Le triomphe d'Apollon est figuré sur un bas-relief antique, où la Victoire personnifiée, Nice, verse la liqueur sacrée au dieu qui tient sa lyre, et est suivi de Diane, portant son flambeau, et de Latone. Le dieu s'apprête à chanter sa victoire, devant son autel qu'on voit au premier plan: au fond, apparaît le temple d'Apollon (fig. 205).
Apollon, après avoir tué le serpent Python, entoura son trépied avec la peau du monstre qui était, avant lui, possesseur de l'oracle. Une médaille de Crotone nous montre le trépied entre Apollon et le serpent : le dieu décoche sa flèche à son antagoniste. Ce fut a l'occasion de sa victoire qu'Apollon institua les jeux Pythiens.
La dispute du trépied. — Une dispute très-vive et souvent
Fig. 207. — Apollon combattant Hercule qui enlève le trépied de Delphes ^d'après un bas-relief antique, musée du Louvre).
représentée sur les bas-reliefs de l'époque archaïque, a eu lieu entre Apollon et Hercule au sujet de ce fameux trépied. Hercule avait con-
suite la Pythie dans une circonstance où celle-ci refusa de répondre. Le héros furieux s'empara du trépied, qu'Apollon voulut aussitôt reprendre. La lutte fut tellement vive entre les combattants que Jupiter lut obligé de faire inteiveiiir sa foudre (lip:. 207).
Le trépied d'Apollon a élé très-fié(fuemment représenté dans l'antiquité, et il nous reste des monuments où on peut voir à quel point le bon goût s'alliait a la richesse dans la sculpture ornementale des anciens.
L'oracle de Delphes. — L'oracle d'Apollon à Delphes était le l»lus fameux de toute la Grèce. C'est le hasard qui fit découvrir l'endroit où devait être le sanctuaire. Des chèvres errantes sur les rochers du Parnasse s'étant approchées d'un trou d'où sortaient des exhalaisons malignes, furent tout à coup agitées de mouvements convulsifs. Accourus au récit de ce prodige, les habita"nts du voisinage voulurent respirer les mêmes exhalaisons et éprouver les mêmes effets, qui étaient une espèce de folie mêlée de contorsions et de grands cris, et accompagnée du don de prophétie. Ouel([ucs frénétiques, s'étant précipités dans l'abîme d'où sortaient les vapeurs prophétiques, on plaça sur le trou une machine appelée trépied, parce qu'elle avait trois pieds sur lesquels elle était posée et on choisit une femme pour monter sur le trépied, d'où elle pouvait sans aucun risque recevoir l'exhalaison enivrante.
Dans l'origine, la réponse du dieu, telle que les prêtres la donnaient, était toujours formulée en vers ; mais un philosophe s'étant avisé de demander pourquoi le dieu de la poésie s'exprimait en mauvais vers, cette saillie se répéta et le dieu ne parla plus qu'en prose, ce qui porta atteinte à son crédit.
La croyance que l'avenir pouvait être prédit d'une manière certaine par les oracles, a singulièrement développé dans l'antiquité l'idée de la fatalité, qui ne perce nulle part aussi nettement que dans la fable d'OEdipe; tous ses efforts ne peuvent le soustraire à l'arrêt qui lui a été annoncé par l'oracle, et ce qu'il fait pour éviter la destinée ne sert qu'à en accélérer les impitoyables décrets.
Prédictions à Laïus. — Laïus, fils de Labdacus, roi de Thèbes, monta sur le trône à la mort de son oncle Lycus qui s'était empare du pouvoir à son détriment. Comme il était sans enfants, il alla consulter Apollon et le pria de lui accorder des fils. Le dieu répondit: <( Roi de Thèbes aux vaillants coursiers, crains de devenir père malgré les dieux ! Car si tu donnes le jour à un fils, ce fils te fera périr et toute ta famille nagera dans le sang. » Pourtant il eut un fils, et, se rappelant l'oracle du dieu, il le livra à des bergers, pour l'exposer
LE TRÉPIED DAPOLLON.
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dans une prairie consacrée à Junon, sur le sommet du Cithéron, après avoir percé ses talons d'un fer aigu ; cet enfant portait le nom d'OEdipe. D'autres bergers, lavant recueilli, remportèrent et le remirent aux mains de leur maîtresse, qui confia Tenfant à une nouiiice et fit croire à son époux qu'elle l'avait mis au monde. Une belle statue de Chaudet, qui est au Louvre, nous fait voir le berger Phorbas, tenant dans ses bras le petit OEdipe, auquel il présente à boire dans une coupe. Phorbas était un berger de Polybc dont OEdipe se croyait le fils (fig. 208).
