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Pendant que Jehan et quelques hommes fouillaient de fond en comble le logis de Rongemaille sans parvenir à mettre la main sur le misérable, le corps du pauvre Bonvarlet était porté dans sa maison sous la tour Reauregard, suivi seulement de quelques amis de l'ymagier, qui s'efforçaient de soutenir Guille-mette à moitié évanouie, et la grosse Martinotte suffoquant sous les sanglots.

Jehan aurait voulu rejoindre les deux pauvres femmes pour pleurer avec elles, mais il avait d'autres devoirs, il devait rendre compte au gouverneur de ce qu'il avait vu et entendu en essayant d« sauver le messager, et l'avertir de la trahison

11 barricadait l'iiiiis.

préparée pour livrer la ville. Guillaume de Flavy connaissait déjà la fin de Bonvarlet. Comme il accourait pour recevoir la troupe de secours amenée par Jehanne d'Arc, I.a Mire et Xaintrailles, on lui avait appris la funèbre découverte faite sous le porche de Saint-Corneille, mais il croyait que la foule avait immédiatement fait justice du meurtrier pris sjur le fait.

La petite troupe, hommes d'armes et piétons, se reposait de sa marche de nuit; les chevaux dans les écuries des hôtelleries, aux approches du pont, recevaient bonne provende; les hommes, dans un vaste enclos, débris de l'ancien palais de Charles le Chauve, au-dessous de la vieille tour Beauregard, étaient fêtés joyeusement par les Compiégnois ; ils arrosaient du vin guilleret des coteaux de l'Oise, cru dédaigné aujourd'hui, un repas suffisamme nt plantureux pour un festin d'assiégés, et se préparaient pour le combat prochain.

Pendant ce temps, le gouverneur s'en allait avec les chefs faire le tour des remparts, pour reconnaître la force de la ville et les positions de l'ennemi sur les coteaux de la rive droite de l'Oise.

Les défenses étaient encore bonnes, malgré les dégâts

Des cooipaguous forgerons s'en mêlèrent.

des sièges précédents; Compiègne, depuis moins de douze-ans seulement, avait été pris et repris cinq ou six fois, par les Bourguignons, par les troupes royales, ou par les Anglais qui l'avaient conservé de 14^3 à 1/^29, mais grâce aux répa-

Rcpos et rafraichisscmeuts avant la bataille.

rations et renforcements on avait une enceinte de murs solides, des tours nombreuses suffisammeut rapprochées l'une de l'autre, avec quatre portes et deux poternes.

L'ennemi ne menaçait encore que la partie du rempart baignée par la rivière d'Oise. 11 occupait, en face du pont, à deux portées d'arbalète le village de Marguy, et plus loin à droite et à gauche, ceux de Glairoix et de enettc.

Face à reimemi, le pout charg-é de maisons et de moulins sur un côté de ses piles, était défendu par de bonnes tourelles appuyées à la m issive tour Beauregard et par une grosse bastille extérieure sur la rive droite, entourée elle-même d'un fossé.

Les derniers préparatifs de la sortie s'achevaient, les hommes de la garnison étaient rassemblés, des soldats garnissaient toutes les défenses de la tête de pont, des bateaux couverts de solides pavois étaient amenés, pour recevoir des archers chargés de garder la rivière et de soutenir au retour les hommes de la sortie.

Ainsi, massés tout près de l'ennemi, n'ayant plus que le pont à traverser pour se précipiter sur lui. ils <ittendaient avec confiance l'instant où Jehaane, la bannière royale à humain, viendrait se mettre à leur tète.

Cortège funèbre.

