Fig. "93. — Remorqueurs delà barque d'Ammon (d'après un bas-relief du temple de Karnak).
Le caractère d'animalité est commun à presque toutes les divinités égyptiennes. « Les sanctuaires, dit saint Clément d'Alexandrie, après avoir fait une description resplendissante des temples égyptiens, sont
onibi'agés par des voiles tissus d'or; mais si vous avancez dans le fond du temple et que vous cherchiez la statue, un employé du temple s'avance d'un ail-grave en chantant un hymne en langue ég-yptienne, et soulève un peu le voile, comme pour vous montrer le dieu; que voyez-vous alors? Un chat, un crocodile, un serpent indigène ou quelque autre animal dangereux I Le dieu des Egyptiens paraît!... C'est une bête sauvage, se vautrant sur un tapis de pourpre !» 11 y avait en effet dans les sanctuaires un animal vivant, qui était non le dieu, comme l'ont cru les Pères chrétiens, mais le symbole vivant du dieu auquel il était consacré.
LKS DIEUX DE LA CIIALDÉE ET DE LA PHÉNICIE.
î.a triade chaldcenne. — Le poisson. — Oanncs. — Baal et Aslartc. — Moloch.
La triade chaldéenne. — Le culte assyrien, sur lequel on n'a d'ailleurs que des renseignements assez confus, paraît être, comme celui des Egyptiens, une sorte de panthéisme ou d'adoration de la nature personnifiée. On y trouve exprimé d'une manière vague, le principe de l'unité divine, mais le dieu suprême se dédouble dans ses qualités, qui en se personnifiant prennent l'apparence de divinités spéciales. Ce dieu primordial est appelé Ilou ou Assour ; c'est sous ce dernier nom qu'il était plus généralement honoré à Ninive.
c( Au-dessous d'Ilou, la source universelle et mystérieuse, dit M. Le-normant, venait une triade composée de ses trois premières manifestations extérieures et visibles, qui occupait le sommet de l'échelle des dieux dans le culte populaire. Anou, l'Oannès des écrivains, le chaos primordial, première émanation matérielle de l'être divin; Bel, le démiurge, l'organisateur du monde; Ao, appelé aussi Bin, c'est-à-dire le dieu « fils » par excellence, la lumière divine, l'intelligence qui pénètre l'univers, le dirige et le fait vivre. Ces trois personnifications divines, égales en puissance et consubstantielles, n'étaient pas placées sur le même degré d'émanation, mais regardées au contraire comme issues les unes des autres, Ao d'Oannès et Bel de Ao. » Des divinités féminines étaient associées à celles dont nous venons de parler, sans que leur rôle soit beaucoup mieux défini.
La représentation des dieux chaldéens est aussi bizarre que leur caractère est peu déterminé. La figure 794 est un cachet babylonien, sur lequel l'atlas de Creuzer donne simplement l'explication suivante : « homme-poisson et femme-poisson, qui peuvent avoir trait à Oannès, à Dagon, ou à Derceto, divinités babyloniennes ou syriennes. »
Ces dieux n'ont pour ainsi dire pas de légende ; nous rapporterons seulement une tradition relative au poisson Oannès.
Le poisson Oannès. — Suivant les renseignements assez vagues qui nous ont été fournis par l'historien chaldéen Bérose, le poisson Oannès, sorti de l'œuf primitif du monde, parut dans un lieu voisin de
LES DIEUX DE LA CHALDÉE ET DE LA PHÉNICIE. H-2'{
Babylone. Il avait deux tètes, dont une d'homme qui était placée sous sa tête de poisson. A sa queue étaient joints des pieds d'homme, et il en avait aussi la voix. Il se montrait le matin et disparaissait le soir au soleil couchant ; on ne l'a jamais vu manger ; mais, poisson bienfaisant, c'est lui qui a enseigné aux hommes Fagriculture et les arts. Il ne se
Fig. 794. — Le poisson Oannès (d'après un cachet babylonien du musée Britannique^.
