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Les yeux pâles de l’elfe s’agrandirent et il se mit à marmonner plus vite et plus furieusement que jamais.

– La Sang-de-Bourbe parle à Kreattur comme si elle était son amie, si la maîtresse de Kreattur le voyait en si mauvaise compagnie, oh, que dirait-elle… ?

– Ne l’appelle pas Sang-de-Bourbe ! protestèrent Ron et Ginny avec colère.

– Ça n’a pas d’importance, murmura Hermione. Il n’a pas toute sa tête, il ne sait pas ce qu’il…

– Ne t’imagine pas ça, Hermione, il est parfaitement conscient de ce qu’il dit, assura Fred en lançant un regard de dégoût à Kreattur.

L’elfe marmonnait toujours, les yeux tournés vers Harry.

– Est-ce vrai ? Est-ce vraiment Harry Potter ? Kreattur voit la cicatrice, ce doit être vrai, c’est lui qui a fait échec au Seigneur des Ténèbres, Kreattur se demande comment il s’y est pris…

– On se le demande tous, Kreattur, dit Fred.

– Et, au fait, qu’est-ce que tu veux ? demanda George.

Les yeux immenses de l’elfe se posèrent aussitôt sur George.

– Kreattur fait le ménage, dit-il d’un ton vague.

– Et tu penses qu’on va te croire ? tonna une voix derrière Harry.

Sirius était revenu et regardait l’elfe avec des yeux flamboyants de colère. Dans le hall, le tumulte s’était apaisé. Peut-être Mrs Weasley et Mondingus étaient-ils allés poursuivre leur dispute dans la cuisine. En voyant Sirius, Kreattur, dans une attitude ridicule, s’inclina si bas que son nez en forme de groin s’écrasa sur le tapis.

– Tiens-toi droit, ordonna Sirius, agacé. Qu’est-ce que tu fabriques ici ?

– Kreattur fait le ménage, répéta l’elfe. Kreattur ne vit que pour servir la noble maison des Black…

– Et la noble maison devient de plus en plus ignoble chaque jour. C’est d’une saleté repoussante, ici, répliqua Sirius.

– Le maître a toujours aimé plaisanter, reprit Kreattur en s’inclinant à nouveau.

Il poursuivit à mi-voix :

– Le maître est un sale pourceau ingrat qui a brisé le cœur de sa mère…

– Ma mère n’avait pas de cœur, Kreattur, répondit sèchement Sirius. Seule la rancœur la faisait vivre.

Kreattur s’inclina une fois de plus.

– Le maître dit ce qu’il veut, grommela-t-il avec fureur. Le maître n’est pas digne d’essuyer la boue des bottes de sa mère ! Oh, ma pauvre maîtresse, que dirait-elle si elle voyait Kreattur le servir, lui ? Oh, comme elle le haïssait, quelle déception il représentait pour elle…

– Je t’ai demandé ce que tu fabriquais ici, coupa Sirius avec froideur. Chaque fois que tu te montres en prétendant faire le ménage, tu dérobes quelque chose et tu vas le mettre dans ta chambre pour qu’on ne puisse pas le jeter.

– Kreattur n’enlèverait jamais rien de la place qui est la sienne dans la maison du maître, assura l’elfe ; puis il marmonna précipitamment : La maîtresse ne pardonnerait jamais à Kreattur que quelqu’un jette la tapisserie, sept siècles elle est restée dans la famille, Kreattur doit la sauver, Kreattur ne laissera pas le maître ni ceux qui ont trahi leur sang ni les sales gosses la détruire…

– Je pensais bien que c’était ça, dit Sirius en regardant avec dédain le mur d’en face. Elle a sûrement jeté un autre maléfice de Glu Perpétuelle pour qu’on ne puisse pas la décrocher, mais si j’arrive à m’en débarrasser, je ne m’en priverai pas. Et maintenant, va-t’en, Kreattur.

