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San-Antonio

Remets ton slip, gondolier !

A ALIX KAROL[1]

qui est un peu beaucoup mon « disciple » et que je vous engage à lire, à relire et à élire.

Amen

San-A.

— Ah ! dis-je.

Ernest HEMINGWAY[2]

CHAPITRE PREMIER

QUI COMMENCE DE LA FAÇON SUIVANTE

A quelques kilomètres de Milano, le râteau d’un nouveau péage se profile aux horizons de l’autostrada. Chose étrangement curieuse, nous découvrons, en l’approchant, que tous les feux des travées de passage sont au rouge. C’est nihiliste comme perspective, non ? Pour le tomobiliste, y a rien de plus confortant que des feux verts. Eh ben là, tu vois : zob ! Tout il est rosso, putain de moi !

On opte néanmoins pour le passage le plus proche de celui où vient de s’engager l’ambulance que nous coursons depuis Genève. Devant nous, est un con de Hollandais au volant d’une Daf rouge ! Il s’adresse au préposé qui lui crie qu’il y a grève des péages et que, finitas : on ne passe plus.

L’Hollanduche demande depuis quand y a grève, et l’aut’ Rital de mes burnes rétorque qu’il y a grève depuis tout de suite, ce pour une durée d’une heure et que l’aut’ cultivateur de tulipes peut aller pisser dans la nature et faire des mots croisés bataves en attendant, au besoin même troncher la charmante truie blonde qui l’accompagne pour peu qu’il en ait envie, puisque, en fin de compte, tous les goûts sont dans la nature.

Bérurier qui surveille l’ambulance me jette d’un ton désespéré :

— Merde, eux aut’, on les laisse passer !

Tu parles que c’était à prévoir : la croix rouge sur la portière d’un véhicule, plus la croix blanche sur sa plaque minéralogique, cette tire possède tous les atouts pour forcer le respect et, partant, les barrages.

Déjà, la blanche chignole ricaine transformée en carrosse d’allongé s’élance, seule, sur le ruban gris qui s’offre à elle. Va pouvoir champignonner, l’ambulanceman ! Y aller à fond la caisse. L’autotoroute est à lui seul désormais.

Je bondis hors de ma chignole et cours brandir ma carte de police sous le nez du gréviste.

— Priorité ! je lui dis fermement.

Il regarde, fait la moue.

— Ma qué, la police française ? il me demande.

Et pour me prouver ses sentiments, il me tire un bras d’honneur de toute beauté, un vraiment italoche, en allongeant le bras en avant au lieu de le relever comme on fait bêtement chez nous autres.

Sans me fâcher, j’essaie une nouvelle thérapeutique : à savoir un billet de dix mille lires. Seulement avec le merdoiement de la lire, tu parles que mon bif ne lui fait pas plus d’impression qu’une pomme mûre à un lion affamé. Il me traite d’un tas de noms qui n’ont pas cours en italien littéraire et qui, selon moi, doivent originer d’un bled pourri de Calabre ou assimilé.

Je reviens à mon volant. Un mastar camion également hollandais (ces cons, y a donc qu’eux qui circulent aujourd’hui !) est au ras de mon pare-chocs, et, derrière ce camion, d’autres tires se rangent à qui mieux mieux, ce qui fait que nous voilà bloqués comme deux merlans dans un filet.

— Tu vas m’enfoncer ce gazier, merde ! fulmine Sa Majesté.

Je donne un léger coup de klaxon au Néerlandais de devant pour l’inviter à avancer. Il se penche par sa portière et me crie en anglais que c’est la grève, ce nœud volant ! Il ressemble à un moulin à vent avec ses immenses oreilles hollandaises, à un moulin rose, au toit de chaume clair.

— Mais enfonce-me-le, bordel ! hurle le Gravos, fou de rogne d’avoir vu disparaître l’ambulance au bord de l’infini.

