalité, elles sont virginales à qui mieux mieux ; et vaginales, donc ! Certaines veulent passer pour des prudes ; des frangines au self impressionnant, des petites sœurs Machin qu’ont le fouinozoff en terre réfractaire. Si ça les amuse, why not ? Moi, ce qui m’importe, c’est pas ce qu’elles veulent faire croire : c’est ce qu’elles me font !

8

Je déteste bouffer dans un restau tentaculaire. Pour moi, la clape doit s’opérer en des lieux à l’échelle humaine ; sitôt que je croûte dans un établissement de plus de dix tables, je deviens agoraphobe.

T’heureusement, avant de partir, je me suis équipé d’un guide des States comportant des adresses valables pour user de son tube digestif sans le noyer sous des niagaras de ketchup.

Je jette mon tu sais quoi ? Oui : dévolu, sur une boîte en étage : le Schubert, sa spécialité étant la truite aux amandes. M’y rends, escorté d’un Alexandre-Benoît devenu désabusé lui aussi. Malgré les flacons de bourgogne qu’il s’est entiflés, il macère dans de sombres morosités.

— Tu veux qu’ j’ vais t’ dire ? murmure-t-il en déchiffrant un menu accroché dans l’entrée du building. Si la bouffe existerait pas, j’ m’ fererais chartreux au Carmel. T’as vu ? Y proposent d’la blanquett’ d’ veau à l’ancienne ; c’t’ écrit en parisien, on peuve avoir confiance.

Nous nous engouffrons dans l’ascenseur garni de velours bleu roi. Le liftier porte un uniforme taillé dans le même tissu, si bien que tu l’écrases contre la paroi sans t’en apercevoir.

Ici les élévateurs vont plus vite qu’une fusée Apollo à la recherche de son orbite (d’âne).

Poum ! Tziiing !

Et nous voilà à destination. Dans ce mot, il y a « destin ». Si je te le fais remarquer, c’est pas en pures pertes, comme dit Blanche.

Nous déboulons dans une taule au décor français, époque Mistinguett, ressemblant à la vénérable crèche du grand Lasserre où la gentillesse et la classe de mon pote Louis font merveille[3]. Mais différence notoire, c’est une minette en jupette ras-la-touffe qui nous reçoit.

Est-ce que nous avons-t-il réservé ? elle demande dans un américain très pur. No ? C’est pas grave : il lui reste justement une table for two près de la cage à zoiseaux. Elle nous y pilote.

Fasciné, le spadassin de la Rousse lui concocte un petit toucher de moniche chemin faisant. L’hôtesse a le sens de l’accueil car elle ne moufte pas.

On s’installe. Qu’à peine une nouvelle gerce avec une tunique tonique nous apporte deux coctaux maison, à base (je déduis à l’odeur) de bourbon, de gin, de Marie Bizarre, de sirop de menthe, de beurre fondu, de lotion antipelliculaire, de citron vert et de jus de choucroute crue.

Le Mastard trouve le breuvage si raffiné que je ne résiste pas au plaisir de lui offrir le mien. Il le siffle, comme un chasseur son chien lorsque ce dernier fait des chichis avant de ramener un faisan assassiné.

Pendant sa seconde dégustation, je perçois dans le brouhaha un rire qui me gouzille les trompes de la rue Saint-Eustache.

— J’ai oublié d’aller me laver les mains, m’excusé-je.

— T’as touché quéqu’ chose d’ sale ? s’étonne le Grand Veneur.

— Oui : je te donnais le bras !

Et de musarder à travers les tables pour rechercher l’origine de l’hilarité qui m’a fait tressaillir le gland.

Ce n’est pas long. J’avise Berthaga dans une loggia en surplomb par rapport (sexuel) à la salle.

Pas seule, qu’elle est, la délicate dame. Deux hommes l’escortent : Liebling, le prestidigitateur à l’ours, et un sang-mêlé monumental : il lui faut deux sièges pour poser son dargeot. Je reconnais l’amant de l’Allemand. La Berthaguche n’a pas fait long pour emparer l’homme au smok immaculé. Devant une pareille fougueuse de la moule, l’Erwin a arrangé une partie d’obèses qui doit le mettre en transe.

Curieux, comme la libido s’organise chez d’aucuns ! Longtemps, je me suis fait une certaine idée de la baise classique : papa, maman, la bonne… En existant, j’ai constaté que ce programme élémentaire ne suffisait pas à tout le monde. Qu’il y avait beaucoup de chemins de traverse, de combinaisons drôlatiques, de transfugeances, d’agrémentations, d’éperduances.

Je sais un pote à moi qui enfilait un fauteuil voltaire bien conservé pour son âge. Il prenait de sombres panards râpeux entre ses bras, la quéquette enquillée dans un accroc du siège. Il l’appelait Germaine en jouissant. Après, il s’oignait le gland de vaseline pour combattre l’irritation consécutive. Ce mec, je l’ai perdu de vue. Dommage, j’eusse aimé suivre sa trajectoire sexuelle. Avec quoi a-t-il entretenu des liaisons par la suite ? Objets inanimés, avez-vous donc un cul ?

Je m’approche du trio. Le magicien me reconnaît secco. Il a les traits tirés comme des crampes, le regard désenchanté.

— C’est « encore » à moi que vous en avez ? me demande-t-il d’une voix haineuse.

Berthe qui lutinait le cétacé sur la banquette relève la tête.

— Cher Antoine, minaude-t-elle, vous ici ! Est-ce possible ?

Je lui raconte : le pur hasard. Précise que son seigneur et maître m’accompagne. Elle n’en est pas émue outre mesure.

— Comment ce gros goret prend-il-t-il not’ séparance ?

— Ah ! il s’agit d’une séparation ? m’enquiers-je.

— Éternelle ! péremptoirise l’Ogresse.

— Béru l’ignore ?

— Pas pour longtemps : j’ vais tout y dire.

— Vous partez avec l’un de ces messieurs ?

— A’v’c les deux, Antoine, si vous sauriez comme ça marche !

Et sans vergogne, elle commente le mode d’emploi ; le faisant nécessairement en français, ses deux partenaires de table ne peuvent suivre, ni donc intervenir.

— Pour vous expliquer, Antoine : le presqu’agitateur me prend à la Duc-dos-au-mal, ce qu’ j’ raffole, tout en f’sant feuille de rose à Gulliver. Ça paraît compliqué, mais si vous voudrez, après le dîner on vous apprendrait la manière ; c’t’ enfantin. Ensuite, on continue par « à dada sur mon cochon », une vieille pratique de ma tante Isabeau dont elle me montrait quand j’allais passer les vacances chez elle. L’avait un voisin serrurier, duquel vous pouvez pas savoir toutes les parties d’troulala qu’on s’ payait, a’v’c lui et aussi Gracieusa, sa fille adoptive. Y z’étaient pas riches, ces gens, pourtant on passait des heures merveilleuses n’avec eux. Voiliez-vous, Antoine, c’est pas la fortune qui fait l’bonheur, mais une superbe ramonée de miches. Des tringlées dont j’ gueulais pire qu’une putoise ; au point qu’ tantine branchait la téloche à fond pour couvrir.

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3

Ceci n’est pas de la pub mais un élan de l’estomac.