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« Mais Gandalf évoquait une rumeur voulant qu’ils paient tribut au Mordor », dit Gimli.

« Je n’y crois pas plus que Boromir n’y croyait », répondit Aragorn.

« Vous serez bientôt fixés, dit Legolas. Déjà, ils approchent. »

Même Gimli finit par discerner le lointain roulement de sabots au galop. Les cavaliers, suivant la piste, s’étaient détournés de la rivière et se rapprochaient des coteaux. Ils filaient comme le vent.

Bientôt, les cris de voix claires et fortes leur parvinrent à travers les champs. Ils déferlèrent soudain sur eux avec un grondement de tonnerre, et le cavalier de tête vira brusquement, contournant le pied de la colline pour ensuite reprendre au sud en suivant la lisière occidentale des coteaux. Ils chevauchaient à sa suite : une longue colonne de guerriers en cottes de mailles, prestes et étincelants, redoutables et beaux.

Leurs chevaux étaient de grande stature, forts, la jambe bien faite ; leur robe grise luisait, leur longue queue volait au vent, leur crinière était nattée sur leur fière encolure. Les Hommes qui les montaient leur étaient bien assortis : grands, longs en jambes ; leurs cheveux, d’un blond de lin, tombaient sous leurs casques légers et flottaient derrière eux en de longues tresses ; leurs traits étaient fins, leur visage sévère. Ils avaient à la main de longues lances de frêne et des boucliers peints sur le dos ; de longues épées pendaient à leur ceinture, des chemises de mailles polies leur descendaient jusqu’aux genoux.

Ils défilèrent par paires, et bien qu’il y en eût de temps en temps qui se levaient sur leurs étriers pour regarder en avant et de part et d’autre, ils parurent ne pas apercevoir les trois étrangers assis en silence à les observer. Presque toute la troupe était passée quand Aragorn se leva soudain et cria d’une voix forte :

« Quelles nouvelles du Nord, Cavaliers du Rohan ? »

Avec une rapidité et une adresse stupéfiantes, ils retinrent leurs montures et les retournèrent, puis ils donnèrent la charge. Bientôt, les trois compagnons furent encerclés par un anneau de cavaliers au trot qui montait la côte derrière eux et qui redescendait, en rond, toujours en rond, s’approchant petit à petit. Aragorn se tenait debout en silence tandis que les deux autres restaient assis sans bouger, se demandant comment les choses tourneraient.

Sans un mot ni un cri, soudainement, les Cavaliers firent halte. Une forêt de lances pointait vers les étrangers ; et certains guerriers avaient un arc à la main, flèche déjà encochée. Puis l’un d’entre eux s’avança, grand, plus grand que les autres ; une queue de cheval blanche flottait à la cime de son casque. Lorsqu’il s’arrêta, la pointe de sa lance était à un pied de la poitrine d’Aragorn. Celui-ci ne bougea pas.

« Qui êtes-vous, et qu’avez-vous à faire dans ce pays ? » dit le Cavalier dans le parler commun de l’Ouest, d’un ton et d’une manière qui rappelaient ceux de Boromir, Homme du Gondor.

« On m’appelle l’Arpenteur, répondit Aragorn. Je suis venu du Nord. Je chasse des Orques. »

Le Cavalier sauta à bas de sa monture. Tendant sa lance à un autre qui s’avança et mit pied à terre à ses côtés, il tira son épée et se tint face à Aragorn, l’examinant avec attention, et non sans surprise. Enfin, il parla de nouveau.

