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— Non… dit-il avec effort. Il y a un de mes amis qui vient aussi. Il est en bas…

— Comment qu’il s’appelle ? demanda Didiche.

— Anne, répondit Angel.

C’est marrant, observa Didiche. C’est un nom de chien.

— C’est un joli nom, dit Olive.

— C’est un nom de chien, répéta Didiche. C’est idiot, un type avec un nom de chien.

— C’est idiot, dit Angel.

— Vous voulez voir notre cormoran ? proposa Olive.

— Non, dit Angel, il vaut mieux pas le réveiller.

— On vous a dit quelque chose qui vous a ennuyé ? demanda doucement Olive.

— Mais non, dit Angel.

Il posa sa main sur les cheveux d’Olive et caressa la tête ronde, et puis il soupira. En haut, le soleil hésitait à revenir.

VII

… et il n’est pas toujours mauvais de mettre un peu d’eau dans son vin…

(Marcelle Véton. « Traité de Chauffage » Dunod éditeur, Tome I. page 145.)

On tapait à la porte d’Amadis Dudu depuis déjà cinq bonnes minutes. Amadis regardait sa montre pour compter combien de temps il fallait avant que sa patience fût à bout et à six minutes dix, il se dressa en donnant un formidable coup de poing sur la table.

— Entrez, rugit-il d’une voix rageuse.

— C’est moi, dit Athanagore en poussant la porte. Je vous dérange ?

— Naturellement, dit Amadis.

Il faisait des efforts surhumains pour se calmer.

— C’est parfait, dit Athanagore, comme ça, vous vous rappellerez ma visite. Vous n’avez pas vu Dupont ?

— Mais non, je n’ai pas vu Dupont.

— Oh ! dit Athanagore, vous allez fort ! Alors où est-il ?

— Enfin, nom de Dieu ! dit Amadis. Est-ce que c’est Martin ou moi qui s’envoie Dupont ? Demandez à Martin !

— Bon ! c’est tout ce que je voulais savoir, répondit Atha, Ainsi, vous n’avez pas encore réussi à séduire Dupont ?

– Écoutez, je n’ai pas de temps à perdre. Les ingénieurs et le matériel arrivent aujourd’hui et je suis en plein baccarat.

— Vous parlez comme Barrizone, dit Athanagore. Vous devez être influençable.

— Je vous en fous, dit Amadis. Ce n’est pas parce que j’ai le malheur de sortir une expression diplomatique à Barrizone que vous devez m’accuser d’être influençable. Influençable ? Vous me faites rigoler, tenez !

Amadis se mit à rigoler. Mais Athanagore le regardait et ça le rendit furieux de nouveau.

— Au lieu de rester là, dit-il, vous feriez mieux de m’aider à tout préparer pour les recevoir.

— Préparer quoi ? demanda l’archéologue.

— Préparer leurs bureaux. Ils viennent ici pour travailler. Comment voulez-vous qu’ils fassent s’ils n’ont pas de bureaux ?

— Je travaille bien sans bureau, dit Athanagore.

— Vous travaillez ? Vous ?… Vous vous rendez bien compte que sans bureau, il n’y a pas de travail sérieux, non ?

— J’ai l’impression que je travaille autant qu’un autre, dit Athanagore. Vous croyez que c’est léger un marteau archéologique ? Et casser des pots toute la journée pour les mettre dans des boîtes standard, vous vous imaginez que c’est une plaisanterie ? Et surveiller Lardier, et engueuler Dupont, et écrire mon livre de bord et chercher dans quelle direction on devrait creuser, alors, tout ça, ce n’est rien ?

— Ce n’est pas sérieux, dit Amadis Dudu. Faire des notes de service et envoyer des rapports, à la bonne heure ! Mais creuser des trous dans du sable ?…

— Qu’est-ce que vous allez faire en fin de compte ? dit Athanagore. Avec toutes vos notes et tous vos rapports ? Vous allez bâtir un ignoble chemin de fer, puant et rouillé, qui mettra de la fumée partout. Je ne dis pas qu’il ne servira à rien, mais ce n’est pas un travail de bureau non plus.

