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C’est pour ça qu’à la première récré, ce matin, on a trouvé terrible l’idée de Geoffroy.

— J’ai inventé un code formidable, il nous a dit Geoffroy. C’est un code secret que nous serons seuls à comprendre, ceux de la bande.

Et il nous a montré ; pour chaque lettre on fait un geste. Par exemple : le doigt sur le nez, c’est la lettre « a », le doigt sur l’œil gauche, c’est « b », le doigt sur l’œil droit, c’est « c ». Il y a des gestes différents pour toutes les lettres : on se gratte l’oreille, on se frotte le menton, on se donne des tapes sur la tête, comme ça jusqu’à « z », où on louche. Terrible !

Clotaire, il n’était pas tellement d’accord ; il nous a dit que pour lui, l’alphabet c’était déjà un code secret et que, plutôt que d’apprendre l’orthographe pour parler avec les copains, il préférait attendre la récré pour nous dire ce qu’il avait à nous dire. Agnan, lui, bien sûr, il ne veut rien savoir du code secret. Comme c’est le premier et le chouchou, en classe il préfère écouter la maîtresse et se faire interroger. Il est fou, Agnan !

Mais tous les autres, on trouvait que le code était très bien. Et puis, un code secret, c’est très utile quand on est en train de se battre avec des ennemis, on peut se dire des tas de choses, et eux ils ne comprennent pas, et les vainqueurs, c’est nous.

Alors, on a demandé à Geoffroy de nous l’apprendre, son code. On s’est tous mis autour de Geoffroy et il nous a dit de faire comme lui ; il a touché son nez avec son doigt et nous avons tous touché nos nez avec nos doigts ; il s’est mis un doigt sur l’œil et nous nous sommes tous mis un doigt sur l’œil. C’est quand nous louchions tous que M. Mouchabière est venu. M. Mouchabière est un nouveau surveillant, qui est un peu plus vieux que les grands, mais pas tellement plus, et il paraît que c’est la première fois qu’il fait surveillant dans une école.

— Écoutez, nous a dit M. Mouchabière. Je ne commettrai pas la folie de vous demander ce que vous manigancez avec vos grimaces. Tout ce que je vous dis, c’est que si vous continuez, je vous colle tous en retenue jeudi. Compris ?

Et il est parti.

— Bon, a dit Geoffroy, vous vous en souviendrez, du code ?

— Moi, ce qui me gêne, a dit Joachim, c’est le coup de l’œil droit et de l’œil gauche, pour « b » et « c ». Je me trompe toujours avec la droite et la gauche ; c’est comme maman, quand elle conduit l’auto de papa.

— Ben, ça fait rien, a dit Geoffroy.

— Comment ! ça fait rien ? a dit Joachim. Si je veux te dire « Imbécile » et je te dis « Imcébile », c’est pas la même chose.

— A qui tu veux dire « Imbécile », imbécile ? a demandé Geoffroy.

Mais ils n’ont pas eu le temps de se battre, parce que M. Mouchabière a sonné la fin de la récré. Elles deviennent de plus en plus courtes, les récrés, avec M. Mouchabière.

On s’est mis en rang et Geoffroy nous a dit :

— En classe, je vais vous faire un message, et à la prochaine récré, on verra ceux qui ont compris. Je vous préviens : pour faire partie de la bande, il faudra connaître le code secret.

— Ah ! bravo, a dit Clotaire ; alors Monsieur a décidé que si je ne connais pas son code qui ne sert à rien, je ne fais plus partie de la bande ! Bravo !

Alors, M. Mouchabière a dit à Clotaire :

— Vous me conjuguerez le verbe « Je ne dois pas parler dans les rangs, surtout quand j’ai eu le temps pendant toute la récréation pour raconter des histoires niaises ». A l’indicatif et au subjonctif.

— Si t’avais utilisé le code secret, t’aurais pas été puni, a dit Alceste, et M. Mouchabière lui a donné le même verbe à conjuguer. Alceste, il nous fera toujours rigoler !

