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— Nasira ! Nasira ! Qu’est-ce que tu as !

Nasira ne répondit pas, figée dans l’immobilité définitive de la mort. Colt au poing, Malko traversa le bureau en trombe, déroula dans le jardin, à temps pour voir une silhouette escalader la grille. Il tira, mais rata. Yasmin ne courait plus aucun risque, il avait les mains libres. Il escalada à son tour la grille et se rua vers sa Buick. Torse nu, il se glissa au volant et partit en marche arrière.

Une voiture le frôla, filant vers Constitution Avenue. Le temps de terminer sa manœuvre, il avait perdu cent mètres. Quand il déboucha à son tour dans l’avenue rectiligne, et déserte, il n’aperçut que les feux arrière de celui qu’il poursuivait. Heureusement que la circulation était nulle. Appuyant sur l’accélérateur, il gagna de la vitesse. L’autre continuait tout droit, brûlant tous les feux rouges, ce qui n’avait pas une grande importance à cette heure. Pourtant, un camion faillit emboutir Malko… Peu à peu celui-ci se rapprochait. L’autre voiture étant nettement moins puissante.

Malko parvint assez près pour lire le numéro d’immatriculation. C’était une plaque diplomatique mais il ignorait de quel pays. Une Mazda.

Il tenta de doubler, mais l’autre donna un coup de volant et il dut se rabattre. Il y avait un seul homme à bord.

Au bout de Constitution Avenue, passé le centre commercial, celui qu’il poursuivait tourna brusquement à gauche, et Malko l’imita. Deux motards pakistanais stationnaient à un croisement. Médusés, ils virent passer les deux véhicules à toute vitesse, mais n’intervinrent pas. Le fuyard sentait qu’il ne pouvait échapper à Malko, se contentant de garder le milieu de la route. Où pouvait-il aller ?

Ils quittèrent Khyaban-E-Suhrawardi pour Murree Road qui était son prolongement. Les terrains non construits étaient de plus en plus nombreux. Ils sortaient d’Islamabad. Malko, de sa main gauche, essaya de tirer dans les pneus de l’autre véhicule, mais c’était pratiquement impossible. Il gâchait des munitions dont il pouvait avoir besoin. Ils parcoururent ainsi au moins cinq kilomètres. Soudain, sur sa gauche, il vit surgir l’important complexe en brique rouge de l’ambassade américaine. La Mazda passa devant en trombe. Une modeste borne blanche apparat dans ses phares, annonçant la construction prochaine bien qu’hypothétique, d’une ambassade de Birmanie.

Maintenant, ils étaient en pleine campagne, avec à gauche une étendue pierreuse et, à droite, des petits bois.

Une grille apparut sur la gauche clôturant une pelouse. Au même moment, le son aigu d’un Klaxon fit sursauter Malko. Automatiquement, il se retourna : personne. Il comprit : c’était celui qu’il poursuivait qui continuait à klaxonner comme un fou ! Qui voulait-il prévenir ?

Un grand bâtiment blanc aux colonnades massives apparut, une étoile rouge lumineuse sur son fronton : l’Ambassade Soviétique.

Au même moment, les « stop » de la Mazda s’allumèrent et la distance entre les deux véhicules diminua brusquement. L’autre ralentissait. Il allait se réfugier à l’ambassade soviétique !

De nouveau, Malko tenta en vain de le dépasser. Il aperçut les grilles de l’ambassade, puis le grand portail avec, en face les tentes des soldats de garde. Deux sentinelles somnolaient près d’une guérite. La voiture poursuivie continua, puis soudain, donna un violent coup de frein. Malko vit, au coin de la grille, une porte de garage qui commençait à se relever avec une sage lenteur. Celui qui conduisait vira brusquement à gauche, plongeant vers le garage.

Malko ne sut jamais ce qui était arrivé. La voiture s’engouffra dans l’ouverture encore insuffisante pour la laisser passer. Il y eut un fracas effroyable et la Mazda demeura coincée dans la porte à demi-relevée, le pavillon écrasé.