Plus à hésiter. Trêve de tergiverses. Je mets la vitesse montagne sur la puissante Mercedes 250 aimablement louée par M. Hertz Genève, que Dieu le protège à défaut de ses véhicules ! Et je viens coller mon pare-chocs contre le sien, imperceptiblement. Après quoi, c’est un vrai beurre que de champignonner inexorablement (tu vois comme je raffole des adverbes, ces mal-aimés). Le Fanfan-la-Tulipe, il sait plus si c’est du lard ou de la salade (de la batavia de préférence). Il se défenestre à demi pour me protester des choses en hollandais de l’année. Mais tu peux me dire, tézigue, qui est-ce qui entrave cette langue, excepté quinze millions de moudus rosâtres, blondassus, qui se maintiennent à coups de digues, comme les castors, mais qui, eusses, seraient bien incap’ de terrasser avec leurs queues, t’as qu’à visionner leurs frites pour te rendre compte l’étendue de leur pénurie calbarde. Car s’ils avaient été zobés convenable, tu parles, depuis Rembrandt, ils seraient plus de quinze millions !

Il l’entend pas de cette oreille, tout comme son compatriote Vincent Van Gogh. Il me brandit le poing. Ça m’incite à gaver mon moteur d’essence Agip et Césarin, au volant de sa trottinette, défonce bel et bien le bras à chevrons rouges et blancs qui interdit le franchissement du péage. Un nouveau coup de sauce, et notre Pays-Bassiste va faire un mini dérapage incontrôlé en direction de l’accotement. Sa truie pousse des clameurs olidesques. Je mate dans le rétro et j’avise le préposé qui, oubliant toute grève larvée, se claque l’armoire à spaghettis, vu qu’un Italien, tu remarqueras, il perdra jamais une occase de se fendre le pébroque quand l’occasion s’en présente.

A nous la speed limit. Toute la crème !

— Bourre, bourre ! hurle Bérurier qui joue les barreurs.

— Et comment que je bourre !

A fond de plancher. La Mercedes semble gober les raies blanches pointillées sur l’autostrada.

— Tu crois qu’on va avoir les roussins au fion ? murmure le Gravos.

— Je pense pas : le julot du péage a vu que j’étais poulet et il ne me semble pas que le Néerlandais ait eu de gros dommages.

On reste un bout sans causer, laissant le moteur démener à son aise, ébloui de super, tant tellement que lui en seringue, ce chéri.

Et tout en roulant, pour ta commodité, vieux paf, j’évoque l’enchaînement des faits qui nous ont propulsés dans la belle Italie gréviste mais ensoleillée, que j’en remercie le ciel, d’idolâtrer à ce point l’Italie, au point que je me demande pourquoi j’irais pas y crécher un jour.

Bon, c’était ce morninge, à l’agence. Tu sais, la Paris Detective Agency que je dirige avec tant de brio et où Béru s’active avec tant de brioche ? J’avais dans mon bioutifoule burlingue un type soucieux. Pédégé en renom, il venait de découvrir un trou dans la comptabilité et soupçonnait son plus précieux collaborateur. Ça le tartait vachetement car le zigus en question travaillait pour lui depuis une vingtaine d’années et son comportement avait toujours été irréprochable.

C’est alors que le petit signal secret placé près de mon sous-main s’était allumé, m’indiquant que le Vieux voulait me parler d’urgence. J’ai décroché le combiné de notre ligne directe.

— Oui ?

— Branchez cet ahuri sur Pinaud, San-Antonio ; notre ami s’occupera de sa petite affaire. J’ai de l’urgent à vous confier, appelez-moi dans trois minutes.

Le temps de mettre le pédégé en cheville avec Baderne-Baderne, lequel, ce matin-là, à cause d’un premier soleil, arborait un futal de flanelle grise et un blazer pour gigolpince décati.

Moins de trois minutes plus tard, je tubais à Mister le Scalpé.

— Je suis à vous, patron.

— Cette fois c’est un truc bizarre, San-Antonio, qui émane de la C.I.A. Avez-vous entendu parler de Carlo Spontinini ?

— Un ancien chef de la Maffia ?

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1

Note de l’Editeur : Alix Karol est un auteur Fleuve Noir, bien entendu !

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2

Cette phrase, si merveilleuse de concision, a été extraite de Paris est une fête (page 840, édition de la Pléiade).