Apparemment, l’elfe n’osait pas désobéir à un ordre direct. Mais le regard qu’il lança à Sirius en passant devant lui de son pas traînant exprimait la plus profonde répugnance et tout au long du chemin qui le séparait de la porte, il ne cessa de marmonner :

– … revient d’Azkaban et donne des ordres à Kreattur. Oh, ma pauvre maîtresse, que dirait-elle si elle voyait la maison à présent, pleine de cette vermine, ses trésors jetés aux ordures, elle jurait que ce n’était pas son fils et le voilà de retour, on dit aussi que c’est un assassin…

– Continue à marmonner comme ça et je ne vais pas tarder à devenir un véritable assassin ! s’exclama Sirius d’un ton exaspéré en claquant la porte derrière l’elfe.

– Sirius, il n’a pas toute sa tête, plaida Hermione. À mon avis, il ne s’aperçoit pas qu’on entend ce qu’il dit.

– Il est resté seul trop longtemps à obéir aux ordres déments du portrait de ma mère et à parler tout seul, répondit Sirius, mais de toute façon, il a toujours été un horrible petit…

– Si vous lui donniez sa liberté ? suggéra Hermione avec espoir, peut-être que…

– Impossible de le libérer, il sait trop de choses sur l’Ordre, répliqua sèchement Sirius. Et, d’ailleurs, le choc le tuerait. Propose-lui de quitter la maison, tu verras comment il réagira.

Sirius s’approcha du mur auquel était accrochée sur toute sa surface la tapisserie que Kreattur tenait tant à protéger. Harry et les autres le rejoignirent.

La tapisserie paraissait très ancienne. Elle était décolorée et on aurait dit que des Doxys l’avaient grignotée par endroits. Mais le fil d’or avec lequel elle avait été brodée continuait de briller suffisamment pour qu’on puisse voir un arbre généalogique aux multiples ramifications qui remontait (autant que Harry pouvait en juger) au Moyen Âge. Tout en haut de la tapisserie était écrit en grosses lettres :

La Noble et Très Ancienne Maison des Black

« Toujours pur »

– Tu n’y es pas ! remarqua Harry après avoir examiné le bas de l’arbre.

– J’y étais, répondit Sirius en montrant un petit trou rond aux bords noircis qui ressemblait à une brûlure de cigarette. Mais ma chère vieille mère m’a effacé d’un coup de baguette lorsque je suis parti de la maison. Kreattur aime beaucoup raconter l’histoire quand il parle tout seul.

– Tu t’es enfui de la maison ?

– Quand j’ai eu seize ans. J’en avais assez.

– Où es-tu allé ? demanda Harry en le regardant avec de grands yeux.

– Chez ton père, dit Sirius. Tes grands-parents ont été très gentils avec moi. D’une certaine manière, ils m’ont considéré comme leur deuxième fils. Je suis allé camper chez eux pendant les vacances scolaires et, quand j’ai eu dix-sept ans, j’ai pris une maison à moi. Mon oncle Alphard m’avait laissé une assez belle quantité d’or – lui aussi, on l’a enlevé de l’arbre, sans doute à cause de ça – et, à partir de cette époque, j’ai pu vivre par mes propres moyens. Mais j’ai toujours été invité à déjeuner le dimanche chez Mr et Mrs Potter.

– Et… Pourquoi es-tu…

– Parti ?

Sirius eut un sourire amer et passa ses doigts dans ses longs cheveux emmêlés.

– Parce que je les haïssais tous : mes parents avec leur manie du sang pur, qui étaient convaincus qu’être un Black donnait quasiment un rang royal… mon idiot de frère, suffisamment bête pour les croire… Tiens, c’est lui.

Sirius tapota de l’index le bas de l’arbre généalogique à l’endroit qui portait le nom de Regulus Black. La date de sa mort (une quinzaine d’années auparavant) suivait sa date de naissance.

– Il était plus jeune que moi, reprit Sirius, et un bien meilleur fils, comme on ne manquait jamais de me le faire observer.

– Mais il est mort, dit Harry.

– Ouais… L’imbécile… Il s’est enrôlé dans les Mangemorts.

– Tu plaisantes ?

– Allons, Harry, tu as vu suffisamment de choses dans cette maison pour savoir quel genre de famille vivait ici, non ? répliqua Sirius avec mauvaise humeur.

– Et tes… tes parents aussi étaient des Mangemorts ?