L'ibis est l'oiseau qui parait au moment où le Nil va déborder : il a donc la connaissance de l'avenir. En outre, quand il mange, son bec forme avec ses pattes un triangle équilatéral, en sorte qu'il est l'incarnation de la géométrie et des sciences qui en découlent. C'est pour ces raisons qu'il est attribué à Thoth, l'intelligence divine.
Examinons d'abord quel est le rôle de ce dieu, par rapport aux crues du Nil, d'où dépend la fertilité de l'Egypte et en quelque sorte l'existence même de ses habitants.
Fig. 783. — Le dieu Thotli maniuant le point où doit s'anvtcr la criu' du Nil d"aju'ès un bas-relief du temple de Pliilae).
Une invocation aux dieux relativement à l'inondation du Nilest figurée sur un bas-relief du temide de l'ouest à Phihe (fig. 783). Le dieu à tète d'ibis, Tlioth, debout au milieu de la composition, tient dans la main gauche une longue règle dentelée d'un côté et se recourbant à son ex-
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tiviiiité supérieure. Dans la main droite, il lient un roseau ou un stylet avec lequel il est près de marqner un degré sur la règle dentelée. Ce degré est, suivant l'explication donnée par Creuzer, la mesure de la hauteur à laquelle le Nil doit couvrir le sol. Mais Thoth nest ici que le secrétaire chargé d'enregistrer la volonté des deux divinités assises en face de lui. La première est Osiris ou ïlorus : le dieu est assis et tient de la main gauche la croix ansée (la clef du Nil suivant Creuzer). De l'autre main il soutient l'instrument dentelé que tient Thoth, et lui indique le degré qu'il doit marquer. Il a la figure humaine et porte comme coiifure le pschent, emblème de la souveraineté sur la Haute et la Basse Egypte. Derrière lui est la déesse Isis, mère de l'Egypte, caractérisée par la coiffure à ailes de vautour, oiseau qui symbolise la maternité. En élevant la main droite, la déesse paraît adhérer à la prière de son adorateur qui est debout derrière Thoth et lève ses mains suppliantes vers les deux divinités assises. Ce personnage est probablement un prêtre, mais c'est à coup sur un fonctionnaire important puisque sa coifTure indique la domination sur la région inférieure.
(' Thoth, dit M. de Rougé, est identifié avec le dieu Lune. La tête d'ibis, qui le caractérise habituellement, est surmontée du disque et de deux cornes en croissant. Quelquefois une tète humaine porte pour coiffure la tête d'ibis avec le diadème A.tew. De belles figures de bronze, de faïence émaillée et de lapis-lazuli, le représentent avec ces attributs. Thoth-Lune a quelquefois le corps entièrement nu et modelé comme celui d'un enfant aux formes élancées ; c'est probablement la lune à son premier quartier. Plus souvent il est adulte et vêtu de la schenti : il porte alors quelquefois dans ses mains l'œil d'Horus, symbole de la pleine lune. Dans son caractère de dieu-Lune, Thoth est souvent identifié avec le dieu Rhons, de Thèbes. »
Thoth prend aussi l'apparence du singe cynocéphale : dans les sculp-
Fig. 78i.
'i'iiotli cyiiocéplialo, écrivant sui- ses tablettes (d'après une sculpture du temple de Philsp).
tiu'es du temple de Phihe, on voit un cynocé|)hale assis et inscrivant
avec un stylet des caractères sur les tablettes qu'il tient sous ses yeux.
Thoth est en effet le dieu des lettres, et c'est ])Our cette raison que les
(jrecs l'ont confondu avec leur Hermès (Mercure), qui préside à l'élo-
quencc et à l'éducation des jeunes gens. Diodore de Sicile nous donne de curieux renseignements sur cette identilicafion.