« J’ai d’abord cru que vous étiez vous-mêmes des Orques, dit-il ; mais je vois maintenant qu’il n’en est rien. Vous savez bien peu de chose des Orques, en vérité, si vous partez les chasser de semblable façon. Ils étaient rapides, bien armés, et ils étaient nombreux. Vous seriez passés de chasseurs à proies, si vous aviez pu les rattraper. Mais il y a chez vous quelque chose d’étrange, Arpenteur. » À nouveau, il posa ses yeux clairs et brillants sur le Coureur. « Ce nom que vous donnez n’est pas un nom d’Homme. Et votre vêtement est tout aussi étrange. Êtes-vous surgi d’entre les herbes ? Comment avez-vous fait pour vous soustraire à notre vue ? Êtes-vous des Elfes ? »

« Non, dit Aragorn. Un seul des nôtres est un Elfe, Legolas du Royaume Forestier, loin d’ici à Grand’Peur. Mais nous sommes passés par la Lothlórien, et les présents et la faveur de la Dame nous accompagnent. »

Le Cavalier les regarda avec un étonnement renouvelé, mais ses yeux se durcirent. « Il y a donc une Dame au sein du Bois Doré, comme on l’entend dans les vieux contes ! dit-il. Rares sont ceux qui échappent à ses filets, dit-on. Nous vivons d’étranges jours ! Mais si vous avez sa faveur, vous êtes peut-être, vous aussi, des sorciers et des tendeurs de pièges. » Il tourna soudain un regard froid vers Legolas et Gimli. « Que ne parlez-vous donc, vous, les muets ? » demanda-t-il.

Gimli se leva et se planta fermement devant lui, jambes écartées ; sa main agrippait le manche de sa hache, et ses yeux sombres jetaient des éclairs. « Donnez-moi votre nom, maître équestre ; alors je vous donnerai le mien, et plus encore », dit-il.

« Quant à cela, dit le Cavalier, abaissant les yeux sur le Nain, l’étranger devrait être le premier à se faire connaître. Mais je me nomme Éomer fils d’Éomund, et je suis connu comme Troisième Maréchal du Riddermark. »

« Dans ce cas, Éomer fils d’Éomund, Troisième Maréchal du Riddermark, c’est Gimli le Nain, fils de Glóin, qui vous avertit de surveiller vos paroles. Vous dites du mal de beautés qui dépassent l’envergure de votre esprit, et seule la sottise peut vous excuser. »

Le regard d’Éomer s’enflamma, et des murmures de colère se firent entendre chez les Hommes du Rohan, qui se rapprochèrent, pointant leurs lances. « Je vous couperais la tête, barbe comprise, maître Nain, si elle ne se trouvait pas si près du sol », dit Éomer.

« Elle ne s’y trouve pas seule, dit Legolas, bandant son arc et encochant une flèche de ses mains plus rapides que l’œil. Vous seriez mort avant que votre coup ne porte. »

Éomer souleva son épée, et les choses eussent pu bien mal tourner ; mais Aragorn s’interposa vivement entre eux, levant une main. « Pardon, Éomer ! dit-il d’une voix forte. Quand vous en saurez davantage, vous comprendrez en quoi vos paroles ont irrité mes compagnons. Nous ne voulons aucun mal au Rohan, ni à aucun de ses habitants, qu’ils soient hommes ou chevaux. N’êtes-vous pas disposé à entendre notre récit avant de frapper ? »

« Certes, dit Éomer, abaissant sa lame. Mais ceux qui errent de par le Riddermark seraient bien avisés d’être moins arrogants, en ces jours de doute. Dites-moi d’abord votre vrai nom. »

« Dites-moi d’abord qui vous servez, répondit Aragorn. Êtes-vous l’allié ou l’ennemi de Sauron, le Seigneur Sombre du Mordor ? »

« Je suis au seul service du Seigneur de la Marche, Théoden Roi, fils de Thengel. Nous ne servons pas la puissance du lointain Pays Noir. Nous ne sommes pas non plus en guerre ouverte contre lui, pas encore ; mais si vous le fuyez, vous feriez mieux de quitter ce pays. Des troubles agitent désormais toutes nos frontières, et nous sommes menacés ; mais notre seul désir est d’être libres, et de vivre comme nous avons vécu, en conservant ce qui est nôtre, et sans être soumis à un seigneur étranger, bon ou mauvais. En des temps plus heureux, nous accueillions les gens avec bienveillance, mais dorénavant, l’étranger qui vient chez nous sans permission nous trouve prompts et durs. Allons ! Qui êtes-vous ? Et qui servez-vous donc ? Qui vous ordonne de venir chasser les Orques jusque dans nos terres ? »