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Le traducteur chinois, complètement dépassé, n’ose pas essayer de transmettre des informations aussi ésotériques.

– Heureux de vous avoir instruits et merci pour vos pourboires, conclut le guide d’un ton désabusé.

Les Chinois s’empressent de poser pour leurs dernières photos, puis ils laissent de généreux pourboires au guide qui les remercie en baissant furtivement la tête.

Après ça, Michael va directement à la buvette transformer une partie de cet argent en pintes de Guinness. Conan Doyle et les deux Français le rejoignent.

– Gutuater, s’il te plaît, aide-nous.

– Qu’êtes-vous prêts à me donner en échange ?

Gabriel Wells répond :

– Vous comprenez qu’étant une âme errante, je ne peux rien vous donner de matériel, cher monsieur Gutuater.

– Cherchez et trouvez une monnaie d’échange.

– Moi, j’agis pour rendre service à des êtres qui ne m’offrent rien en retour, rappelle Conan Doyle.

– C’est quand même sidérant de constater que dès que les gens sont morts, ils acquièrent automatiquement toutes les qualités qu’ils n’avaient pas de leur vivant ! ironise le guide.

– Attendez, dit Gabriel, j’ai peut-être une proposition à vous faire : si vous nous aidez, si vous me permettez de retrouver mon assassin, je vous tiendrai informé de tout ce que je serai amené à découvrir.

L’homme recrache sa bière.

– Et vous pensez découvrir quoi ?

– Nous sommes des âmes errantes, nous pouvons aller là où vous ne pouvez aller en tant que vivant.

– Ça ne m’intéresse pas.

C’est Lucy qui prend le relais.

– Monsieur Gutuater, Conan Doyle nous a affirmé qu’il n’y a que vous qui puissiez nous aider, ici avec vos amis.

L’homme se renfrogne.

– C’est au tour de la flatterie ? Vous ne m’aurez pas avec des compliments. Personne n’est indispensable, personne n’est irremplaçable.

Les trois âmes errantes ne trouvent plus aucun argument à avancer. C’est Gutuater qui reprend :

– Vous seriez vraiment capable de m’informer de ce que vous allez découvrir… grâce à moi !?

– Je vous ferai le compte rendu le plus détaillé possible, je suis écrivain, répond Gabriel, reprenant espoir.

– Ah ? Comme M. Doyle. Écrivain… cela m’a toujours semblé un métier de fainéant. Dire qu’on paye certaines personnes à rester assises devant une machine à écrire et inventer des histoires, ça me sidère.

– J’ai écrit un livre sur le sujet qui vous intéresserait. Cela s’appelle Nous les morts.

– Ah, c’est de vous ? Figurez-vous que j’en ai lu une version en anglais. J’ignorais même que vous étiez français.

– Il n’a pas eu beaucoup de succès chez vous.

– Ce qui m’a déplu, c’est l’histoire d’amour entre le héros et le personnage féminin. Pas assez de sexe. On a l’impression que vous n’osez pas écrire de scènes érotiques. Pourtant, il y avait des critiques dithyrambiques de votre livre dans les journaux anglais.

Lucy perd patience.

– Vous croyez vraiment que c’est le moment de parler littérature ? Si nous sommes là, c’est parce qu’on a un problème urgent à régler. Et je vous rappelle que moi j’ai un corps « vide » qui m’attend, surveillé uniquement par mes chats. Lorsqu’ils auront faim et qu’ils verront qu’il n’y a pas d’âme dans ce corps pour aller leur chercher des croquettes, ils risquent de m’abandonner à la première âme parasite venue. Ou même de me manger !

– Elle est en colère la petite dame…

– Alors, pouvons-nous compter sur vous, monsieur Gutuater ? insiste Conan Doyle.

Le guide de Stonehenge demande une autre bière avec très peu de mousse.

