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Cette vérité, elle l’avait dès longtemps pressentie, se dit-elle en se rapprochant encore de la fournaise, mais un brasero ne suffisait pas. Sous ses yeux, les flammes se tortillaient comme à ses noces les danseuses, avec des pirouettes, des chansons, des déhanchements, des tournoiements de voiles jonquille, ponceau, tango certes périlleux mais d’un attrait, d’un attrait si puissant quand les animait cette incandescence… ! Elle leur ouvrit les bras, s’empourpra, translucide. Ce sont des noces aussi, songea-t-elle. Mirri Maz Duur s’était tue, qui la prenait pour une enfant, omettant que les enfants grandissent, et qu’ils apprennent, les enfants.

Un pas de plus et, malgré les sandales, ses pieds perçurent l’ardeur du sable. La sueur ruisselait entre ses seins, le long de ses cuisses et, sur ses joues, recouvrait le tracé des pleurs du passé. Ser Jorah, derrière, avait beau s’époumoner, il ne comptait plus, seul comptait le feu. Les flammes étaient si belles, d’une splendeur si incomparable, et si ensorcelante chacune d’elles, en ses atours jonquille, ponceau, tango, sous le long manteau sinueux de fumée diaphane… Elle y discernait des griffons rubis, des serpents topaze, des licornes d’opale azurée, elle y discernait des poissons, des renards, des monstres, des loups et des oiseaux diaprés, des arbres en fleurs plus somptueux l’un l’autre. Elle discerna un cheval, un grand étalon gris ciselé de brume et que sa crinière auréolait de flammeroles bleues. Oui, mon amour, soleil étoile de ma vie, oui, va, maintenant, chevauche, maintenant, va.

Sa veste ayant commencé de se consumer, elle s’en défit d’un mouvement d’épaules et la laissa tomber tout en se rapprochant davantage encore. Et, tandis que, sur ses talons, le cuir peint s’enflammait soudain, elle offrit au foyer sa poitrine nue dont les tétons pourpres et enflés ruisselaient de lait.Maintenant, pensa-t-elle, maintenant, et, une seconde, elle vit devant elle, monté sur l’étalon de brume et une lanière flamboyante au poing, Khal Drogo. Il sourit, puis son fouet s’abattit avec un sifflement ondoyant de reptile sur le bûcher.

Un fracas semblable à l’éclatement de la roche, et la plate-forme chancela, croula sur elle-même, non sans projeter sur Daenerys une pluie de brandons, de braises et de cendres. Quelque chose d’autre aussi qui, par bonds et rebonds successifs, vint s’écraser à ses pieds : une parcelle de pierre pâle, convexe et veinée d’or, craquelée, fissurée, fumante. Et, si furibonds que fussent les rugissements du brasier, ils avaient beau abolir le monde, Daenerys perçut tout de même des glapissements de femmes et des cris émerveillés d’enfants.

Seule la mort peut payer la vie.

Alors retentit, brutale et sèche comme la foudre, une deuxième détonation qui l’environna de fumée, de remous au travers desquels elle entrevit tituber le bûcher, les bûches, irradiées jusqu’au cœur, exploser, dans un vacarme assourdissant que perçaient, parmi hennissements et cris de terreur panique, les prières instantes : « Daenerys… ! » et les imprécations de ser Jorah. Non, désirait-elle en vain lui répondre, non, mon bon chevalier, n’ayez crainte, je ne risque rien. Le feu est mien. Je suis Daenerys du Typhon, sœur de dragons, femme de dragons, mère de dragons, voyez ! Ne VOYEZ-vous pas ? Sur une prodigieuse gerbe de flammes et de fumée qui gicla vers le firmament, le bûcher s’écroula d’un bloc, la cernant de braises mais, loin de frémir, elle entra plus avant dans la tornade ardente, appelant ses enfants.

Alors éclata, aussi tonitruante, elle, qu’un cataclysme universel, la troisième déflagration.

Une fois que le feu se fut suffisamment éteint et le sol assez rafraîchi pour y poser le pied, ser Jorah Mormont vint la retrouver, prostrée parmi les cendres, les résidus charbonneux, rougeoyants, les ossements calcinés d’homme, de femme, d’étalon. Nue, noire de suie, ses moindres effets consumés, son opulente chevelure entièrement grillée…, intacte à cela près.

Bercés au creux des bras, le dragon crème-et-or lui tétait le sein gauche, le vert-et-bronze le sein droit. Lové autour de ses épaules, l’écarlate-et-noir lui coulait sous le menton son long col sinueux. A l’approche de ser Jorah, il dressa la tête et darda sur lui des prunelles d’un rouge ardent.

Sans mot dire, le chevalier tomba aux genoux de Daenerys, et les hommes du khas ne tardèrent pas à l’imiter. Jhogo vint le premier déposer son arakh devant elle et, en murmurant : « Sang de mon sang », se prosterna jusqu’au sol fumant. « Sang de mon sang », reprit Aggo en écho, puis Rakharo, d’une voix forte : « Sang de mon sang. »

Les suivirent ses servantes, puis les autres, tous les Dothrakis, hommes, femmes, enfants, et elle n’eut qu’à lire dans leurs yeux pour savoir qu’ils lui appartenaient désormais, aujourd’hui, demain, toujours, lui appartenaient comme jamais ils n’avaient appartenu à Drogo.

Comme Daenerys Targaryen se remettait sur pied, son noir émit un chuintement qui, par la bouche et les narines, se résolut en faisceaux pâles de fumée. Délaissant aussitôt le sein, les deux autres firent chorus en déployant des ailes translucides qui brassaient l’air, et aux vocalises des dragons, pour la première fois depuis des centaines d’années, s’aviva la nuit.

PRINCIPAUX PERSONNAGES

Maison Targaryen (le dragon)

Le prince Viserys, prétendant « légitime » au Trône de Fer, en exil à l’est depuis le renversement et la mort de ses père, Aerys le Fol, et frère, Rhaegar

La princesse Daenerys, sa sœur, épouse du Dothraki Khal Drogo

Maison Baratheon (le cerf couronné)

Le roi Robert, dit l’Usurpateur

Lord Stannis, seigneur de Peyredragon, et lord Renly, seigneur d’Accalmie, ses frères

La reine Cersei, née Lannister, sa femme

Le prince héritier, Joffrey, la princesse Myrcella, le prince Tommen, leurs enfants

Maison Stark (le loup-garou)

Lord Eddard (Ned), seigneur de Winterfell, Main du Roi

Benjen (Ben), chef des patrouilles de la Garde de Nuit, son frère, porté disparu au-delà du Mur

Lady Catelyn (Cat), née Tully de Vivesaigues, sa femme

Robb, Sansa, Arya, Brandon (Bran), Rickard (Rickon), leurs enfants

Jon le Bâtard (Snow), fils illégitime officiel de lord Stark et d’une inconnue

Maison Lannister (le lion)

Lord Tywin, seigneur de Castral Roc

Kevan, son frère

Jaime, dit le Régicide, frère jumeau de la reine Cersei, et Tyrion le nain, dit le Lutin, ses enfants

Maison Tully (la truite)

Lord Hoster, seigneur de Vivesaigues

Brynden, dit le Silure, son frère

Edmure, Catelyn (Stark) et Lysa (Arryn), ses enfants

Cartes