Malko s’arrêta pile et sauta de sa voiture, courant vers le véhicule immobilisé. Le gâchis était effroyable. Le bord tranchant de la porte du garage avait fait effet d’une guillotine, pulvérisant le pare-brise et fauchant les montants avant du pavillon. Il aperçut avec horreur sur la banquette arrière, la tête du conducteur, décapité sous le choc… C’était atroce : les deux mains étaient encore crispées sur le volant, le corps effondré, mêlé aux tôles et au pare-brise déchiquetés.

Des cris et des appels éclatèrent derrière lui. Il n’avait pas beaucoup de temps.

Contournant la voiture accidentée, il tenta d’ouvrir la portière avant, mais dut y renoncer, parvint enfin à forcer l’arrière droite. L’intérieur sentait le sang, la poussière et déjà l’essence. Il inspecta du regard la banquette arrière. À part la tête, il n’y avait rien. Rien non plus sur le « siège du mort ». Enfin, il aperçut un objet rectangulaire posé sur le plancher et s’en empara. C’était un album relié en cuir marron.

Alors qu’il émergeait, il entendit du bruit derrière lui et se retourna pour voir un soldat pakistanais braquant son fusil d’assaut sur lui d’un air menaçant : Torse nu, sans chaussures, vêtu uniquement d’un pantalon, Malko avait une allure insolite pour un supposé diplomate ! Le soldat l’interpella en urdu, et Malko se dit qu’il valait mieux ne pas tenter de s’enfuir. L’autre mourait de peur et son doigt était crispé sur la détente de son arme. Il s’immobilisa sans lâcher l’album. Une cavalcade et des cris se firent entendre, venant de la rampe intérieure du garage. Des appels en russe et en urdu ! Il était coincé ! Alors qu’il avait probablement la solution au mystère Bruce Kearland.

Le soldat pakistanais lui enfonça le canon de son G3 dans l’estomac, se plaçant entre la voiture accidentée et lui.

Malko aperçut plusieurs Soviétiques qui montaient la rampe en courant. La rage l’étouffait, il allait perdre le précieux album. Soudain, il y eut une sorte de sifflement « humide » et la Mazda s’enflamma d’un coup avec un « plouf » sourd, comme une fusée de feu d’artifice. L’arrière explosa projetant des débris de tôle, de verre et de l’essence enflammée. Mitraillé de débris, le soldat pakistanais sembla s’enflammer.

Il poussa un hurlement, lâcha son fusil et commença à se rouler par terre, pour éteindre les flammes qui attaquaient son uniforme. Malko tomba à terre. Il courut vers sa voiture serrant l’album. Le soldat pakistanais l’avait protégé du feu. Le moteur tournait toujours et il n’eut qu’à mettre en marche arrière pour filer en trombe devant la Mazda en train de brûler et le soldat pakistanais hurlant de douleur. Les Soviétiques, bloqués par l’incendie, étaient restés à l’intérieur de la rampe. La tête dans les épaules, Malko fonça, se dirigeant vers l’est, ne voulant pas repasser devant le poste de garde pakistanais, en face de l’ambassade. La lueur de l’incendie diminua dans son rétroviseur, jusqu’à ne plus être qu’un point lumineux. Il ralentit cinq kilomètres plus loin, sûr de ne pas être suivi.

La route s’allongeait devant lui, sombre et rectiligne, avec une chaîne de montagnes à sa gauche. Il fallait qu’il retrouve le chemin de Rawalpindi par un itinéraire détourné. Heureusement que sa plaque diplomatique le protégeait des inquisitions de la police pakistanaise… Il regarda l’album posé à côté de lui, impatient de l’ouvrir. Il renfermait sûrement le secret de la mort de Bruce Kearland.

Chapitre XIX

Malko ralentit en arrivant devant la villa de Yasmin. Toutes les fenêtres étaient éclairées. Deux voitures de la police pakistanaise étaient arrêtées devant. Il hésita. C’était gênant de répondre à certaines questions. D’autre part, Nasira avait été abattue par son complice et le Colt de Fred Hall n’était pas en cause. Il avait hâte d’analyser le contenu de l’album et seule Yasmin pouvait l’aider. Remettant le Colt dans la boîte à gants, il sortit de la Buick, enferma l’album dans le coffre, puis sonna.