— Vous devriez bien vous dire plutôt que le plan a été approuvé par le Conseil d’Administration et Ursus de Janpolent, dit Amadis avec suffisance. Vous n’êtes pas en mesure de juger de son utilité.

— Vous me cassez les pieds, dit Athanagore. Au fond, ce que vous êtes, c’est un homosexuel. Je ne devrais pas vous fréquenter.

— Vous ne risquez rien, dit Amadis. Vous êtes trop vieux. Dupont, à la bonne heure !

— Oh, la barbe, avec Dupont. Qu’est-ce que vous attendez, aujourd’hui, finalement ?

— Angel, Anne, Rochelle, un contremaître, deux agents d’exécution et leur famille, le matériel. Le docteur Mangemanche arrive par ses propres moyens, avec un interne, et un mécanicien nommé Cruc nous rejoindra dans quelque temps. Nous recruterons sur place les quatre autres agents d’exécution indispensables, s’il y a lieu, mais je crois qu’il n’y aura pas lieu.

– Ça fait une considérable quantité de travailleurs, dit Athanagore.

— Au besoin, remarqua Amadis, on débauchera votre équipe en lui offrant un salaire supérieur.

Athanagore regarda Amadis et se mit à rire.

— Vous êtes drôle avec votre chemin de fer.

— Qu’est-ce que j’ai de drôle ? demanda Amadis, vexé.

— Vous croyez que vous débaucherez mon équipe comme ça ?

— Certainement, dit Amadis. Je leur offrirai une prime supérieure au rendement, et des avantages sociaux et un comité d’entreprise et une coopérative et une infirmerie.

Peiné, Athanagore secoua sa tête grisonnante. Tant de méchanceté le confondait avec le mur et Amadis crut le voir disparaître, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Un effort d’accommodation le fit émerger à nouveau au milieu de son champ visuel en friche.

— Vous n’y arriverez pas, assura Athanagore. Ils ne sont pas fous.

— Vous verrez, dit Amadis.

— Ils travaillent pour rien, avec moi.

— Raison de plus.

— Ils aiment l’archéologie.

— Ils aimeront la construction des chemins de fer.

— Enfin, oui ou non, dit Athanagore, avez-vous fait les Sciences Politiques ?

— Oui, dit Amadis.

Athanagore resta silencieux quelques instants.

— Quand même, dit-il enfin. Vous aviez des prédispositions. Les Sciences Politiques ne suffiraient pas à expliquer ça.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, mais cela ne m’intéresse pas du tout. Voulez-vous m’accompagner ? Ils arrivent dans vingt minutes.

— Je vous suis, dit Athanagore.

— Savez-vous si Dupont sera là ce soir ?

— Oh ! dit Athanagore excédé. Foutez-moi la paix avec Dupont.

Amadis grommela et se leva. Son bureau occupait maintenant une pièce au premier étage du restaurant Barrizone, et, par la fenêtre, il pouvait voir les dunes et les herbes raides et vertes où se collaient de petits escargots jaunes vifs et des lumettes de sable aux irisations changeantes.

— Venez, dit-il à Athanagore, et il passa le premier avec insolence.

— Je vous suis, dit l’archéologue. N’empêche que vous faisiez moins votre directeur en attendant le 975…

Amadis Dudu rougit. Ils descendaient l’escalier frais et peu éclairé, et cela fit sortir de l’ombre des objets de cuivre luisant.

— Comment le savez-vous ?

— Je suis archéologue, dit Athanagore. Les vieux secrets n’en sont pas pour moi.

— Vous êtes archéologue, d’accord, convint Amadis, mais vous n’êtes pas voyante.

— Ne discutez pas, dit Atha. Vous êtes un jeune homme mal élevé… Je veux bien vous aider à recevoir votre personnel, mais vous êtes mal élevé… Personne n’y peut rien, car vous l’êtes mal, mais également vous êtes élevé. C’est l’inconvénient.