1(3 grand protro qui jinrla an nom de tous. « OEdipe, dit-il, souvoi-ain de mon pays, tu vois quelle foule se presse autour des autels devant ton palais, des enfants qui peuvent à peine se soutenir, des prêtres appesantis par la vieillesse, et moi, pontife de Jupiter, et l'élite de la Jeunesse; le reste du |teuple, portant des branches d'olivier, se répand sur. les places juihliques, devant les deux temples de Pallas, près de l'a'utel prophétique d'Apollon. Car Thèbes, trop longtemps battue par l'orap-c, ne peut plus soulever sa tète de la mer de sang où elle est plongée;; la mort atteint les gei-mes des fruits dans les entrailles de la terre; la mort frappe les troupeaux et lait périr l'enfant dans le sein de sa mère ; une divinité ennemie, la |>este dévorante, ravage la ville et dépeuple la race de Cadmus, le noir Pluton s'enrichit de nos pleurs et de nos gémissements... C'est toi qui, en paraissant dans la ville de Cadmus, l'as affranchie du tribut qu'elle payait au sphinx cruel, et avec l'aide des dieux tu devins notre libérateur. Aujourd'hui encore, OEdipe, nous venons en suppliants te conjurer dé trouver quelque remède à nos maux, soit qu'un Dieu t'éclaire de ses oracles, ou un homme de ses avis. Viens, ô le meilleur des mortels, relever cette ville abattue; veille sur nous, car c'est toi aujourd'hui • que cette cité appelle son sauveur, pour tes services passés. »
(Sophocle.)
Pour connaître la cause des maux qui aftligeaient la ville, OEdipe envoya à Delphes consulter l'oracle. « Le fléau, répond le dieu, ne cessera pas, que les Thébains n'aient chassé de leur territoire le meurtrier de Laïus. » Aussitôt OEdipe ordonne qu'on fasse partout des perquisitions pour découvrir le coupable, et s'indignant à l'idée qu'un seul homme est cause des malheurs de tout un peuple, il lance contre lui des imprécations: « Cet homme, quel qu'il soit, je défends à tout habitant de cette contrée où je règne, de le recevoir, de lui adresser la parole, de l'admettre aux prières et aux sacrifices divins, de lui présenter l'eau lustrale; que tous le repoussent de leurs maisons comme le fléau de la patrie : ainsi me l'a ordonné l'oracle du dieu qu'on adore à Delphes. En agissant ainsi, j'obéis au dieu, et je venge le roi qui n'est plus. Je maudis l'auteur caché du crime, soit qu'il l'ait commis seul, ou qu'il ait eu des complices; que, proscrit partout, il traîne misérablement sa vie. Et s'il est admis dans mon palais, à mon foyer, et de mon consentement, je me voue moi-même aux imprécations que je lançais tout à l'heure contre les coupables. » (Sophocle.)
Cependant comme on ne trouvait aucun indice pour découvrir le coupable, et que le fléau prenait des proportions effrayantes, OEdipe envoya chercher le devin Tirésias. Le devin refuse d'abord de répondre, mais le roi le menace, et commence à soujtconner la vérité. Le malheureux OEdipe, relire dans son palais, fait appeler le berger qui l'avait exposé
LE TRÉPIED D'APOLLON
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autrefois, et finit par connaître sa situation. Le peuple attendait en foule à la porte du palais, ne sachant rien de ce qui s'y passait.
Cependant on entend une rumeur et le bruit se répand qu'un atîreux malheur est arrivé, et que la reine vient de mourir. Un messager sort bientôt et apporte la fatale nouvelle. « Jocaste est morte! s'écrie-t-il. Elle-même s'est tuée de ses propres mains. Agitée d'une sombre fureur, dès qu'elle eut franchi le seuil du palais, elle courut à la chambre nuptiale, arrachant sa chevelure de ses deux mains ; une fois entrée, elle ferme violemment les portes en dedans, évoque l'ombre de Laïus, lui rappelant le souvenir de ce fils oublié, de la main duquel il devait périr lui-même.
Fig. 213. — OEdipe chassé par ses fils (d'après un bas-relief antique).
