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— Tu vas les arrêter ? coupa Vincent.

— Évidemment ! Mais il faut d’abord que je mette l’opération sur pied. Que personne n’ait le temps de prendre la fuite… Surtout que le fils d’Hervé n’est pas dans la vallée.

— Que voulez-vous que nous fassions ? demanda Servane.

— Vous allez vous barricader tous les deux dans votre appartement, répondit-il en se levant. Et vous ne dites pas un mot jusqu’à ce que tout le monde soit sous les verrous. Pas un mot, à personne. Pas même à vos collègues. Compris ?

— Compris, mon adjudant-chef.

— On peut attendre chez moi ? espéra Vincent.

Le chef réfléchit un instant.

— Bien sûr. Mais ne quittez pas le chalet. Restez-y jusqu’à ce que je vous autorise à en sortir.

— D’accord, dit Servane.

Elle posa sa main sur l’épaule de Vincent, il trouva à peine la force de se remettre debout.

— Je suis désolé pour Laure, ajouta Vertoli.

— Il faut que je sache où elle est.

— On le découvrira, Vincent, assura l’adjudant. Pour le moment, reposez-vous, tous les deux… Et n’oubliez pas : vous ne devez parler de cette histoire à personne. Sous aucun prétexte. N’importe qui pourrait prévenir Lavessières, ce serait une catastrophe.

— On ne dira rien, jura Servane.

Ils quittèrent le bureau et passèrent devant Matthieu qui les dévisagea avec curiosité.

— Ça va ? Vous en faites une gueule tous les deux !

— Oui, ça va, s’empressa de répondre Servane. C’est le contrecoup de l’accident !

Elle attrapa la main de Vincent et ils prirent à nouveau le chemin de son studio. Elle regroupa quelques affaires dans un sac : des vêtements de rechange, une trousse de toilette, deux paquets de cigarettes et son Beretta. Quand ils redescendirent, Vincent s’installa au volant de la Mazda.

— Tu es sûr de vouloir conduire ?

Il hocha simplement la tête. Le même chemin en sens inverse, dans le même silence.

Mais à hauteur d’Allos, Servane se força à le briser :

— Pourquoi n’as-tu pas voulu attendre chez moi ? Ça aurait été plus sûr.

— Je préfère retourner à l’Ancolie, avoua Vincent. J’y serai mieux…

Retourner là où il avait vécu avec Laure. Là où elle vivait encore.

— Je comprends, répondit Servane. De toute façon, Vertoli m’appellera dès qu’ils les auront arrêtés… Nous redescendrons à ce moment-là.

— Le tout, c’est que tu ne m’abandonnes pas…

Elle le considéra avec émotion.

— Je resterai avec toi, Vincent. Autant que tu le souhaiteras.

— Merci… Et… Je te demande pardon pour tout à l’heure. Je… Je ne savais plus ce que je faisais.

— C’est oublié, prétendit-elle. Et je serai toujours là quand tu auras besoin de moi.

— Pourquoi ?

Cette question pouvait paraître simple. Pourtant, elle ne l’était pas.

— Parce que tu comptes beaucoup pour moi.

Il prit sa main dans la sienne, y déposa un baiser. Puis il mit ses lunettes de soleil pour qu’elle ne voie pas ses larmes. Au milieu de son chagrin, il se rendit compte une fois de plus à quel point elle lui était précieuse.

Et que désormais, le lien qui les unissait était incassable.

30

Rouge, comme le sang de Laure.

Ou celui de ses assassins.

Rouge, comme la haine.

— Ça va mieux ? s’enquit Servane.

Il ne prit pas la peine de répondre, elle se trouva stupide d’avoir posé cette question. Mais on est toujours si maladroit face à la détresse de l’autre…

— Vertoli n’a pas encore appelé ? questionna Vincent.

— Non, pas encore… Je suppose qu’ils préparent les arrestations. Tu sais, il faut prévenir le procureur, obtenir les mandats d’amener… Ils ne pourront sans doute pas intervenir avant demain matin.

— Rien que de savoir que ces salauds vont passer une nuit de plus en liberté, ça me donne des envies de meurtre…

— Si c’est le cas, ça sera leur dernière nuit.

— Le pire, je crois que c’est Mansoni. On a bossé ensemble si souvent, lui et moi… Ce fumier savait que Laure était morte et il a fait comme si de rien n’était… Pendant tout ce temps, il m’a parlé, il a… Je l’avais là, à côté de moi, je l’avais à ma portée…

Il ferma les yeux, serra les mâchoires. La haine lui collait froidement à la peau, épousant chaque atome de son corps.

La seule barrière qui le séparait du crime, c’était Servane.

Serait-elle assez solide pour l’arrêter ?

— Comment j’ai pu croire que Laure était partie durant toutes ces années ? reprit Vincent avec des sanglots dans la voix. Comment j’ai pu la maudire alors que…

Il ne put continuer, étranglé par la douleur.

— Tu avais des raisons de croire qu’elle était partie, Vincent. Le mot sur l’ordinateur, ses affaires qui avaient disparu…

— Non ! Elle… Elle n’avait jamais parlé de me quitter ! Juste avant que je parte pour l’Autriche, elle m’avait encore répété qu’elle m’aimait ! Et je n’ai rien compris… Rien du tout…

— Tu as essayé de la retrouver après sa disparition ?

Le faire parler, avant qu’il n’explose. L’obliger à garder la tête hors de l’eau, l’empêcher de s’enfoncer irrémédiablement dans la solitude.

— Oui… J’ai cherché sa nouvelle adresse sur Paris puis sur la France entière. Mais je n’ai rien trouvé. Et j’ai cru qu’elle n’avait pas laissé de traces afin que je ne reprenne pas contact avec elle.

— C’était tout à fait plausible, Vincent. Des tas de gens disparaissent de leur plein gré chaque jour, tu sais…

— Ensuite, je me suis acharné à l’oublier. Mais je n’ai jamais réussi… Jamais. Parfois, je la détestais… Mais en fait, je m’accrochais toujours à l’espoir qu’elle allait revenir. J’imaginais qu’elle arrivait sur la piste, qu’elle passait cette porte et que… Que tout redevenait comme avant. Mais maintenant…

Elle est morte… Elle est morte…

Atroce vérité qui violait son esprit sans relâche.

— J’ai envie de les massacrer ! murmura-t-il. Envie de les voir crever !

Servane posa sa main sur le bras de Vincent. Sa peau était de marbre.

— Promets-moi de ne jamais faire ça, Vincent. Promets-moi…

— Je ne peux rien te promettre… Rien.

Ciel d’un bleu ténébreux, désormais. La montagne sombrait dans un crépuscule triste et austère.

— Il faut que je prévienne Madeleine, réalisa soudain Lapaz.

— Madeleine ?

— La mère de Laure.

— Vertoli a dit personne ! rappela fermement la jeune femme. Et puis… Ça peut attendre demain, tu ne crois pas ?

— Oui… Ça risque même de la tuer…

— Alors vaut mieux attendre le plus longtemps possible, en conclut Servane.

Soudain, son portable se mit à vibrer, elle décrocha immédiatement. Vincent comprit qu’elle parlait à son chef et qu’il y avait du nouveau. Elle raccrocha rapidement, il l’interrogea du regard.