Prendre la poudre d’escampette revient à utiliser la femelle du scampi comme condiment pour relever certains plats ou rabattre certains plis.
Tomber dans l’escarcelle de quelqu’un
L’avarice serait-elle le secret de la richesse ? C’est en tout cas ce que pourrait laisser entendre le mot escarcelle dans cette expression encore bien vivante.
À l’origine, escarcelle désigne une grande bourse en cuir que l’on portait suspendue à la ceinture jusqu’au XVIe siècle. Ce joli mot a été emprunté, peut-être par l’intermédiaire du provençal, à l’italien scarsella, de même sens. Or, scarsella est le diminutif de scarso « avare ». L’escarcelle est littéralement une « petite avare » ! Elle garde, conserve, ne perd ni ne dépense. Il est certain qu’un grippe-sou délie les cordons de sa bourse avec parcimonie.
Cette petite avare ne veut que recueillir la monnaie sans débourser la moindre piécette. Tout le contraire de l’aumônière, bourse qui se portait aussi à la ceinture et dont le nom, dérivé de aumône, semble plutôt la destiner à la charité. On n’est pas forcé d’y croire ! Mais l’usage du mot est en tout cas plus généreux que celui de escarcelle : on a continué à l’employer pour désigner un petit sac en forme de bourse et même, par analogie de forme, un petit sac de crêpe ou de feuille de brick bien connu des cordons-bleus.
Escarcelle n’a pas connu le même sort, la même « fortune », mais le mot survit fort bien dans l’expression courante en politique, où l’on dit par exemple qu’une ville ou une circonscription peut tomber dans l’escarcelle d’un parti. Si la bourse portée à la ceinture n’existe plus, les préoccupations de gain, de bénéfice, font toujours recette.
« Au contraire des bandits ordinaires, nous rançonnons d’abord : nous enlevons après si la rançon ne tombe pas dans notre escarcelle. »
À bon escient
Le sens de cette expression est clair : lorsque l’on agit ou que l’on parle à bon escient, c’est que l’on se conduit avec discernement, que l’on intervient à raison. Il n’en reste pas moins que le mot escient est mystérieux. Et pour cause : il ne s’emploie plus que dans cette expression.
Pour le comprendre, il faut remonter le temps jusqu’aux limbes séparant le latin médiéval de l’ancien français. Les latinistes reconnaîtront dans escient le verbe scire « savoir », à l’origine du mot science. En latin classique, me (te, eo) sciente peut se traduire par « moi (toi, lui) le sachant ». Au Moyen Âge, cette formule se retrouve sous la forme meo sciente et en français, à mon, à son escient, « en pleine connaissance de ce qu’on fait ». Montaigne affirme ainsi dans ses Essais : « J’en sais qui à leur escient ont tiré profit et avancement du cocuage ». Pécher, mentir à son escient, c’était le faire tout en sachant qu’on agissait mal. L’adverbe sciemment, formé de la même façon, conserve ce sens.
Escient s’est employé librement jusqu’au XVIIe siècle au sens de « discernement, sagesse ». Il entrait dans plusieurs expressions dont cet à bon escient apparu vers 1150, la seule à nous être parvenue. Sa forme négative, à mauvais escient, est plus rare, mais rien n’interdit de l’employer. Encore faut-il savoir le faire à bon escient !
« On voyait bien qu’il avait souffert autrefois, qu’il avait été trompé et qu’il ne voulait plus aimer qu’à bon escient. »
Mettre en exergue
Si les expressions construites avec le verbe mettre sont souvent transparentes : mettre de côté, dehors, à l’épreuve, en cause…, mettre en exergue, qu’on utilise lorsqu’on veut souligner et mettre en avant quelque chose, nécessite quelque explication.
Apparu au milieu du XVIIe siècle, exergue s’emploie en numismatique pour désigner « un petit espace hors d’œuvre qui se pratique dans la médaille pour y mettre quelque inscription, chiffre ou devise » selon Furetière. « Hors d’œuvre » n’est pas seulement réservé au repas. Ce petit espace réservé correspond au sens étymologique, du grec ex « hors de » et ergon « travail, œuvre ». Le mot a ensuite servi à dénommer l’inscription elle-même.
Employé au figuré, le mot exergue n’est plus guère prononcé que dans l’expression mettre en exergue, dans le sens de « présenter, expliquer ». On dit d’un proverbe utilisé à titre de légende qu’il est mis en exergue à un tableau, ou d’une citation d’auteur, lorsqu’elle est placée en tête d’un livre ou d’un chapitre pour en indiquer l’esprit, qu’elle est mise en exergue à un roman. Certains préfèrent dire épigraphe.
Indépendamment de ces contextes artistique et littéraire, l’expression est utilisée en général pour exprimer qu’on souligne quelque chose pour le faire apparaître clairement, le mettre au premier plan.
« Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. » S’étant inspiré d’une citation de René Char pour en faire l’exergue de son roman Livret de famille, Patrick Modiano a mis en exergue l’une des raisons qui l’ont poussé à écrire : achever ses propres souvenirs, malgré la perte et l’oubli.
« Une exposition sur le thème de la Seconde Guerre mondiale mettra principalement en exergue l’armée française, le début de la guerre, les bombardements sur Belfort, le nazisme et l’occupation. »
F
Sans coup férir
En contexte guerrier, entrer sans coup férir dans une ville, c’est y pénétrer sans difficulté. Et l’on atteint un objectif sans coup férir lorsque l’on y parvient sans encombre.
Aujourd’hui, férir, qu’on ne sait plus conjuguer, ne se rencontre plus que dans cette expression. Mais ce verbe avait jusqu’à la Renaissance un sens très concret : « frapper, donner un coup ». C’était pour férir que les chevaliers des romans médiévaux dégainaient leurs armes. Férir la quintaine, c’était s’exercer au combat en prenant pour cible un mannequin fiché sur un poteau. Sans coup férir signifie donc « sans porter le moindre coup, sans combattre ».