– Vous savez, mon nom vient d’un druide gaulois qui vivait à l’époque de César. « Gutu » en celte signifie « parole » et a donné « guth » en irlandais, « gott » en allemand et « god » en anglais : Dieu. Gutuater, l’homme le plus proche de Dieu, le druide le plus respecté des Carnutes ; c’est lui qui a initié la révolte contre les Romains. César l’a fait condamner au supplice des verges ; il a été battu à mort puis achevé à la hache. Avec son nom, j’ai hérité de son énergie, de ses talents de meneur et aussi de sa colère. Je peux vous aider. Mais il faudrait pour cela que je réunisse les autres druides du coin.

– C’est compliqué ?

– Quand on s’en donne les moyens, rien n’est compliqué. Je vais célébrer pour vous une Samonios ; c’est une cérémonie qui favorise les contacts avec l’autre monde. Normalement, elle se déroule le 1er novembre, mais je vais faire une exception.

– Cela consiste en quoi exactement, votre Samonios ? demande Lucy, soudain curieuse de ce rituel.

– À manger des sangliers, boire de la cervoise et de l’hydromel. Le problème, c’est que tout cela coûte cher. Vous avez de quoi payer ?

– Nous sommes dans l’immatériel, nous ne pouvons pas vous donner la moindre pièce.

Le druide Gutuater fait la moue.

– Pas d’argent, pas de Samonios. Les autres druides n’accepteront jamais que le rituel ne soit pas respecté.

– Vous saouler à la cervoise et vous régaler de sangliers ? Mais je croyais que l’alcool était préjudiciable à l’étanchéité et à la maîtrise de l’esprit ! se révolte Lucy.

– Pas chez nous. Nous utilisons ces deux substances pour ouvrir les portes de notre esprit.

Il boit sa bière et ferme les yeux comme pour prouver qu’il maîtrise les effets de cette substance sur son esprit.

Conan Doyle sort sa pipe virtuelle et la tète plusieurs fois pour réfléchir.

– Lucy, votre crise de migraine doit être terminée, non ?

– Je l’espère. Ce n’est jamais agréable d’entrer dans une maison en feu.

– Dans ce cas, vous allez réintégrer votre corps et vous ferez un virement à ce monsieur dont je dois avouer que la vénalité me déçoit, propose Conan Doyle.

– Pour être druide, je n’en suis pas moins homme. Dès que j’aurai reçu l’argent, croyez bien que le Samonios démarrera. Et alors vous pourrez trouver votre assassin, monsieur Wells.

Lucy s’envole sans plus tarder vers la France pour débloquer la situation. Gutuater, satisfait, essuie la mousse sur sa barbe et se retrousse les manches.

79. ENCYCLOPÉDIE : DRUIDISME

Le druidisme trouve son origine chez les Partholoniens, peuple qui doit son nom à leur chef, Partholon.

Les Partholoniens vivaient en Irlande il y a 5 000 ans, mais un cataclysme les fit disparaître en une semaine. Il n’y eut qu’un seul survivant, le neveu de Partholon, nommé Tuan, dont le nom signifie en irlandais « Le Silencieux ». Alors âgé de 100 ans, il échappa à la mort en se transformant en cerf. Il vécut incarné dans cet animal pendant 300 ans, puis devint un sanglier pendant 200 ans, un aigle pendant 300 ans, et enfin un saumon pendant 100 ans. C’est sous cette dernière forme qu’il fut pêché par un homme et offert à la reine Cairill, femme du roi celte Muinderg.

La reine dévora le saumon et donna naissance à un humain imprégné de son esprit, qu’elle nomma Tuan Mac Cairill. Celui-ci possédait en mémoire toute la sagesse et le savoir du peuple partholonien, qu’il transmit sous forme d’enseignement druidique, le mot « druide » signifiant « initié ». Il fut donc le premier druide de l’Histoire. Les autres druides eurent pour seule fonction de transmettre son savoir. Ils avaient pour particularité de ne pas se fier au savoir écrit mais de lui préférer le savoir oral. La connaissance se transmettait donc de bouche à oreille, de maître à disciple, et n’était consignée nulle part.