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Sous la houlette de quelqu’un

sous la conduite de quelqu’un

Les groupes sociaux tendent à répéter un même scénario : un meneur se distingue et prend l’ascendant, alors que les autres membres font figure de suiveurs. On peut les appeler des moutons, parce qu’ils se contentent d’avancer sous la houlette de leur guide. Sans forcément savoir que cette houlette est l’instrument de travail du berger.

La houlette était en effet un bâton permettant au berger de rassembler plus facilement son troupeau. Le mot vient de l’ancien verbe houler, qui signifiait « jeter, lancer ». Munie d’une extrémité en fer travaillée en forme de gouttière, la houlette permettait d’attraper et de jeter des mottes de terre ou des pierres pour empêcher les brebis de se disperser.

Dans les Évangiles, les métaphores du berger pour évoquer Jésus, le bon Pasteur qui ramène la brebis égarée, sont nombreuses. Pour cette raison, la crosse des évêques, recourbée en volute, s’inspire de la forme du bâton pastoral et portait parfois le nom de houlette.

Cet humble instrument en est venu à symboliser la modestie et l’humilité. Au XVIIe siècle, la formule depuis le sceptre jusqu’à la houlette évoquait l’étendue des conditions sociales, « depuis ce qu’il y a de plus grand parmi les hommes, jusqu’à ce qu’il y a de moins considérable », précise l’Académie.

Lorsque son origine est reconnue, l’expression prend une tournure peu flatteuse, faisant de qui est sous une houlette un mouton docile. Mais le mot évoque aussi l’univers bucolique des pastorales de Boucher et du Petit Trianon. La houlette a aussi revêtu des atours poétiques sous la plume de Proust, qui évoque dans Jean Santeuil des aubépiniers « dont les rameaux étaient pomponnés comme des houlettes Louis XVI ». On aurait aimé se reposer sous ces houlettes-là.

Le mot du Petit Robert

houlette

[ ’ulɛt ] nom féminin

ÉTYM. 1278 ♦ de l’ancien français houler « jeter », du moyen néerlandais hollen […]

1. ANCIENNEMENT Bâton de berger, muni à son extrémité d’une plaque de fer en forme de gouttière servant à jeter des mottes de terre ou des pierres aux moutons qui s’écartent du troupeau. […]

À huis clos

sans que le public soit admis

Lorsqu’une réunion se déroule à huis clos, cela signifie aujourd’hui qu’elle se déroule en petit comité, que le public en est exclu. Si huis ne s’emploie plus que dans cette expression, il a laissé des traces dans notre langue.

Les artisans et les bricoleurs le savent bien : c’est au rayon huisserie qu’ils trouveront le nécessaire pour construire et garnir les portes et les fenêtres. Huis désignait à l’origine la porte du logis et provient d’une déformation du latin ostium « entrée, ouverture », qui a donné aussi oral, orée et orifice. Avant que le mot soit évincé par porte, on frappait à l’huis pour se faire admettre dans la maison et on ouvrait l’huis pour entrer et sortir. Quant à l’huissier, c’était d’abord le gardien d’une porte.

L’expression date du XVIe siècle et n’est entrée dans la procédure judiciaire que bien plus tard, s’appliquant à un procès où personne d’autre que les parties adverses, leurs avocats et les magistrats ne sont autorisés à assister : circonstance qui s’oppose en effet à la règle de la publicité des débats. Au-delà du sens juridique, à huis clos puis le substantif un huis clos ont reçu des emplois métaphoriques dont la pièce de Sartre est un exemple célèbre. L’expression a même donné lieu à son contraire, à huis ouvert, « manifestement, ouvertement », aujourd’hui disparu.

Le huis clos signifie donc au sens propre que toutes les portes de la salle d’audience se doivent d’être fermées : élémentaire précaution pour garantir le secret et, de nos jours, pour éviter l’intrusion de journalistes indiscrets.

À titre d’exemple

« Les plaidoiries seront publiques, excepté dans le cas où la loi ordonne qu’elles seront secrètes. Pourra cependant le tribunal ordonner qu’elles se feront à huis clos, si la discussion publique devait entraîner ou scandale ou des inconvénients graves. »

Code de procédure civile, art. 87.

I

Mettre à l’index

signaler comme dangereux, condamner, exclure

Non, il ne s’agit pas de passer la bague à ce doigt de son âme sœur ! D’ailleurs l’anneau du mariage se porte à l’annulaire, et il n’a jamais été question de lui assigner une autre place. Et pourtant, l’index en question tire bel et bien son nom du doigt ainsi nommé.

L’index est le doigt qui, pointé, sert à montrer, à indiquer. C’est aussi l’auxiliaire de la lecture et de la recherche documentaire, le doigt avec lequel on tourne les pages. Au figuré, on a utilisé le mot pour désigner un petit repère, une sorte de marque-page permettant d’organiser un fichier. À cause de cet objet, le fichier lui-même fut appelé index. Par extension, toute liste alphabétique de mots ou de noms est ainsi appelé : index d’auteurs, index géographique, etc.

C’est de ce type d’index qu’il s’agit dans notre expression, mais d’un index très particulier. De son nom complet, il s’appelle Index librorum prohibitorum, « index des livres interdits ». Inquiet des conséquences de l’invention de l’imprimerie, le Saint-Office établit au XVIe siècle ce catalogue à l’usage des fidèles catholiques, dans le but de répertorier les ouvrages au contenu jugé dangereux dont la lecture était interdite par l’Église.

La Congrégation de l’Index interdit jusqu’au milieu du XVIIIe siècle les ouvrages traitant du mouvement de la Terre, l’Église ayant contraint Galilée à se rétracter. Rabelais, Descartes, Balzac et Sartre, parmi tant d’autres, furent ainsi « montrés du doigt » et leur œuvre fut mise à l’index. L’Index fut abrogé en 1966 par Paul VI, après trente-deux éditions officielles. Mais cette liste sulfureuse, par la fascination qu’elle exerçait, à l’instar de l’« Enfer » de certaines bibliothèques, est devenue proverbiale.

On emploie surtout mettre à l’index lorsqu’il s’agit d’exclure, de condamner quelqu’un ou quelque chose, d’écarter ce qu’on pense dangereux. Reste à savoir si cette exclusion est efficace. Que deviennent les personnes mises à l’index ? S’il en va des individus comme des livres, ce pourrait être le meilleur moyen d’assurer involontairement leur célébrité…

À titre d’exemple

« Si quelqu’un ici savait que vous avez fait le voyage dans la même voiture, vous seriez mise à l’index par le monde que vous voulez voir. »

Balzac, Illusions perdues, 1837–1843.