Je ne vis pas ensuite comment elle a péri; car OEdipe se précipita a grands cris, ce qui nous empêcha de voir la mort de Jocaste; mais nos regards se tournent vers lui, qui errait çà et là. Dans cet égarement, il nous demande une épée, s'élance contre les portes, fait sauter les battants de leurs gonds, et s'avance dans l'appartement. Là nous voyons Jocaste, encore suspendue au lien fatal qui a terminé ses jours. A cette vue, l'infortuné rugit comme un lion, et détache le lien funeste; mais quand le corps de la malheureuse fut gisant à terre, alors on vit un affreux spectacle : arrachant les agrafes dor de la robe qui couvrait Jocaste, OEdipe en frappe ses yeux, parce que, disait-il, ils navaient vu m ses malheurs, ni ses crimes, et que désormais dans les ténèbres ils ne verraient plus ceux qu'il ne devait point voir, ils ne reconnaîtraient plus ceux qu'il lui serait doux de reconnaître.En parlant ainsi, il frappe et déchire à plusieurs reprises ses paupières; en même temps ses yeux ensanglantés arrosaient son visage, et ce n'étaient pas seulement des gouttes qui s'en échappaient, mais c'était une jduie noire et comme une
grêle do sang. Tels soiil les maux ('(iinmiiiis a riiii cl à rauti'c : licinvux autrefois, ils jouissaient <l'un bonheur niéi'ilé, mais aujourd'hui h>s gé-luissenienls. h- (h''s«>sjioir, rojt|)roljre et la mort,aueune espèee de nial-heiM- n'y maïKine. » (Sophocle.)
Les tils d'OLdipe, l'^léoele et Polynicc, au lieu de venir en aide à leur malheureux père, n'eurent d'autre préoccupation que de s'emparer du trône, et le vieillard, aveugle et sans ressource, fut obligé de chercher un asile sur une terre étrangère, en compagnie de ses filles (jui ne voulurent j)as l'abandonner. Un bas-relief antique nous montre Ktéocle et Polynice qui emmènent leur père hors des murs de la ville où il ne peut |dus renti'er (fig. 212).
Œdipe et Antigone. — OEdipe quitta donc le pays que sa présence souillait et où il n'était plus qu'un objet d'opprobre. Sa fille Antigone devint alors son unique appui, et son nom est resté comme le type de l'amour filial. C'est elle qui, guidant les pas de son père aveugle, implorait des passants la charité jiour celui (jui avait été un roi [missant et honoré : (( Etranger compatissant, disait-elle, si tu ne veux pas entendre de mon vieux père le récit de ses crimes involontaires, je te conjure de prendre en pitié mon infortune, moi qui t'implore pour mon i)ère, moi ({ui te sujqilie en attachant sur tes yeux mes yeux, et demande compassion pour ce malheureux. Je t'implore par ce que tu as de plus cher, ton enfant, ta promesse, le Dieu que tu adores. » (Sophocle.)
Le malheureux OEdipe trouvait dans l'admiration que lui inspiraient les vertus de sa fille, une sorte d'adoucissement à ses maux. « Ma fille, disait-il, depuis qu'elle est sortie de l'enfance et que son corps a pris des forces, toujours errante et malheureuse avec moi, a accompagné ma vieillesse, supporté la faim, marché nu-pieds à travers les ronces des lorêts et, bravant les pluies ou les feux du soleil, méprisé toutes les jouissances de Thèbes, pour soutenir l'existence d'un père. » (Sophocle.)
Tandis qu'OEdipe, réfugié dans l'Attique, cherchait un asile auprès de Thésée, ses deux fils luttaient à Thèbes pour la possession du trône, auquel ils prétendaient tous les deux. Ils convinrent pourtant qu'ils régneraient et se succéderaient alternativement d'une année l'autre. Mais Etéocle, qui fut roi le premier, refusa ensuite de laisser rentrer son frère Polynice, qui se réfugia à Argos, où il chercha à lever une armée pour marcher sur Thèbes.
On se décida à consulter l'oracle. Il répondit que le roi ne serait pas assuré du trôiu^ tant que le vieil Ol^dipe ne serait [)as rentré dans sa patrie. Les deuv frères alors cherchèrent à ramener OEdipe^ qui ré|>ondit en lançant contre euv ses imj)récations : « Des tils qui auraient jtu secourir un père, refusèrent de lui jtrcter a>sistance, et faute d'une parole de Umv part, j'ai été abandonné à l'exil et à l'indigence. Mes filles.