En classe, la maîtresse nous a dit de sortir nos cahiers et de recopier les problèmes qu’elle allait écrire au tableau, pour que nous les fassions à la maison. Moi, ça m’a bien embêté, ça, surtout pour Papa, parce que quand il revient du bureau, il est fatigué et il n’a pas tellement envie de faire des devoirs d’arithmétique. Et puis, pendant que la maîtresse écrivait sur le tableau, on s’est tous tournés vers Geoffroy, et on a attendu qu’il commence son message. Alors, Geoffroy s’est mis à faire des gestes ; et je dois dire que ce n’était pas facile de le comprendre, parce qu’il allait vite, et puis il s’arrêtait pour écrire dans son cahier, et puis comme on le regardait, il se mettait à faire des gestes, et il était rigolo, là, à se mettre les doigts dans les oreilles et à se donner des tapes sur la tête.

Il était drôlement long, le message de Geoffroy, et c’était embêtant, parce qu’on ne pouvait pas recopier les problèmes, nous. C’est vrai, on avait peur de rater des lettres du message et de ne plus rien comprendre ; alors on était obligé de regarder tout le temps Geoffroy, qui est assis derrière, au fond de la classe.

Et puis Geoffroy a fait « i » en se grattant la tête, « t » en tirant la langue, il a ouvert des grands yeux, il s’est arrêté, on s’est tous retournés et on a vu que la maîtresse n’écrivait plus et qu’elle regardait Geoffroy.

— Oui, Geoffroy, a dit la maîtresse. Je suis comme vos camarades : je vous regarde faire vos pitreries. Mais ça a assez duré, n’est-ce pas ? Alors, vous allez au piquet, vous serez privé de récréation, et pour demain, vous écrirez cent fois « Je ne dois pas faire le clown en classe et dissiper mes camarades, en les empêchant de travailler ».

Nous, on n’avait rien compris au message. Alors, à la sortie de l’école, on a attendu Geoffroy, et quand il est arrivé, on a vu qu’il était drôlement fâché.

— Qu’est-ce que tu nous disais, en classe ? j’ai demandé.

— Laissez-moi tranquille ! a crié Geoffroy. Et puis le code secret, c’est fini ! D’ailleurs, je ne vous parle plus, alors !

C’est le lendemain que Geoffroy nous a expliqué son message. Il nous avait dit :

« Ne me regardez pas tous comme ça ; vous allez me faire prendre par la maîtresse. »

L’anniversaire de Marie-Edwige

Aujourd’hui, j’ai été invité à l’anniversaire de Marie-Edwige. Marie-Edwige est une fille, mais elle est très chouette ; elle a des cheveux jaunes, des yeux bleus, elle est toute rose et elle est la fille de M. et Mme Courteplaque, qui sont nos voisins. M. Courteplaque est chef du rayon des chaussures aux magasins du Petit Épargnant et Mme Courteplaque joue du piano et elle chante toujours la même chose : une chanson avec des tas de cris qu’on entend très bien de chez nous, tous les soirs.

Maman a acheté un cadeau pour Marie-Edwige : une petite cuisine avec des casseroles et des passoires, et je me demande si on peut vraiment rigoler avec des jouets comme ça. Et puis Maman m’a mis le costume bleu marine avec la cravate, elle m’a peigné avec des tas de brillantine, elle m’a dit que je devais être très sage, un vrai petit homme, et elle m’a accompagné jusqu’à chez Marie-Edwige, juste à côté de la maison. Moi, j’étais content, parce que j’aime bien les anniversaires et j’aime bien Marie-Edwige. Bien sûr, on ne trouve pas à tous les anniversaires des copains comme Alceste, Geoffroy, Eudes, Rufus, Clotaire, Joachim ou Maixent, qui sont mes copains de l’école, mais on arrive toujours à s’amuser ; il y a des gâteaux, on joue aux cow-boys, aux gendarmes et aux voleurs, et c’est chouette.