« Osiris honora Hermès qui était doué d'un talent remarquable pour tout ce qui regarde la société humaine. En etîet, Hermès établit le premier une langue commune, il donna des noms à beaucoup d'objets qui n'en avaient pas ; il inventa h's lettres et institua les sacritlces et le culte des dieux. H donna aux hommes les premiers principes de l'astronomie et de la musi([ue ; il leur enseigna la palestre, la danse et les exercices du corps. 11 imagina la lyre à trois cordes, par allusion aux trois saisons de l'année ; ces trois cordes rendent trois sons, l'aigu, le grave et le moyen. L'aigu répond à l'été, le grave à l'hiver, elle moyen au printemps. C'est lui qui apprit aux Grecs l'interprétation des langues ; pour cette raison, ils l'ont appelé Hermès (l'interprète). Il était le scribe sacré (hiérogrammate) d'Osiris qui lui communiquait tous ses secrets et faisait grand cas de ses conseils. C'est enfin lui qui découvrit l'olivier, découverte que les Grecs attribuent à Minerve (Diodore de Sicile).
Le rituel funéraire. — '< Une grande doctrine, dit M. de Rongé, domine tout le système funéraire des anciens Egyptiens, et présida depuis les temps les plus reculés, à tous les rites qui accompagnaient l'embaumement et la sépulture, ainsi qu'à tous les emblèmes qui couvrent les cercueils et les sculptures des tombeaux; c'est l'immortalité de l'âme. Cette immortalité était spécialement promise aux âmes qui auraient été reconnues vertueuses par Osiris, juge des enfers. Elles devaient rejoindre leur corps et l'animer d'une nouvelle vie que la mort ne pourrait plus atteindre ; quant aux âmes condamnées, elles devaient subir le supplice de la seconde mort. L'ensemble de cette doctrine, vraiment nationale en Egypte, ressort clairement de ce que nous pouvons comprendre des textes du rituel funéraire. Ce livre sacré, dont chaque momie devait porter un exemplaire plus ou moins complet, contient une série d'hymnes, de prières et d'instructions, dont une partie est spécialement destinée aux diverses cérémonies des funérailles. On y trouve aussi les doctrines dont la connaissance était regardée comme nécessaire à l'âme humaine pour jouir de tous les biens attachés à la proclamation de sa vertu. Le chapitre H est consacré à la vie qui commence après la mort, et le chapitre XLIV énonce formellement que celte nouvelle vie ne sera plus sujette à la mort. Tel est le principe général qui a régi tous les rites funéraires des anciens Egyptiens, et, sans nier les raisons sanitaires que le climat justifie si bien, cette croyance a certainement exercé la plus grande influence sur la coutume d'embaumer les corps pour les conserver autant que possible dans leur intégrité ; car, suivant la promesse formelle du rituel (chap. LXXXIX), l'âme devait un jour se réunir à son corps. » Un exem|)laire, ou tout au moins un fragment du
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l'itiiel, était ordinairement placé dans la momie pour rappelcM au mort la marche qu'il devait suivre.
Dans une stèle funéraire du musée de Boulak, le mort admis en présence du juge suprême, s'écrie : « Je me suis attaché Dieu par mon (( amour; j'ai donné du pain à celui qui avait faim, de l'eau h celui qui « avait soif, des vêtements h celui qui était nu; j'ai donné un lieu (( d'asile à l'abandonné. » « Ce n'est point un hasard, ajoute M. Mariette, que ces touchantes paroles où sont les aspirations d'une morale tout évangélique, se rencontrent ici. Les monuments égyptiens en font un si fréquent emploi, que nous sommes presque autorisés à y voir une sorte de prière d'un usage pour ainsi dire quotidien. »
Thoth apparaît ordinairement dans les scènes de jugement de l'àme, si fréquentes sur les monuments égyptiens. 11 est souvent accompagné de Pacht, la déesse à tête de lionne, qu'on trouve aussi dans de nombreuses statuettes sous la forme d'une chatte. C'est que Pacht, la déesse justicière, se fait lionne pour les méchants, tandis que pour les bons elle est une chatte caressante.
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