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— Il est venu ici récemment, dit Servane.

— À quoi tu vois ça ? s’étonna Vincent.

Elle dirigea le faisceau de sa lampe vers le bas et il remarqua à son tour les traces de pas qui marquaient le sol, bien visibles au milieu de la crasse.

— Il est monté à l’étage, reprit-elle en suivant ces empreintes vers l’escalier. Mais on va fouiller partout…

Ils enfilèrent leurs gants en latex et Servane décida de s’occuper de l’étage tandis que Vincent perquisitionnerait le rez-de-chaussée. Elle gravit lentement les marches en se cramponnant au mur et commença par la pièce de droite qui servait apparemment de débarras au prêtre. Deux grosses malles, une en camphrier, l’autre en rotin, trônaient au milieu de ce fourbi. Elle alluma la lumière, les volets étant fermés, et s’assit en tailleur devant la plus grosse des deux malles. Elle commença à en étudier le contenu ; beaucoup de livres aux thèmes variés, des romans classiques, des guides pratiques sur la cueillette des champignons ; des tas de petits objets artisanaux rapportés d’Afrique, d’Asie, ou d’Amérique du Sud ; des cartes postales vierges ou écrites. Et des photos, des centaines de photos rangées dans des boîtes en carton. Servane remit tout en place et s’attaqua à la deuxième malle. Là, elle trouva de vieux vêtements, soigneusement pliés et rangés. Ce prêtre ne jetait rien !

Elle referma le second coffre, sentit soudain quelque chose lui chatouiller la jambe. Une énorme araignée noire et velue grimpait sur son mollet. Tout en poussant un hurlement aigu, elle se leva d’un bond, envoyant le monstre par terre. L’araignée se faufila derrière les malles tandis que Servane reculait jusqu’à la porte.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’alarma Vincent en se ruant dans l’escalier.

— Y avait une araignée énorme ! Là ! s’écria-t-elle en pointant du doigt l’endroit où s’était réfugié le cauchemar sur pattes.

Le guide leva les yeux au ciel.

— Je croyais que t’avais trouvé un cadavre ou quelque chose de vraiment terrifiant ! marmonna-t-il.

— Mais elle était monstrueuse, je t’assure !

— Bon, on continue ! maugréa le guide en reprenant le chemin du rez-de-chaussée.

La jeune femme revint dans la chambre d’un pas hésitant.

Putain, Servane, reprends-toi ! Tu vas pas renoncer à cause d’une araignée !

Finalement, elle fit demi-tour et s’aventura dans la pièce d’en face.

Au bout d’une demi-heure, elle redescendit et découvrit Vincent agenouillé sur le sol en train d’inspecter le bas du placard. D’une simple mimique, elle lui fit comprendre qu’elle avait fait chou blanc.

— Et toi ?

— Rien pour l’instant, répondit-il. Mais après ça, j’aurai tout fait.

Quelques minutes plus tard, il leur fallut se rendre à l’évidence : rien ici ne pouvait les intéresser.

— C’est pas possible ! enragea Servane. J’étais pourtant certaine qu’on trouverait quelque chose !

— Tu as bien tout regardé en haut ?

— Ben oui… Sauf à l’endroit où l’araignée s’est planquée…

Vincent soupira.

— Viens avec moi, ordonna-t-il.

Elle le suivit jusqu’au premier, lui désigna l’endroit encore vierge de toute inspection. À même le sol, un tas de vieux vêtements sales, encore pires que ceux contenus dans le coffre en rotin. Vincent tira les deux énormes malles et accéda aux fripes.

— Quel porc, ce curé ! ronchonna-t-il en soulevant les premières guenilles.

— Vincent ! s’indigna Servane. Il est mort…

— Et alors ?

Il continua à dépecer le tas de hardes et l’araignée fit de nouveau son apparition. Servane poussa un cri et reflua jusque dans le couloir. Vincent captura la bestiole dans ses mains avant de s’avancer vers la jeune femme terrorisée.

— Arrête ! hurla-t-elle en marchant à reculons. Ne m’approche pas avec cette horreur !

Il ouvrit ses mains et l’animal resta quelques secondes immobile. Comme Servane, dos au mur.

— Inoffensive et très jolie ! rigola Vincent.

— J’ai peur, déconne pas ! implora la jeune femme. Reste où tu es !…

— Elle a plus la trouille que toi ! Quoique…

L’araignée reprit ses esprits et monta le long de son bras. Servane mit les mains devant sa bouche pour ne pas hurler encore.

— Je vais la foutre dehors. Comme ça, tu pourras m’aider à chercher !

Il entrouvrit les volets, la jeta par la fenêtre.

— Voilà, tu peux revenir dans la chambre ! La bêêêête est partie !

— T’es vraiment con ! dit Servane en quittant son refuge. Je déteste les araignées…

— Ah oui ? Mademoiselle-peur-de-rien a peur des petites bêtes ?

Elle haussa les épaules et s’adossa au mur, laissant finalement Vincent achever seul sa pénible tâche. Et alors qu’il commençait à désespérer, il découvrit un gros sac-poubelle noir. Il le souleva de terre et se remit sur ses pieds.

— Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? demanda Servane.

— Attends, je regarde…

Il desserra le lien qui fermait le sac, plongea sa main à l’intérieur. Il en ressortit un cahier à la couverture cartonnée.

— On dirait qu’on a tiré le gros lot ! annonça le guide. Je crois qu’il s’agit d’un des tomes du journal intime de Joseph !

— J’avais raison ! exulta la jeune femme. J’avais raison !

Vincent vida le contenu du sac par terre et ils comptèrent douze carnets au total.

— On va avoir de la lecture !

Soudain, le bruit d’une voiture qui approchait sur la piste les interrompit.

— Je croyais qu’il n’y avait personne, ici ? chuchota Servane.

— C’est peut-être des promeneurs ! On va mettre tout ça dans le 4 × 4, on les lira à la maison…

Ils remirent les carnets dans le sac à la hâte, regagnèrent le rez-de-chaussée. Ils enjambèrent la fenêtre et Vincent inspecta les alentours. Un couple de jeune gens s’était arrêté un peu plus loin et pique-niquait au bord du torrent. Il rejoignit Servane déjà assise sur le siège passager.

— C’est bon, dit-il. Ils sont loin et c’est pas des gens du coin…

Ils quittèrent le village fantôme, le cœur empli d’un nouvel espoir.

— On va en apprendre, des choses ! songea soudain Servane à voix haute. Si jamais le curé notait tout ce qu’il entendait en confession, on va tout savoir sur tout le monde !

— On ne lira que les passages qui nous intéressent.

— Pour ça, va falloir jeter un œil à l’ensemble…

— Tu t’inquiètes pour ça ? s’étonna-t-il.

— Ben, le secret de la confession, c’est sacré…

— C’est vrai que tu crois en Dieu ! fit-il avec un petit sourire moqueur. Je t’ai vue faire dans l’église, l’autre fois… Tu t’es signée… Et puis tu as mal supporté que je moleste un curé !

— Et alors ? Ça te pose un problème que je croie en Dieu ?

— Pas le moindre ! La liberté de pensée, c’est sacré ! Comme le secret de la confession !

— Tu te moques de moi, n’est-ce pas ?

— Disons que j’ai toujours eu du mal à comprendre qu’on puisse gober de telles conneries ! Mais vous êtes nombreux dans ce cas, rassure-toi ! La plus grosse secte du monde !

Servane se renfrogna.

— Je t’ai blessée ? demanda Vincent au bout de quelques secondes.