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Servane resta près de l’entrée tandis que Vincent était poussé à l’autre extrémité.

Les séparer, les affaiblir.

Le guide put enfin voir le visage de la jeune femme ; livide, exténué. Ses yeux, deux balises de détresse, cherchèrent une once de réconfort dans les siens.

André posa son fusil avant de s’avancer vers Vincent.

— Bon, maintenant on va un peu causer tous les deux. Tu vas me dire où sont ces fameuses preuves…

Vincent croisa les bras et s’adossa au mur. Il suivait toujours un semblant de plan imaginé à la va-vite, mais aussi et surtout son instinct.

— Il vaudrait mieux parler, Lapaz, menaça André.

— J’ai pas pour habitude de parler aux fumiers de ton espèce !

— Pourquoi on perd notre temps ? s’impatienta Hervé. Je suis certain qu’il bluffe ! Il n’a plus l’ombre d’une preuve !

— On va le vérifier tout de suite, dit André. Mais d’abord, on vide les fusils…

Ils déchargèrent les armes, mirent les munitions à l’abri dans leurs poches. Ils ne voulaient pas risquer que Servane ou Vincent s’empare d’une carabine et que les rôles ne soient ainsi inversés.

Vertoli obligea Servane à s’asseoir par terre, sangla un de ses poignets à la banquette.

Puis, la meute encercla le guide. Quatre contre un, aucune chance de gagner.

Pourtant, Vincent opposa une farouche résistance.

Une vaine résistance.

En moins de deux minutes, ils l’immobilisèrent et lui ligotèrent les mains dans le dos.

Mauvaise posture. Déjà à genoux.

André récupéra son fusil ; premier coup de crosse en pleine figure, Vincent mordit la poussière. Deuxième choc, à lui briser l’échine.

Servane aurait voulu hurler. Aucun son ne sortit de sa gorge.

— Alors, Lapaz ? Tu te décides ou t’en veux encore ?… Où sont ces preuves ?

— Je t’emmerde !…

Le maire regarda simplement Portal ; à lui de prendre le relais. Le colosse empoigna Vincent par son blouson, le décolla du sol comme s’il ne pesait rien puis lui asséna une droite dans la mâchoire, une autre dans l’estomac, l’envoyant à nouveau au tapis. Il s’acharna encore sur son jouet déjà à terre ; passage à tabac dans les règles de l’art. Coups de pied dans les côtes, l’abdomen, le dos.

Servane hurla enfin ; pour ne plus entendre ce bruit atroce de chair meurtrie.

Le maire s’interposa alors pour surseoir au massacre.

— Ça suffit, Portal ! Si tu le tues, il ne pourra plus parler…

Le molosse abandonna Vincent qui se tordait de douleur et crachait son propre sang. André se pencha et lui parla lentement, comme pour être sûr qu’il comprenait bien chaque mot.

— Je t’écoute, Lapaz… Dis-moi où sont ces preuves…

Vincent n’arrivait plus à respirer, le maire lui accorda quelques secondes.

— Allez, ça sert à rien de jouer les héros… Où sont ces documents ?

Le guide se redressa un peu, s’assit contre le mur.

En voyant qu’il avait le visage en sang, Servane se mit à pleurer puis à se débattre furieusement, comme si elle pouvait déchirer la sangle qui la retenait prisonnière. Comme si elle pouvait lui venir en aide.

Vincent retrouva un peu d’air et l’usage de la parole :

— Tu peux crever ! murmura-t-il. Vous et vos fils, vous finirez vos jours en taule…

André soupira et adressa un petit signe à son homme de main.

Portal revint à la charge ; il plaqua Vincent contre le mur, leva le bras. Mais à la surprise générale, Hervé l’arrêta dans son élan.

— C’est pas comme ça qu’il faut faire ! expliqua-t-il en souriant.

Portal le considéra avec un étonnement stupide et lâcha Vincent qui glissa lentement contre les pierres froides.

— Notre guide ne parlera pas ! poursuivit Hervé. Il a la tête aussi dure qu’un morceau de bois ! Il a l’habitude des coups : il en prenait déjà plein la gueule quand il était môme ! Et puis si on l’amoche de trop, on aura du mal à faire croire qu’il est tombé…

Vincent releva les yeux sur lui. Le pire des Lavessières. Une bête féroce et sournoise qui avait un cratère immense à la place du cœur.

