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Tout à sa joie de le retrouver, Lucy serre son amant encore plus fort contre son cœur.

– Ensuite, je me suis réfugié en Suisse, à Genève, dans une clinique. Là, j’ai changé de nom, de visage, et je me suis fait faire un faux passeport.

Il lui caresse les cheveux d’un geste tendre et poursuit :

– Même mes sœurs n’étaient pas au courant. Quand tout s’est calmé, au bout d’un an, je suis rentré à Paris. J’ai immédiatement essayé de te téléphoner, mais ton numéro n’était plus attribué. J’ai appris que tu avais été incarcérée dans un centre pénitentiaire à Rennes et j’ai compris que je ne pourrais pas te joindre. J’ai été tenté de venir te rendre visite mais, la mafia ayant des sbires dans toutes les prisons, je me suis douté que, dès l’instant où je t’aurais recontactée, ils finiraient par découvrir qui j’étais et qui tu étais. Il faut me comprendre, Lucy ! J’avais si peur qu’ils te fassent du mal… Alors j’ai attendu, des mois, puis des années…

– Pourquoi n’es-tu pas venu me chercher à ma sortie ?

– Je suis venu, mais trop tard – tu étais déjà partie. Je me suis dit que le mieux était de ne plus risquer de te causer d’ennuis. Je t’avais fait déjà suffisamment de mal. Et je le regrettais tellement. Voilà la vérité, mon amour. Je t’aime, Lucy. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Tu ne peux pas savoir comme j’ai rêvé de cet instant. Mes sœurs vont être aux anges. Maintenant que tu es là, tout va pouvoir recommencer comme avant.

La médium entend des bruits dans l’escalier.

– Ah ! Justement, les voilà !

En reconnaissant l’ancienne compagne de leur frère, les quatre femmes poussent des cris de joie. Elles la serrent dans leurs bras et l’embrassent à tour de rôle.

– Tu nous as tant manqué, Lucy. Quel bonheur de te retrouver, petite sœur !

– Tu n’as pas changé, ma beauté !

– Tu es encore plus ravissante.

Samy intervient :

– Crois-moi, malgré cette parenthèse de neuf ans, je suis resté exactement le même. Nous allons pouvoir reprendre nos projets de mariage et d’enfants. Allez, mes sœurs, préparons un grand dîner pour fêter ça !

– Oh oui ! On va faire honneur à Lucy ! Mets-toi à l’aise, on s’occupe de tout, dit la plus jeune.

Ils disparaissent tous dans la cuisine, où ils s’activent pour préparer un bon repas.

Lucy perçoit alors la présence de Gabriel.

– Je sais ce que vous vous dites, mais vous vous trompez, chuchote-t-elle.

– Je ne pense rien. Je vous écoute et je vous observe, c’est tout.

– Vous ne pouvez pas comprendre ce que c’est que l’amour avec un grand A, Gabriel. C’est une force magique qui transcende tout. Maintenant je vous demande de me laisser profiter de ces instants que j’ai tant attendus, sans que vous veniez les perturber avec vos ondes pleines de…

– Pleines de quoi ?

– … de doutes.

Samy revient auprès de Lucy.

– Tu me parlais, ma chérie ?

– Non, je parlais toute seule. Je me disais que j’avais tant attendu cet instant que je voulais profiter de chaque seconde.

– Alors viens, nous n’avons plus une minute à perdre.

Ils dînent, ils chantent, ils boivent, ils rient. Puis les deux amoureux vont dans la chambre et se déshabillent avec des gestes maladroits et passionnés.

Lucy prend un instant pour allumer des bougies et mettre une musique douce. C’est un air du groupe australien Dead Can Dance qui a pour spécialité d’adapter les chants funéraires en morceaux de rock. La voix profonde de la chanteuse Lisa Gerrard s’élève sur l’air de « Sanvean ».

Lucy vient se blottir contre son partenaire. Après s’être longuement caressés puis embrassés, ils font l’amour.

– Comme ils sont beaux ! déclare Ignace, attendri, qui flotte au-dessus d’eux.

– Dire que tu m’as traité de voyeur la première fois que tu m’as rejoint…

– À mon époque, on ne faisait pas autant de préliminaires, et la plupart des femmes n’envisageaient même pas de demander à l’homme de se retenir jusqu’à ce qu’elles aient un orgasme.

– Les gens savaient malgré tout s’aimer.

– Oui, mais ils s’aimaient moins bien que maintenant. C’est peut-être aussi ce qui explique pourquoi c’était si compliqué avec Magda : je ne la faisais pas jouir et elle n’osait probablement pas me le dire. Mais moi non plus je n’étais pas satisfait. Nous faisions toujours l’amour face à face, dans le noir complet, et elle gardait sa chemise de nuit. Tout ce qui pouvait ressembler à un peu de fantaisie était pour elle des perversions.

– Cela ne vous a pas empêchés de donner naissance à mon père et à ma tante…

– Quand même, j’aurais bien aimé m’y prendre comme ces deux-là. Ça a l’air bien, l’amour avec un grand A.

Lucy pousse un hurlement de plaisir.

– Et voilà. On ne peut qu’admirer l’artiste !

Il mime un applaudissement.

– Papi, cela fait neuf ans que Lucy attend cela, elle lui est restée fidèle, c’est une libération pour elle.

Les deux amoureux poursuivent leur étreinte.

– Quand même, quelle énergie ! doit bien reconnaître Gabriel.

– Cela me rappelle une blague. Un professeur d’université lance un petit sondage ; s’adressant à l’amphithéâtre rempli d’étudiants, il demande : « Combien d’entre vous font l’amour tous les jours ? » Sur la centaine d’étudiants présents, seulement une vingtaine lèvent la main. Le professeur poursuit : « Combien font l’amour deux fois par semaine ? » Là, une trentaine lèvent la main. « Combien une fois par semaine ? » La moitié de l’amphithéâtre réagit. « Combien une fois tous les quinze jours ? » De nouveau, quelques bras se lèvent. « Tous les mois ? » « Tous les deux mois ? » « Tous les trois mois ? » Et pour finir : « Combien font l’amour une seule fois par an ? » Là, un type se désigne. « Vous faites vraiment l’amour une seule fois par an ? Pourtant vous avez l’air très joyeux, comment est-ce possible ? » Alors l’étudiant répond : « Parce que c’est précisément ce soir. »

Gabriel lâche un petit rire mais ne peut détourner les yeux des amoureux, qui sont entourés d’une sorte de halo doré.

– Tu as vu leur aura ? Ce serait donc ça, l’« Amour avec un grand A » ?

– En fait, l’amour est une forme de spiritualité à part entière, songe tout haut Ignace.

– Il faut respecter leur intimité, le coupe Gabriel.

– C’est toi qui me dis ça ?

– Oui, viens, montons sur le toit et attendons qu’ils aient fini.

Ils traversent le plafond, s’assoient sur les tuiles près de la cheminée.

– On parlait de quoi déjà ?

Lucy émet un nouveau hurlement et soudain son âme fait irruption à travers le toit.

Elle ne reste qu’une dizaine de secondes, puis redescend aussi vite qu’elle était apparue, comme si elle était reliée à son corps par un élastique.

– Je ne savais pas que l’orgasme pouvait provoquer des sorties fugaces de corps ! s’émerveille Gabriel.

Lorsque les bruits cessent enfin, Gabriel et Ignace retournent dans la maison. Samy ronfle tandis que Lucy se fait couler un bain moussant. Elle s’y immerge et ferme les yeux.