contenta pas de cela ; on lui doit des renseignements fort curieux sur l'origine des choses, dont malheureusement il ne nous reste que les fragments transcrits par Bérose : « Avant toute dynastie humaine ou divine, un temps exista oii tout était eau et ténèbres, contenant des êtres inanimés informes qui reçurent la vie et la lumière sous diverses figures et espèces étranges : c'étaient des corps humains, les uns à deux, les autres à quatre ailes d'oiseau avec deux visages ; ceux-ci sur un seul corps, portaient une tête d'homme et une tête de femme avec l'un et l'autre sexe, ceux-là avaient des jambes et des cornes de chèvre ; d'autres tantôt la tète, tantôt la croupe d'un cheval, et une foule d'autres combinaisons bizarres de têtes, de corps, de queues de divers animaux, tels que chiens, chevaux, poissons, reptiles, dont les figures se voient encore peintes dans le temple de Bélus. Une femme, nommée Omorka -(la mer ou la lune), présidait à toutes ces choses. Bélus. la divisant en deux moitiés, de l'une fît la terre, de l'autre le ciel, et établit le monde dans l'ordre où il est : mais les animaux ne pouvant supporter la lumière moururent tous. Bélus, voyant que la terre était déserle quoique fertile, forma les hommes avec la tête d'Omorka, et ordonna à tous les dieux de se couper chacun la tête, et de mêler leur sang à la terre, pour en former des êtres qui pussent supporter l'air. Ensuite il fit les astres, le soleil et les cinq autres planètes. » Il paraît que Babylone a eu dix rois avant le déluge. Le premier, Aloros a régné trente-si\ mille ans. et le dixième, Xiouthras, a régné soixante et un mille huit cents ans. C'est pendant son règne qu'eut lieu le déluge dont le récit semble une paraphrase de la tradition judaïque. Cronos (ou Saturne) ordonna a Xiouthros de mettre en sûreté les écrits qui traitaient du commence-
ment, du milieu et de la fui de toutes choses, de construire un navire, d"v uionter avec sa fauiille, et de ne l'ien craindre. C'est à l'aide des oiseaux que Xioutliros a|H)rit que le déluge avait cessé, car ceux qu'il lâcha d'abord revinrent avec les pattes crottées, et ceuv ({u'il lâcha ensuite ne revinrent plus. Le roi, jugeant que la terre était devenue habitable, descendit avec sa famille, olîrit un sacrifice, et revint à Baby-lone ; mais les débris de son na\ire avaient été portés en Arménie, où ils furent pieusement recueillis par les dévots, auxquels ils servaient de talismans. Quant au poisson Oannès, il est probable qu'il s'est égaré dans l'immensité des eaux amenées par le déluge, car on ne l'a plus vu reparaître depuis cette époque.
Baal et Astarté. — liaal paraît avoir été le dieu principal de Phéniciens : son nom veut dire maître, et il a été assimilé à Jupiter. Le
Fig'. 70ô. — Baal (cVaiirès une sfaluctto on bronze du musée de Cagliarl)
Juifs le regardaient comme le mauvais principe et comme le grand ennemi de Jéhova. Les images de Baal sont horribles, comme toutes les idoles phéniciennes. Une statuette en bronze du musée de Cagliari nous montre le dieu sous la forme d'un monstre barbu, dont la coiffure se termine par une trom|)e qui tient un serpent ou un poisson. Dans une main il tient un sceptre et dans l'autre un œuf: le corps de cette idole, dont l'attribution est d'ailleurs très-contestable, est celui d'une lenune.
Baal est considéré comme la première personne de la triade phénicienne, formée d'un dieu à la fois triple et un, dont les trois personnes
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sont Baal, Melkart et Aslarté. On a vu une représentation de cette triade dans une affreuse idole à trois têtes trouvée en Sardaigne, et que nous reproduisons figure 796. Sa ceinture est formée do trois serpent? et
Fig. 7!»G. — La triade phénicienne 'd'après une statuette en bronze du musée de Cagliari;.
son corps vêtu de trois tuniques ; il porte dans la main gauche une énorme fourche.
Melkart est à la fois un dieu solaire et un dieu du commerce. Les navigateurs invoquaient sa protection comme les Grecs celle de Neptune, et son culte paraît avoir eu de nombreux adhérents à Carthage et a Gadès. On prétend que les Phéniciens lui offraient des sacrifices humains.