Fiji. 208. — Le berger Phorbas donnant à boire à OEdipe ^groupe de Chaudet, mus.ee du Louvre
Œdipe et Laïus. — Cependant, quand OEdipe fut parvenu a Tfige d'homme, un propos tenu dans un festin lui fit concevoir des doutes sur sa naissance, et voulant connaître l'auteur de ses jours, il alla à Delphes consulter l'oracle d'Apollon. Mais le dieu, sans éclaircir
APOLLON ET niANE.
ses doutes, lui déclare que s;i (Icslince ('-fail de tiiei' son père et d'épouser sa mère. Effrayé de cet oiaele, OEdipe résolut de ne pas re-tournei' chez ses i>ai'enls. (pii l'avaient élevé, et, prenant une route oj»]>osée. dirigea ses pas du cote de Thébes. Sur le chemin, il rencontra un char, et le cocher d'un ton impérieux lui cria : « Etranger, écarte-toi et lais place au roi. » En même temps le char passe brutalement et lui ensanglante les jiieds. Un combat s'engage, et OEdipe tue l'honnue qui était dans le char. Cet homme était Laïus, qui, inquiet de savoir si reniant qu'il avait fait e\[>oser était réellement mort, et s'il n'avait plus rien à craindre de l'ancienne pro|)hétie, s'était rendu à Delphes pour consulter le dieu. C'est ainsi qu'OEdipe devint sans le savoir le meurtrier de son ])ère.
Fig. 209. — Le Spliinx. d'après une monnaie antique.
Le sphinx. ^ Un s{)liin.\ terrible, né de Typhaon et d'Échidna, vint, peu de temps après le meurtre de Laïus, porter la désolation aux environs
Fig. 210. — OKdipe devant le S|)liinx (d"api'ès une pierre gravée anti<iue, anictliyste).
de Tht'lx^s. 11 occupait hi route et proposait des énigmes aux passants; il tuait ceux qui n'en pouvaient pas deviner le sens. Un grand nombre d'infortunés périrent ainsi, et le roi Laïus étant mort récemment, les
LE TREPIED DAPOLLON.
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Tiiébains proposèrent la couronne avec la main de la reine à celui qui les délivrerait du fléau. OEdipe se présenta : « Quel est, lui dit le sphinx, ranimai qui a quatre pieds le matin, deux à midi et trois le soir?— C'est l'homme, répondit OEdipe; dans son enfance il se traîne sur les pieds et les mains ; dans sa vieillesse, il s'appuie sur un bâton. » Alors et conformément à la décision de l'oracle, le sphinx alla se jeter dans les flots.
Le sphinx, ou plutôt la sphinx de Thèbes, est peut-être mythologi-quement un souvenir du sphinx égyptien, mais l'art lui donne une forme très-différente. Les monnaies la montrent avec la tète et la
Fig. 311. — OEdipo assailli par le Sphinx id'après une pierre gravée antique'.
poitrine dune femme, unie au corps d'une lionne (fig. 209). Elle apparaît de la même manière sur plusieurs pierres gravées. Sur l'une d'elles, la sphinx est assise sur le haut d'un rocher en face d'OEdipe, debout devant elle et répondant à sa question. Des ossements humains montrent le sort réservé à ceux qui n'ont pas su deviner l'énigme (fig. 210). Sur une autre pierre gravée, la sphinx s'est jetée sur OEdipe, qui présente son bouclier sur lequel elle s'est fixée : le héros est nu et tient son épée à la main (fig. 211). Dans l'art moderne, un célèbre tableau d'Ingres représente OEdipe interrogeant la sphinx, dont les dernières victimes apparaissent à l'entrée d'un précipice.
Les malheurs d'Œdipe. — OEdipe devint ainsi roi de Thèbes, et. suivant ce qui avait été [)rédit, il épousa la veuve du roi Laïus, sans savoir qu'elle était sa mère. D'effroyables calamités vinrent aussitôt fondre sur la ville de Thèbes ; le peuple en foule se porta vers le palais d'OEdipe, ne doutant pas que celui qui avait su le délivrer du sphinx, pourrait encore apporter quelque remède à ses maux. Ce fut