« Les réputations éphémères meurent du soir au matin ; grand homme la veille, on est un sot le lendemain, et tandis qu’une gazette fait votre apothéose, une autre gazette, à la même heure, vous traîne aux gémonies. »
En goguette
Près d’un site touristique ou dans un cadre bucolique, on ne manque pas de croiser des promeneurs en goguette. Être en goguette, c’est d’abord, avant toute frasque, être de sortie, avec cette idée que l’escapade en question est un moment des plus agréables.
Goguette vient de l’ancien français gogue qui signifiait « plaisanterie, raillerie » ou « réjouissance, bonne humeur ». On parlait aussi de goguer « railler, plaisanter ». Certains évoquent un radical gog exprimant la joie que l’on retrouverait à gogo « abondamment » et dans goguenard.
De toute façon, goguette est associé dès l’origine à la notion de plaisir. Déjà au XVe siècle, faire goguettes c’était « se régaler, faire ripaille » et être à goguette « en être aux caresses, avec une femme » car c’est surtout une affaire d’hommes. Plus tard apparut être en ses goguettes, « être de bonne humeur ». Au début du XVIIIe siècle, être en goguette ne garde que la notion de réjouissance. Avec cette idée, goguettes prit le sens de « propos joyeux » dans conter goguettes. Au XIXe siècle, on donna le nom de goguette à des sociétés chantantes ou à des cabarets, sens qui ont parfois entraîné une confusion avec guinguette.
L’expression en goguette a résisté au temps, mais elle a évolué. Du sens initial on est passé à « émoustillé, légèrement ivre », puis à « d’humeur réjouie » et enfin à « en promenade », par mimétisme avec en balade et en vadrouille. Mais rassurons-nous, ces promeneurs en goguette toujours émoustillés seront encore disposés à faire la fête !
« Il flaire le journaliste cafteur, l’humanitaire à embrouilles et préfère nettement les bandes de militaires en goguette. »
Pour ta gouverne
Nul besoin d’être gouvernante pour employer l’expression pour ta gouverne. Quand ce n’est pas par plaisanterie, elle est proférée d’un ton péremptoire par quelqu’un qui entend rappeler qu’il possède un savoir dont son interlocuteur est dénué.
Gouverne vient du verbe gouverner, qui veut dire « exercer le pouvoir politique » mais aussi « diriger une embarcation » et, plus largement, « diriger la conduite de quelque chose », « administrer, commander ». Contrairement à gouvernement et à gouvernance, mot à la mode, gouverne est dépourvu de connotation politique. L’idée principale de gouverne est celle de « conduite », et en particulier de « bonne conduite », comme en témoigne une expression aujourd’hui disparue, être de haute gouverne, « bien se conduire ».
La gouverne, c’est donc ce qui sert de règle de conduite mais aussi l’action de diriger le comportement de quelqu’un ou de gérer quelque chose. George Sand évoque dans sa Correspondance « la gouverne de [ses] enfants et celle de [son] petit patrimoine ». Ce n’est qu’au XIXe siècle que le mot a renoué avec l’univers nautique et avec son sens étymologique, le latin gubernare pouvant être traduit par « diriger un navire » : la gouverne devient alors l’action de diriger une embarcation, à l’aide d’un objet concret, l’aviron de gouverne, disposé comme une godille.
Avec l’apparition des engins volants, gouverne prend le pas sur gouvernail, sans doute trop associé à la navigation. Un pas de plus dans la modernisation et ce sera la cybernétique, qui n’est autre que le mot grec pour la gouverne.
gouverne
[ guvɛʀn ] nom féminin
ÉTYM. 1292 « gouvernement, conduite » ♦ de gouverner
1. (1723 comm.) VIEUX Ce qui doit servir de règle de conduite. […]
Lâche-moi la grappe
À quelqu’un qui nous harcèle et nous titille, on peut ordonner brusquement lâche-moi la grappe ! On pourrait aussi répondre sportivement lâche-moi les baskets, mais l’énervement fait que la grossièreté l’emporte.
Grossièreté en effet, car cette grappe, même pudiquement couverte d’une feuille de vigne, n’est pas la tige qui supporte les grains de raisin, mais le sexe masculin et les testicules. On comprend comment cette signification déshonnête est apparue en lisant la définition précise du mot : « assemblage de fleurs ou de fruits portés par des pédoncules étagés sur un axe commun ». L’analogie de forme, l’axe et les pédoncules, ont fait naître le sens figuré.
Ce détournement sémantique n’est pas surprenant, car la langue familière excelle à donner des noms imagés à l’organe masculin : le moineau, le robinet ou la bistouquette pour le pénis, les bijoux de famille, les bonbons ou les valseuses pour les testicules, sans compter des dizaines d’autres mots imaginés par l’argot. Lâche-moi la grappe nous rappelle que, pour évoquer une même idée, les expressions familières ont recours à des parties du corps telles que les mains, les pieds ou le dos, alors que la langue vulgaire sollicite joyeusement les organes génitaux.
Si quelqu’un vous casse les pieds, vous pourrez lui dire lâche-moi les baskets parce que vous en avez plein le dos. Mais à qui vous casse les couilles — surtout si vous êtes une femme, car le langage se moque de l’anatomie — vous dites lâche-moi la grappe, parce que vous en avez plein le cul.
« File-moi un cachet.
— Prends mon chewing-gum et lâche-moi la grappe. »
Faire le pied de grue
Lorsqu’on considère faire le pied de grue, quelle image surgit ? L’oiseau migrateur aux longues pattes, la prostituée ou l’engin de manutention dominant les chantiers ?