Выбрать главу

— Vraiment ? rétorqua Vertoli. Et s’il a menti ?

— Menti ?

— Oui, si les documents ne sont pas là-bas ?

André prit quelques instants pour réfléchir puis dicta ses ordres.

— OK, je vais aller vérifier… Vous gardez un œil sur eux. Je fais un saut là-bas et je m’assure que tout y est.

— Mais ça va prendre beaucoup trop de temps ! s’insurgea Hervé.

André consulta sa montre : 23 h 30.

— On a le temps ! J’essaierai de vous prévenir par téléphone…

— Le portable ne passe pas ici !

— Eh bien, je remonterai ! Je serai de retour avant le lever du jour… On n’a pas le choix, de toute façon.

— J’ai ma radio, indiqua alors Vertoli. Avec celle de la Jeep, ça passera.

— Parfait ! lança André. Dans ce cas, je vous dirai ce qu’il en est et vous pourrez vous débarrasser d’eux.

Il enfila son blouson et récupéra son fusil avant de s’enfoncer au cœur de l’obscure forêt.

31

Dans le refuge, Hervé Lavessières s’était assis sur la table, Portal sur le banc et Servane par terre.

Chacun à sa place.

L’adjudant Vertoli, apparemment sur le point de craquer, arpentait la cabane de long en large ; un truc à faire gerber un vieux loup de mer. Une nuit de cauchemar s’annonçait… Il avait envie de tout laisser tomber, mais cela requérait un courage qu’il ne se connaissait pas. Ou l’inverse, il ne savait plus très bien.

Servane profita qu’il lui tournait le dos pour se mettre debout.

— Bougez pas ! hurla son chef.

— Je… Je voudrais juste m’occuper de Vincent.

Il la considéra avec étonnement.

— D’accord. Mais ne tentez rien qui…

— Je ne tenterai rien, assura-t-elle.

Elle s’approcha de son ami, toujours à terre, qui revenait vaguement à lui. Elle l’aida à s’asseoir contre le mur et constata les dégâts : arcade sourcilière et pommette gauche explosées, un œil gonflé et la lèvre fendue.

Un boxeur K.-O.

Elle s’agenouilla devant lui, sortit un mouchoir en papier de sa poche pour essuyer le sang qui souillait son visage.

— Il me faudrait un peu d’eau, quémanda-t-elle à Vertoli.

— Hé ! C’est pas l’hosto ici, rappela Hervé en allumant une cigarette. Pas la peine de le soigner puisqu’il va crever !

Vertoli récupéra malgré tout une vieille casserole et disparut dans la nuit sous l’œil méprisant de Lavessières. Il revint quelques minutes plus tard, le récipient rempli d’eau glacée. Servane plongea un autre mouchoir dedans qu’elle appliqua sur les blessures de Vincent. Au contact du froid, il sembla reprendre ses esprits et parvint à s’amarrer au regard de la jeune femme.

Désespéré.

— Ça va aller, prétendit-elle. Ne bouge pas…

— Servane, je… J’aurais dû te tenir à l’écart de tout ça… Pardonne-moi.

— Je n’ai rien à te pardonner, rien du tout…

— Comme c’est touchant ! s’amusa Hervé. Bon, moi je vais pisser… Surveillez bien les deux tourtereaux !

Il sortit à son tour et Portal ne quitta pas des yeux ce couple étrange.

Mais c’est surtout Servane qu’il regardait, la trouvant jolie malgré son air épuisé.

Sauf qu’elle, ne voyait que Vincent. S’occupait de lui avec un dévouement insupportable.

— Ça suffit maintenant ! cria-t-il. Pas de messes basses ! Toi, tu retournes à ta place !

Servane ne daigna même pas tourner la tête. Alors, le géant fondit sur elle, l’attrapa par un bras et la décolla du sol, manquant de lui arracher l’épaule. Elle poussa un cri strident qui fit sursauter Vertoli.

— Quand je te parle, t’écoutes ! beugla Portal.

— Laisse-la ! ordonna l’adjudant.

