1 Eji^ypte. « Les Egyptiens, dit Chanipollion-Figeac. a]»pelaient ce dieu en leur langue Hopimou, et ce nom signifie celui qui a la faculté de cacher ou de retirer ses eaux, après en avoir couvert le sol de rEgy[>te ]>our le féconder. »
Les rois d'EgypIe, étant assimilés au soleil levant, prennent souvent le titre de (ils d'Ammon. « Alexandre, dit M. de Rougé, en grand poli-ti(|ue qu'il était, comprit ([iie le plus sûr moyen d'établir sa domination dans l'esprit de ces peuples, était d'employer à son usage des préjugés qui avaient pour eux la force des siècles. C'est dans ce but qu'il lit son voyage à l'oasis d'Ammon. L'oracle le proclama fils du Soleil, en sorte qu'il représenta désormais, aux yeux des peuples d'Egypte, l'incarnation de la race du Soleil a laquelle était due l'obéissance des humains. Il faut bien connaître les idées des Egyptiens sur la royauté pour pénétrer toute la portée politique de cet acte d'Alexandre. Les Ptolémées, ses successeurs, suivirent constamment son exemple. Les serviteurs de Jupiter continuèrent cà être pour l'Egypte les dieux tils du Soleil, car en aucune région l'adoration de l'homme couronné ne prit un caractère d'idolâtrie plus complet et plus persistant que dans ce pays. »
Ammon-Nil ou Knouphis est représenté sur une foule de monuments. Dans un bas-relief peint, sculpté sous le portique du grand temple de Phibc, on voit le roi Ptolémée-Evergète II, offrant la cassolette d'encens au dieu Ammon, assis sur un riche trône. Le dieu, dont les chairs sont bleues, est coitfé des cornes du boue générateur, surmontées d'un disque et d'une mitre llan(|uée de quatre i/rcVi/s, à titre de Soleil roi des rois : il tient dans ses mains la croix ansée (la clef du Nil, suivant Kreuzer) et le sceptre des dieux bienfaisants. La déesse placée derrière Ammon est Anouke, dame du ciel : le corps de cette divinité est habituellement peint en rouge et deux grandes cornes flanquent son bonnet. Elle tient d'une main la croix ansée et de l'autre le sceptre à tète de lotus, qui caractérise les déesses.
Les eaux du Nil étaient elles-mêmes personnifiées dans Canope, le dieu vase que représente notre figure 790.
Le couvercle du vase représente la tête de bélier, caractérisant Ammon, principe fécond de la nature. La table qui le porte est décorée du sceptre des dieux bienfaisants, de la croix à anse, symbole delà vie divine, et du Nilomètre, emblèmes qui expriment tous la puissance productrice du fleuve.
Diodore de Sicile parle des grandes processions où l'image du dieu est promenée sur une barque sacrée. « La statue du dieu, dit-il, est couverte d'émeraudes et d'autres ornements et elle rend ses oracles d'une manière toute particulière. Elle est portée dans une nacelle dorée, sur les épaides de quatre-vingts prêtres; ceux-ci la portent machinalement là où le dieu leur fait signe d'aller; cette procession est suivie
LES DIEUX DE L'EGYPTE.
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par une foule de femmes et de jeunes filles, chantant pondant toute la route des hymnes et des cantiques selon les rites anciens. »
.. Les Egyptiens, dit Plutarque. prétendent que le soleil et la lune ne sont point voitures dans des chariots ou charrettes, ains dedans des bateaux, esquels ils naviguent tout autour du monde, donnant parla à entendre qu'ils sont nés et nourris d'humidité. » En elTet, les Grecs ont
Fig. 790. — Canope avec la tète d'Ainnion.
toujours représenté le soleil sous la forme d'une divinité à la tète radiée, et portée sur un char dont il guide les chevaux, tandis que les Egyptiens expriment la même idée sous la forme d'une barque, au milieu de laquelle s'élève une petite chapelle renfermant l'image du dieu. C'est ce qu'on appelle la barque sacrée.
