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On frappa à la porte.

— Entrez ! dit sèchement Amadis.

— Bon giorno, dit la Pipe en entrant.

— Bonjour, Barrizone, dit Amadis. Vous désirez me parler ?

— Si, dit Pippo. Qu’est-ce qu’ils viennent faire, ces putains de chemins de fer, à le mettre juste devant mon hôtel ? Qu’est-ce que j’en ai à foutre ?

— Le Ministre vient de signer le décret d’expropriation vous concernant, dit Amadis. Je comptais vous en aviser ce soir.

— C’est des histoires diplomatiques et majuscules, ça, dit Pippo. Quand est-ce qu’ils vont enlever ça ?

— On va être obligés de démolir l’hôtel pour le faire passer au milieu, dit Amadis. Il fallait que je vous informe.

— Quoi ? dit Pippo. Démolir le fameux hôtel Barrizone ? Que ceux qui ont goûté de mes spaghettis à la Bolognese sont restés avec la Pipe toute leur vie.

— C’est regrettable, dit Amadis, mais le décret est signé. Considérez que l’hôtel est réquisitionné au profit de l’État.

— Et moi, alors ? dit Pippo. Qu’est-ce que je fous, là-dedans ? Je n’ai plus qu’à retourner chef de rang trancheur, hein ?

— Vous serez indemnisé, dit Amadis. Pas immédiatement, sans doute.

— Les pourrrques ! murmura Pippo.

Il tourna le dos à Amadis et sortit sans refermer la porte. Amadis le rappela.

— Fermez votre porte !

— Et, ce n’est plus ma porte, dit la Pipe furieux. Fermez-la vous-même !

Il s’en alla en marmottant des jurons à résonance méridionale.

Amadis pensa qu’il aurait dû faire réquisitionner Pippo en même temps que l’hôtel, mais le processus était plus complexe et les formalités auraient demandé trop de temps. Il se leva et fit le tour de son bureau. Il se trouva nez à nez avec Angel qui entrait sans frapper, et pour cause.

— Bonjour, Monsieur, dit Angel.

— Bonjour, dit Amadis, sans lui tendre la main.

Il acheva son tour et se rassit.

— Fermez votre porte, s’il vous plaît, dit-il. Vous désirez me parler ?

— Oui, dit Angel. Quand serons-nous payés ?

— Vous êtes bien pressés.

— J’ai besoin d’argent et nous devrions être payés depuis trois jours.

— Est-ce que vous vous rendez compte que nous sommes dans un désert ?

— Non, dit Angel. Dans un vrai désert il n’y a pas de chemin de fer.

— C’est un sophisme, estima Amadis.

— C’est ce qu’on vous voudra, dit Angel. Le 975 passe souvent.

— Oui, dit Amadis, mais on ne peut pas confier un envoi à un conducteur fou.

— Le receveur n’est pas fou.

— J’ai voyagé avec lui, dit Amadis. Je vous assure qu’il est pas normal.

— C’est long, dit Angel.

— Vous êtes un gentil garçon, dit Amadis… Physiquement, je veux dire. Vous avez… une peau assez plaisante. Aussi, je vais vous apprendre quelque chose que vous ne saurez que ce soir.

— Mais non, dit Angel, puisque vous allez me le dire.

— Je vous le dirai si vous êtes vraiment un gentil garçon. Approchez-vous.

— Je ne vous conseille pas de me toucher, dit Angel.

— Regardez-le ! Il prend la mouche tout de suite ! s’exclama Amadis. Ne soyez pas si raide, voyons !

– Ça ne me dit rien du tout.

— Vous êtes jeune. Vous avez tout le temps de changer.

— Est-ce que vous me dites ce que vous avez à me dire ou est-ce que je dois m’en aller ? dit Angel.

— Eh bien ! vous allez être diminués de vingt pour cent.

— Qui ?

— Vous, Anne, les agents d’exécution, et Rochelle. Tous, sauf Arland.

— Quel salaud, cet Arland ! murmura Angel.

— Si vous montriez de la bonne volonté, dit Amadis, j’aurais pu vous éviter ça.

— Je suis plein de bonne volonté, dit Angel. J’ai terminé mon travail trois jours plus tôt que vous ne me l’aviez demandé, et j’ai presque fini le calcul des éléments de la gare principale.

— Je n’insiste pas sur ce que moi j’entends par bonne volonté, dit Amadis. Pour plus d’éclaircissements, vous pourriez vous adresser à Dupont.

— Qui est Dupont ?

— Le cuisinier de l’archéologue, dit Amadis. Un gentil garçon, ce Dupont, mais quelle garce !

— Ah, oui ! Je vois qui vous voulez dire.

— Non, dit Amadis. Vous confondez avec Lardier. Lardier, il me dégoûte.

— Pourtant… dit Angel.

— Non, vraiment, Lardier est répugnant. D’ailleurs, il a été marié.

— Je comprends.

— Vous ne pouvez pas me blairer, hein ? demanda Amadis.

Angel ne répondit pas.

— Je sais bien. Cela vous gêne. Je n’ai pas l’habitude de faire des confidences à n’importe qui, vous savez, mais je vais vous avouer que je me rends parfaitement compte de ce que vous pensez tous de moi.

— Et alors ? dit Angel.

— Alors, je m’en fous, dit Amadis. Je suis pédéraste et qu’est-ce que vous voulez y changer ?

— Je ne veux rien y changer, dit Angel. En un sens je préfère ça.

– À cause de Rochelle ?

— Oui, dit Angel. À cause de Rochelle. J’aime mieux que vous ne vous occupiez pas d’elle.

— Parce que je suis séduisant ? demanda Amadis.

— Non, dit Angel. Vous êtes affreux, mais c’est vous le patron.

— Vous avez, une drôle de façon de l’aimer, dit Amadis.

— Je sais comment elle est. Ce n’est pas parce que je l’aime que je ne la vois pas.

— Comment pouvez-vous aimer une femme ? dit Amadis.

Il semblait se parler à lui-même.

— C’est inconcevable ! Ces choses molles qu’elles ont partout. Ces espèces de replis humides…

Il frissonna.

— Horrible…

Angel se mit à rire.

— Enfin, dit Amadis, de toutes façons, ne prévenez pas Anne que vous êtes diminué. Je vous ai dit ça confidentiellement. De femme à homme.

— Merci, dit Angel. Vous ne savez pas quand l’argent arrivera ?

— Je ne sais pas. Je l’attends.

— Bon.

Angel baissa la tête, regarda ses pieds, ne leur trouva rien de spécial et releva la tête.

— Au revoir, dit-il.

— Au revoir, dit Amadis. Ne pensez pas à Rochelle.

Angel sortit et rentra aussitôt.

— Où est-elle ?

— Je l’ai envoyée à l’arrêt du 975 porter le courrier.

— Bon, dit Angel.

Il quitta la pièce et ferma la porte.

VI

Pourquoi ce type d’invariance avait-il échappé au calcul tensoriel ordinaire ?

(G. Whitrow, La structure de l’Univers, Gallimard éd., p. 144.)