XI

UN TRIO Ui: MAKA.MJlîl.XS

Rongemaille épouvanté n'avait pas perdu de temps ; aussitôt sa porte fermée, il s'était jeté dans sa cave, avait g-ag'né un caveau qui n'était séparé d'une cave voisine que par une barrière do planches. Avec une agilité qu'il ne se soupçonnait pas, il escalada la barrière, remonta chez le voisin sans mauvaise rencontre et se trouva de l'autre côté des maisons du parvis, sur le Marché aux Herbes. Toute la population courait du côté où passaient Jehanne et La Hire. Personne en vue. Rongemaille se g-lissa dans un quartier de ruelles sombres et désertes, à peine larges de quelques pieds, circulant derrière des hôtelleries et des maisons du marché. 11 respira un instant. Mais où aller ? A qui demander refuge ? Comme il débouchait sous l'Hôtel-Dieu, il fit un brusque saut

en arrière. Un cortège s'avançait, une civière suivie de deux femmes en larmes. C'était le corps de Bonvarlet que l'on portait chez lui ; Rongemaille se rejeta dans les ruelles, tourna sur lui-même et quelques minutes après se trouva devant la porte du pont. Comme il passait sous une fenêtre ouverte, une main s'allongea et le saisit par l'épaule. Il eut un haut-le-corps de terreur et tenta de reculer, une seconde main lui tomba sur l'autre épaule. Rongemaille allaitse débattre avec rage, mais, se retournant vers ces deux poignes, il poussa un soupir de soulagement. Il avait affaire à des amis.

— Vous! Gauthier Longbec. Vous, Canteleu ! C'est vrai,, je vous oubliais depuis hier... Vous êtes de garde au pont... Vous m'avez fait une belle peur ! fit-il à voix basse. Mais vite, cachez-moi !

— Qu'y a-t-il?

— Nous sommes pris! Cachez-moi vite!

Gauthier Longbec et Canteleu sursautèrent à leur tour.

— Hein? Quoi? Chut!... et les autres?...

— Je vous expliquerai, mais pas ici... allons vers le bas-tillon de l'autre côté du pont.

Vivement les trois hommes s'engagèrent sur le pont, parlant à voix basse.

— Belle idée, gémissait Geoffroy Canteleu, de nous avoir fait entrer dans Compiègne pour prendre service dans les archers de messire de Flavy ! J'avais bien besoin de me souvenir que ma mère était Champenoise. J'aurais dû rester Bourguignon comme mon père.

— Tout est découvert, mais ne désespérons pas, dit rapidement Rongemaille. Vous trouverez bien dans la tour un coin pour me cacher. Menez-moi là-bas comme un bon ami qui vient faire une petite causette.

— Misère ! gémit Longbec, je sens déjà la corde!...

— e suis découvert, mais vous ne l'êtes pas, vous no courez aucun danger immédiat... tranquillisez-vous et tachez de me tirer de là... dans votre propre intérêt! ..

— Vous serez pendu, c'est votre affaire, mais vous avez

répondu de nous

au

gouverneur

hier, et le premier soin de messire de Klavy, vous expédié, sera de nous i'aire passer par la même cérémonie, et, dame, ça nous touche davantage!

— C'est beau-cou]) plus ennuyeux et décourageant, fitCanteleu.

— Encore une fois, faisons tête au danger... tâchons d'exécuter le plan convenu et délivrer une porte à votre capitaine... et le plus vite possible.

— Ou de nous échapper la nuit prochaine... ce serait plus sain...

— Oui, mais si nous pouvons entre-bàiller seulement une porte ou une poterne aux Anglais, nous aurons la récompense, dit Canteleii, et alors plus de périls, Longbec, nous sommes riches...

— Alerte! s'écria Longbec en se retournant, voilà le gouverneur avec une troupe qui arrive ! Glissex-vous là, maître

Misère ! je sens déjà la corde.

Kong-emaille, et filons! Alei^te, Canteleu, ayons l'air joyeux! Mais, barbe du diable! que je voudrais donc encore être avec les camarades, en forêt comme hier! Oui, lapour-suite de ce maudit messager peut nous coûter cher... Entrer dans Com-piègne, nous donner pour de boiis garçons de soudards français échappés aux pattes des Anglais, c'était trop risquer ! Vois-tu, Canteleu, mon idée valait mieux, lâcher la bande du capitaine, attirer l'homme de Compiè-gne, ce Rongemai Ile maudit dans un bon buisson désert et le mettre à rançon... Assez de fatigues et de dangers! Avec ma part de ses écus, je quittais l'épée, je me refaisais tailleur...