Ces barques sont figurées sur plusieurs monuments dans une forme à peu près identique, mais avec des attributs et des emblèmes différents. Au centre de la barque était le Naos, ou chasse, contenant, caché derrière une porte toujours fermée, le mystérieux emblème de la divinité ; des images de rois en adoration, des divinités diverses, des ustensiles sacrés, couvraient l'avant et l'arrière de la barque.
Les barques symboliques sculptées sur les parois des temples ne sont que la représentation de celles qu'on portait dans les processions ; dans ces marches religieuses elles étaient portées sur les épaules des prêtres. La plupart de ces barques portatives étaient décorées avec la plus
<,u'andc richesse : elles étaient construites en bois précieux rehaussés d'ivoire. Queh|ues-unes môme étaient en or ou en argent. La pièce la plus importante que nous connaissions de l'orfèvrerie égyptienne est une barque sacrée.
La décoration du temple de Pliiiœ va nous fournir un exemple de la barque symbolique, dédiée cette fois à la déesse Isis. Elle est également portée sur les épaules des prêtres. Ceux-ci, au nombre de quatre, sont vêtus de longues robes et parés d'un riche collier. Leurs bras sont ornés de bracelets, et ils portent sur leurs épaules un long bâton sur lequel est le plancher où repose la barque (tig. 791).
Cette barque est décorée à ses deux extrémités par une tête d'Isis. A l'arrière, on voit une rame dirigée par un personnage à tête d'épervier, qui en meut l'extrémité au moyen de la queue du serpent sacré, qui dresse la tête devant lui et dont il tient le corps dans sa main. La chasse placée au milieu est ornée de deux génies qui étendent leurs ailes en signe de protection. Devant les prêtres qui portent la barque marche un jeune homme tenant une cassolette d'où sort de la flamme et dans laquelle il jette des grains d'encens. Le disque ailé, symbole de la marche du soleil, plane au-dessus de la barque et semble dominer toute la scène.
Les murs du temple de Karnak nous montrent l'image d'une barque sacrée, qui cette l'ois n'est pas portée sur les épaules des prêtres, mais est représentée symboliquement dans sa navigation sur le Nil. Les têtes de bélier à riche coiffure qui décorent sa poupe et sa proue, montrent qu'elle est consacrée à Ammon, divinité de Thèbes. Des mats, des obélisques et une foule d'emblèmes, parmi lesquels on remarque quatre autres petites barques votives avec leurs attributs, décorent ce monument dont la châsse décore comme toujours la partie centrale. Un Pharaon, sur la tête duquel plane le vautour sacré, offre l'encens sur la barque même : sa position un peu inclinée indique suffisamment que ses vœux s'adressent à la divinité renfermée dans le sanctuaire. Derrière lui on voit un petit autel chargé d'offrandes, un sphinx et deux petites divinités dont la première a la tête surmontée d'une plume d'autruche, symbole de justice et de vérité (fîg. 793).
Cette barque ne navigue pas seule sur le fleuve sacré : elle est remorquée par une autre d'égale longueur et dont les extrémités se terminent en fleurs de lotus. La proue est surmontée d'un épervier, et elle est montée par quatre personnages dont un à tête humaine, un à tête de bélier et deux à tête d'épervier ; ils tiennent une corde à laquelle est attachée la barque précédente et semblent eux-mêmes dirigés par une figure d'Isis. Tout ce symbolisme se rattache à la marche du soleil, qui, dans sa course nocturne, traverse les eaux, pour apparaître bientôt à l'horizon sous sa forme de fils de dieu, ou soleil levant. Nous don-
DIVINITÉS ETUANGEllES.
nons (fig-. 792) cotte prcmièro barque; elle est (]éi>oiirMie de chapelle centrale, et les figures occupent le milieu de la baniue. On reniar-
Fig. 793. — La barque d'Animoa (d'après un bas-reliel'du temple do kariiak).
<|uera que l'avant de cette première barque est caractérisé par l'épervier, personnification du soleil levant.