Qui donc le lui avait arraché ?…

— Et qu’est-ce que tu proposes ? interrogea son frère.

— Il a la tête dure mais le cœur tendre ! reprit Hervé en se tournant vers Servane.

Tous les regards convergèrent vers la jeune femme.

Vincent, lui, ferma les yeux. Enfin, il obtenait ce qu’il voulait.

— Détache la demoiselle, Vertoli ! ordonna Hervé.

L’adjudant s’exécuta et Servane se retrouva nez à nez avec Hervé. Elle recula de quelques pas, cherchant désespérément l’issue du piège.

Biche aux abois.

— Ne la touche pas ! hurla Vincent.

— Je vais me gêner !

Servane sentit le mur dans son dos au moment où Hervé sortait un cran d’arrêt de sa poche. Il la saisit par les cheveux, colla la lame contre sa gorge, l’obligea à avancer jusqu’à la table. Il la coucha brutalement dessus et elle réagit enfin ; avec une telle violence que Portal dut venir à la rescousse de son ami pour immobiliser la tigresse. Il tenait ses poignets, Hervé serrait sa gorge. Il tourna alors la tête vers Vincent : — Tu imagines ce que je pourrais lui faire avec ça ? insinua-t-il en faisant étinceler la lame de son couteau.

— Lâche-la !

Hervé regarda à nouveau Servane, approcha son visage du sien.

— C’est vrai, ce qu’on raconte ? Paraît que t’aimes pas les mecs ?… Tu veux essayer avec moi ?

Elle l’insulta, fila quelques coups de pied dans le vide. Hervé glissa sa main sous son tee-shirt, elle hurla sa terreur.

— Laisse-la ! s’écria Vincent. Je vais vous donner ce que vous voulez ! Mais laissez-la…

André et Hervé échangèrent un sourire victorieux tandis que Portal semblait fortement déçu. Seul Vertoli ne réagissait pas, pétrifié près de la porte.

— On t’écoute, fit le maire.

— J’ai… J’ai tout planqué au refuge de l’Herbe Blanche.

— Et qui devait aller les récupérer ?

Pour toute réponse, Vincent poussa un gémissement de douleur.

— J’attends, Lapaz !

— Cette personne ne sait rien…

— Et moi je veux savoir qui c’est !

— Je ne lui ai rien révélé ! jura Vincent. Il ne sait rien ! Récupérez les documents et tout sera fini…

— Tu veux vraiment qu’Hervé s’occupe de ta copine ?

— Non ! Je… J’ai menti ! J’ai seulement planqué les documents… Je… Je n’en ai parlé à personne… J’ai pas eu le temps ! Je me disais que… Que quelqu’un finirait par les trouver…

— Tu te fous de ma gueule ?!

André le releva de force et l’écrasa contre la cloison. Son crâne heurta violemment la pierre, le maire continua à s’égosiller.

— Réponds, Lapaz !

Mais Vincent ne répondit pas ; il avait perdu connaissance.

André le laissa tomber, apparemment satisfait de ces aveux. Servane se réfugia dans un angle de la pièce, laissant libre cours à ses larmes, jetant des regards éperdus vers Vincent, toujours inconscient.

Mort, peut-être ?…

— On peut se débarrasser d’eux maintenant ! ajouta le maire.

— Vraiment ? rétorqua Vertoli. Et s’il a menti ?

— Menti ?

— Oui, si les documents ne sont pas là-bas ?

André prit quelques instants pour réfléchir puis dicta ses ordres.

— OK, je vais aller vérifier… Vous gardez un œil sur eux. Je fais un saut là-bas et je m’assure que tout y est.

— Mais ça va prendre beaucoup trop de temps ! s’insurgea Hervé.

André consulta sa montre : 23 h 30.

— On a le temps ! J’essaierai de vous prévenir par téléphone…

— Le portable ne passe pas ici !

— Eh bien, je remonterai ! Je serai de retour avant le lever du jour… On n’a pas le choix, de toute façon.

— J’ai ma radio, indiqua alors Vertoli. Avec celle de la Jeep, ça passera.

— Parfait ! lança André. Dans ce cas, je vous dirai ce qu’il en est et vous pourrez vous débarrasser d’eux.

Il enfila son blouson et récupéra son fusil avant de s’enfoncer au cœur de l’obscure forêt.