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— J’ai pensé que vous auriez envie de le savoir, ajouta mielleusement Bello.

— Tu as bien fait… Et qu’est-ce que tu sais d’autre ?

— Rien, monsieur… Juste qu’ils ont évoqué ce dossier ensemble.

— Bon… Tâche d’en apprendre davantage… Questionne Grimaldi.

— Je vais essayer, monsieur Lavessières…

— Et ta belle-fille ? Elle est rentrée à la mairie de Saint-André ?

— Oui, monsieur… Je vous remercie encore !

— Je t’en prie… C’est naturel d’aider les amis.

Le maire raccrocha et frappa violemment du poing sur son bureau.

— Putain de merde ! hurla-t-il. Qu’est-ce qu’il vient encore me faire chier, celui-là !

Jocelyne, sa secrétaire, apparut à la porte du bureau.

— Qu’est-ce qui vous arrive, André ?

Le maire la considéra quelques instants avec le regard d’un maquignon qui achète une bête sur pieds. Elle était très en beauté aujourd’hui. Elle faisait envie, avec sa crinière brune, ses rondeurs aguicheuses et ses yeux en amande soulignés de noir. André avait songé plusieurs fois à tenter sa chance avec elle. Mais finalement, il renonçait toujours au dernier moment. Avec Jocelyne, comme avec les autres. Sans vraiment s’expliquer pourquoi. Ni par timidité, ni par peur d’être rejeté ; ni même par fidélité envers son épouse avec qui il ne partageait plus grand-chose depuis belle lurette.

Peut-être simplement parce qu’il partait du principe que les bonnes femmes sont vraiment trop compliquées. Et qu’il n’aimait guère se compliquer la vie.

— Vous avez des ennuis ? s’inquiéta la secrétaire.

— Rien de bien méchant ! assura-t-il. Mais faut que tu appelles Portal… Qu’il vienne chez moi en fin d’après-midi.

— Bien sûr. Je m’en charge.

— Merci, Jocelyne.

* * *

— On va s’arrêter là, décréta Vincent en posant son sac à dos.

Les randonneurs semblaient ravis que l’heure de la pause ait sonné et s’éparpillèrent autour du guide dans un joyeux désordre. Servane vint s’asseoir à côté de lui.

— Alors, la balade vous plaît ? espéra-t-il.

— C’est magique, dit-elle avec une réelle émotion dans la voix. Je crois que je suis en train de tomber amoureuse…

— De moi ? demanda-t-il avec un large sourire.

— Mais non ! De ça…

Elle dessina un arc de cercle avec son bras, embrassant le paysage tout entier.

— J’en suis heureux…

Elle avait replié ses jambes devant elle, semblait en pleine méditation. Quant à Vincent, il avait déjà attaqué son repas.

— Vous ne mangez pas ? s’étonna-t-il.

— Je n’ai pas très faim…

— Il faut manger, pourtant… Parce que je ne vous porterai pas sur mon dos pour redescendre !

Elle consentit à ouvrir son sac et attrapa d’abord sa gourde pour se désaltérer.

Le groupe s’était arrêté près du lac des Garrets, saphir étincelant niché au creux d’un écrin de pierres. En forme de verre à pied, rempli d’une eau à la pureté exceptionnelle.

Éternel recommencement.

— Ça vous dirait de voir le soleil se lever en haut d’un 3 000 ? proposa soudain Vincent.

Servane le considéra avec des yeux de petite fille.

— Là, en haut du Pelat, ajouta le guide en pointant le sommet avec son doigt.

— Ce serait génial…

— Je vous emmènerai.

— J’ai hâte !

Elle mordit à pleines dents dans son sandwich, les yeux prisonniers du lac.

Le bleu perdu dans le bleu, pensa Vincent.

Il détaillait son profil délicat et la trouvait jolie.

Chaque jour plus jolie.

Elle s’épanouissait ici comme une de ces fleurs d’altitude. Le reflet de l’eau dans ses yeux avait quelque chose de féerique. Ses cheveux si clairs, capables d’emprisonner puis de restituer la lumière, sa peau d’une blancheur immaculée… Elle n’était pas de celles que l’on trouve belles au premier regard. Il fallait s’attarder sur chaque détail de son visage. Sur chaque courbe de son corps. Sur le ton un peu grave de sa voix et l’éclat de son rire.

Mais non, il ne fallait pas.

Vincent tourna la tête et plongea à son tour dans les eaux glacées du lac. Pour éteindre le feu dans son regard.

* * *

Portal gara son Range Rover devant l’immense chalet des Lavessières. Il fut accueilli bruyamment par les deux chiens de chasse de la maison.

— Allez ! Va coucher ! lança-t-il avec un geste menaçant du bras.

Les deux épagneuls partirent en direction de leur niche, la queue entre les pattes. Ce fut Suzanne Lavessières qui lui ouvrit. L’épouse dévouée, silencieuse. Austère.

— Bonjour, dit Portal d’un ton respectueux.

Cette femme l’avait toujours impressionné.

— Je viens voir m’sieur André… Il m’a demandé de venir.

— Il vous attend, confirmat-elle sans un sourire.

Ils traversèrent le grand salon avant de ressortir par une porte-fenêtre qui donnait sur la terrasse. Le maire était installé dans un relax, en train de lire le journal. Il adressa un sourire paternel au colosse empoté qui lui faisait de l’ombre.

— Ah, Portal ! Assieds-toi donc…

Personne ne l’appelait jamais par son prénom, à croire qu’il n’en avait pas.

Le géant s’installa à dix mètres environ de son hôte.

— Mais viens plus près, bougre d’âne !

Il prit la chaise et se colla contre le relax.

— Tu veux boire quelque chose ? Un pastis ?

— Ouais, un pastis !

— Suzie ! hurla le maire.

Quelques secondes plus tard, elle apparut à la porte-fenêtre.

— Apporte un pastis bien frais à notre invité, tu seras gentille…

Une fois servi, Portal écouta avec attention ce que son patron avait à lui dire.

Son patron, son gourou, son maître…

— Est-ce que tu as parlé à quelqu’un de la vente des terrains ? attaqua le maire.

— Les terrains ? Non, j’ai rien dit, m’sieur André. Absolument rien…

— Tu es sûr que tu n’en as parlé à personne ? Vaudrait mieux me le dire, sinon…

— Non, à personne. Sûr.

— Bon… J’aimerais que tu surveilles Lapaz, expliqua André sur le ton de la confidence.

— Lapaz ? J’l’ai vu ce matin… Il avait des clients à Allos. Et il était au bar avec la petite de la gendarmerie… Y avait Estachi, aussi.

— Je me contrefous d’Estachi ! C’est cet enfoiré de guide qui m’intéresse… Tu dis qu’il discutait avec la fille de la gendarmerie ?

— Oui, la nouvelle… J’crois qu’ils sont partis ensemble en randonnée.

— Putain ! Manquait plus que ça…

— Qu’est-ce que je dois faire ? demanda Portal avec appréhension.

— Tu vas garder un œil sur Lapaz. Je veux savoir qui il voit, ce qu’il fait quand il n’a pas de client.