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Fleur, ainsi que le rappelle Furetière, « se dit aussi de ce qui est le plus excellent et le plus à choisir dans chaque chose » et la fleur, la fine fleur, représente ce qu’il y a de meilleur. Au XIIe siècle, la fleur est une farine très fine, et ce sens est passé en anglais où flour se traduit par farine. Depuis, modes et publicités ont rivalisé d’ingéniosité pour nous vendre ces quintessences en pots et en flacons. Tandis que la fleur de sel vient assaisonner nos plats avec finesse, la crème fleurette est la partie la plus fluide de la crème du lait. La fleurette est aussi la meilleure partie d’une ligne de pêche, c’est-à-dire la languette de peau de poisson utilisée pour appâter.

S’il sait que son élue est donc fleur parmi les fleurs, que celui qui conte fleurette ne songe pas trop vite à aller fleureter ! Certes, ce mot est devenu au XIXe siècle synonyme de notre conter fleurette, par l’influence de l’anglais flirt (et non l’inverse, comme on le croit souvent). Il signifiait pourtant au XVIe siècle « aller de fleur en fleur », comme le bourdon qui butine. Ou comme le diseur de fleurette qui papillonne…

À titre d’exemple

« Il resta auprès d’elle jusqu’à la nuit, car, encore qu’il n’osât lui conter fleurette, il en était si épris et il prenait tant de plaisir à la voir et à l’écouter parler, qu’il ne pouvait se décider à la quitter un moment. »

George Sand, La Petite Fadette, 1849.

Faire florès

obtenir des succès, de la réputation

Une rapide recherche sur Internet nous apprend que, de nos jours, le développement durable, les contrats précaires, les cafés littéraires, les cybermarchands font florès. Faire florès se dit d’une personne et plus encore d’un objet, d’une invention, d’un genre, d’une expression, qui connaît une réussite brillante et suscite de l’engouement. C’est en quelque sorte le contraire de faire long feu*, qui marque un échec rapide.

L’expression évoque la floraison, symbole de l’épanouissement dans plusieurs expressions, des jeunes filles en fleurs de Proust au teint fleuri des paysannes et surtout à la fleur de l’âge, cet âge auquel on atteint une pleine maturité avant de commencer à « se faner ». Au-delà de la plénitude des corps, la floraison est souvent associée à la prospérité, qu’il s’agisse d’évoquer une économie ou un commerce florissant, ou de faire de Que cent fleurs s’épanouissent le slogan trompeur de la Révolution culturelle maoïste.

Faire florès est selon toute vraisemblance apparenté au latin flos, floris, « la fleur » : il pourrait être issu de son dérivé floridus, « fleuri », peut-être via le provençal faire flori, « être dans un état de prospérité ». De manière un peu pédante, on évoque parfois « faire comme Florès », du nom de Florès de Grèce, brillant et vaillant chevalier, héros du roman éponyme de Nicolas de Herberay paru au milieu du XVIe siècle.

L’expression apparaît au XVIIe siècle, dans un sens éphémère et moqueur que rapporte Furetière : « faire de la dépense qui éclate, qui donne l’avantage sur les autres de même condition ». Du flambeur on est passé au succès mondain. Il ne s’agit pas de « jeter de la poudre* aux yeux » pour l’emporter mais plutôt de « se répandre comme une traînée de poudre », par l’effet non de la force de la nature qui fait éclater les bourgeons, mais de celle du bouche-à-oreille et de l’imitation, qui, elle, ne connaît pas de saison.

À titre d’exemple

« Puis, s’adressant à Emma qui portait une robe de soie bleue à quatre falbalas :

— Je vous trouve jolie comme un amour ! Vous allez faire florès à Rouen. »

Flaubert, Madame Bovary, 1857.

En son for intérieur

dans la conscience, au fond de soi-même

Est-il fort ou faible, ce for, qu’il faut écrire sans t, ce qui perturbe nos réflexes orthographiques. Forts des Halles et châteaux forts viennent en droite ligne du latin fortis, qu’on peut traduire par « solide » ou, pour les humains et leur caractère, « courageux ». Le for, de son côté, vient d’un autre mot latin que, pourtant, tous les touristes qui vont visiter Rome connaissent bien, forum.

Évidemment, ce forum, dans l’Antiquité, n’était pas un beau champ de ruines, mais une place publique animée, où se traitaient les affaires, où l’on rendait la justice. Le côté commercial du forum se retrouve très discrètement dans un mot qui n’a survécu que dans une autre expression, le fur de au fur* et à mesure.

Le côté juridique, il est dans for. On parlait au XVIIe siècle du for extérieur lorsqu’un tribunal ecclésiastique avait à s’occuper d’une affaire laïque, et, en contraste, du for intérieur. Puis les deux sortes de for ont exprimé, l’extérieur, le jugement de la société, l’intérieur, celui de la conscience individuelle. Dans son for intérieur, ce fut d’abord « selon sa conscience », puis « dans le secret de sa pensée ». Il est des constats que l’on ne fait que face au tribunal de sa conscience.

Aujourd’hui, le mot for n’étant plus compris, on pense plutôt au château fort et au secret de ce qu’on garde pour soi. À l’époque où l’adjectif intérieur s’appliquait beaucoup à certaines automobiles aussi appelées conduites intérieures, on fit une plaisanterie assez cocasse, disant, pour cette pensée intime, dans ma Ford intérieure.

À titre d’exemple

« Nous pénétrons si mal, si peu avant, dans le for intérieur d’autrui. Il y a ce que l’on voit, ce que l’on entend. Tout l’intime demeure un mystère. »

André Gide, Ainsi soit-il, 1952.

Déclarer forfait

ne pas participer à la compétition, abandonner, se retirer

En sport, il n’est pas rare d’entendre qu’un des concurrents a déclaré forfait, pour dire qu’il s’est retiré de la compétition. L’expression s’emploie aussi pour parler de quelqu’un qui abandonne un projet, qui « jette l’éponge ».

Ce forfait a un homonyme de sens différent qui désigne la clause d’un contrat déterminant un prix. Il a en revanche un rapport étroit avec un autre forfait, qui signifie dans la langue littéraire « crime énorme ». Au Moyen Âge, ce mot est emprunté par la langue anglaise qui en fait forfeit. Il prend alors le sens de « prix, peine » puis, plus spécifiquement, celui de « dédit » : c’est l’indemnité à payer lorsqu’on ne respecte pas son engagement. Cette idée de trahison, de manquement grave, se retrouve dans forfaiture, autre dérivé du verbe forfaire.