— Quoi ? Fous-moi la paix, toi !

— Laisse-la tranquille ! répéta le gendarme.

— C’est pas toi qui donnes les ordres !

Vertoli serra les mâchoires et abandonna la partie. Se mesurer à Portal relevait de l’inconscience.

Le géant traîna Servane jusqu’à la table. Une idée fixe : il était resté sur sa faim.

— Vertoli, je vous en prie, faites quelque chose ! supplia Vincent avec le peu de forces qu’il lui restait. Ne le laissez pas faire ça…

L’adjudant hésita ; malgré le froid, son front était humide. Finalement, il ouvrit la porte et appela Lavessières. Celui-ci déboula alors que Portal essayait maladroitement de déshabiller Servane.

— Rappelle ton chien de garde ! dit Vertoli.

Hervé se jeta sur Portal et le tira en arrière.

— Arrête tes conneries, bougre de con ! s’écria-t-il.

— Mais quoi ? T’as dit tout à l’heure qu’on pouvait…

— Espèce de crétin ! vociféra Lavessières. Quand ils découvriront son corps, ils feront une autopsie…

— Et alors ?

— Et alors, si tu la baises, on retrouvera ton ADN de couillon !

Le molosse réfléchit quelques instants, le front plissé. Il fallait se rendre à l’évidence : Hervé avait raison. Parce que Hervé avait toujours raison. Portal rongea son frein et quitta la cabane sans ajouter un mot.

Servane s’était réfugiée auprès de Vincent ; elle venait d’échapper au pire, mais la mort, elle n’y échapperait pas. Elle fixait Vertoli et Lavessières avec rage, comme si elle tentait de les abattre à distance.

— Qu’est-ce t’as à me reluquer comme ça ? s’étonna Hervé. J’te plais ou quoi ?!

— Tu me donnes envie de vomir ! T’es qu’un minable, une pourriture !

— Oh ! La petite gouine a du cran, on dirait !

— De toute façon, je sais qu’un jour tu paieras ! Ton fils finira en prison et toi avec !

— Mon fils ?

Il éclata d’un rire effrayant.

Le rire d’une hyène.

Il s’approcha dangereusement, Servane se recroquevilla contre le mur.

— Écoute-moi bien, ma jolie : mon fils n’ira jamais en prison, quoi qu’il arrive ! Et tu sais pourquoi ? Parce qu’il n’a rien à voir avec toute cette histoire… Vous auriez dû lire la suite des mémoires de Joseph ! Ludovic n’était pas là le jour où Laure a été tuée… Demande plutôt à Vertoli ce qu’il fait là… Parce que apparemment, t’as rien compris !

Servane cherchait le sens de cette énigme. Vincent trouva avant elle.

— C’est ton fils, hein, Vertoli ? s’écria-t-il.

— Nicolas ? fit Servane. Mais… c’est impossible ! Il est tellement…

Elle resta hébétée par cette révélation.

Nicolas, un meurtrier ? Ce jeune homme qui paraissait si gentil, si sensible, si équilibré.

Si triste, aussi.

Comme s’il portait sur ses épaules un poids accablant… Elle se remémora ses larmes, lorsqu’elle l’avait surpris au bord du torrent.

Je trouve juste dommage que vous ayez des raisons de pleurer.

J’en ai des milliers. Des milliers…

Ou plutôt une seule, réalisa Servane.

L’adjudant leur tournait le dos, n’osant affronter l’accusation en face. La honte le submergea, au point qu’il dut desserrer le col de son uniforme.

Oui, son fils était coupable. De s’être lié d’amitié avec Sébastien, de l’avoir suivi sur d’effroyables sentiers. Nicolas en payait aujourd’hui le prix ; il aurait mieux valu encore qu’il expiât son crime en prison. Car il lui fallait chaque jour sa dose d’anxiolytiques pour ne pas se balancer par la fenêtre ou au bout d’une corde.

Chaque seconde, Nicolas endurait un calvaire bien pire que l’enfermement ou la mort.