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Hurler chaque blessé plus que les combattants.

LA COMTESSE, se levant impétueusement.

J’y dois aller, cousine, et veiller sur sa tête,

On peut sauver quelqu’un par un bras qu’on arrête.

Scene VIII

LES MÊMES ; UN SOLDAT.

LE SOLDAT

Madame, un prisonnier anglais prétend avoir

Un secret à vous dire.

LA COMTESSE

A moi ? Je veux le voir.

Qu’il vienne.

Le prisonnier entre, gardé par deux soldats.

Que sais-tu ?

LE PRISONNIER

Je n’oserais le dire

Qu’à vous.

Les soldats s’éloignent sur un geste de la comtesse.

Je ne sais rien, mais vous le pourrez lire.

Il lui donne une lettre.

LA COMTESSE

De qui ?

LE PRISONNIER, bas.

Gautier Romas.

LA COMTESSE, vivement. Elle prend la lettre.

Bien, va.

Aux soldats.

Qu’il soit traité

Avec grande douceur, car il l’a mérité.

Les soldats et le prisonnier sortent.

Scene IX

LA COMTESSE ; SUZANNE D’ÉGLOU.

LA COMTESSE, baisant la lettre passionnément.

Sa lèvre s’est posée où ma bouche se pose.

Oh ! tu ne comprends pas cela, toi, qu’une chose

Qu’il a vue et touchée est douce à regarder,

Et qu’aux plis du papier sa lettre doit garder

Chaque baiser d’amour dont il l’a caressée,

Ainsi que l’écriture a gardé sa pensée.

Elle ouvre et lit le billet.

« Ma douce bien aimée, après l’assaut du jour,

Si je n’ai pu franchir les fossés ni la tour,

Au milieu de la nuit, ouvre la porte basse.

J’y serai seul, viens seule, il faut que je t’embrasse

Sur les mains et les yeux et les lèvres d’abord.

J’irai chercher mes gens après, ô cher Trésor,

Car, avant ce château, c’est toi que je viens prendre.

Mon amour n’attend pas et mon Roi peut attendre. »

Embrassant encore le billet.

Ce soir, ce soir ! avant l’aurore de demain

J’aurai donc ce bonheur d’avoir tenu sa main,

Ce frisson convulsif de la chair et de l’âme

Qui jaillit du baiser d’un homme et d’une femme.

Elle regarde à la fenêtre.

Oh ! j’ai beau regarder, je vois le ciel tout blond,

Et sa splendeur grandit. Comme ce jour est long !

Comme il est bon d’aimer, mais qu’il est dur d’attendre !

Dieu clément, laisse donc les ténèbres descendre !

Mais en moi tant d’espoir monte et de soleil luit

Que je ne verrai pas quand tombera la nuit.

Un cri éclatant est poussé par les soldats. On entend un tumulte effroyable, des gens qui courent en se bousculant ; des trompettes sonnent.

SUZANNE D’ÉGLOU

Les murs ont tressailli d’une horrible secousse.

LA COMTESSE, les deux mains sur son cœur.

Il est vainqueur.

VOIX AU DEHORS

Montfort ! Penthièvre à la rescousse

SUZANNE D’ÉGLOU, tombant à genoux.

Mon Dieu, protégez-nous.

Un soldat entre, effaré.

LA COMTESSE

Qu’est-ce donc ?

LE SOLDAT

Un renfort.

LA COMTESSE

Pour qui ? Pour les Anglais ?

LE SOLDAT

On entre dans le fort.

On entend des voix qui s’approchent ; le soldat sort en courant.

LA COMTESSE

Il est vainqueur, vainqueur ! Embrasse-moi, cousine.

SUZANNE D’ÉGLOU, abattue.

Les Anglais ! Je me sens un poids sur la poitrine.

LA COMTESSE

Écoute donc. Voici que le combat finit.

DES VOIX AU DEHORS

Victoire !

LA COMTESSE

On dit : « Victoire ! » Oh ! le ciel soit béni.

Entends-tu ce grand bruit ainsi qu’un flot qui monte ?

Il est vainqueur. Il vient. Oh !j’étouffe.

Scene X

LA COMTESSE ; LE COMTE DE RHUNE ; JEANNE DE BLOIS.

La porte de droite s’ouvre, toute grande, livrant passage au comte de Rhune donnant la main à Jeanne de Penthièvre entourée de gentilshommes.

LA COMTESSE, reculant avec un cri terrible.

Le comte,

Mon mari !...

Puis, se jetant dans ses bras.

Vous, Seigneur, vous que je croyais mort !

LE COMTE DE RHUNE, la baisant au front.

Chère femme, merci. Mais regardez d’abord

Madame, et saluez celle qui m’accompagne,

La comtesse de Blois, duchesse de Bretagne.

JEANNE DE BLOIS

Qui vous demande asile, en ayant grand besoin,

Car nous venons ainsi de Nantes, et c’est fort loin.

LA COMTESSE, s’inclinant très bas.

Madame la duchesse.

JEANNE DE BLOIS

Allons, chère comtesse,

Donnez-moi votre main sans tant de politesse,

Avec un peu de bonne amitié ; voulez-vous ?

LA COMTESSE

Un sujet doit rester, madame, à vos genoux.

JEANNE DE BLOIS

Non pas, près de mon cœur.

Elle l’embrasse et s’appuie sur son épaule pendant une partie de la scène. Se tournant vers le comte en souriant.

Ainsi, comte de Rhune,

Vous garderez ce soir Penthièvre et sa fortune.

Mais je suis plus tranquille, étant sous votre toit,

Que si j’étais encore au Louvre, auprès du Roi.

Et puis, cela me donne une amie inconnue

Que cette guerre avait loin de moi retenue.

De la maison de Rhune à la maison de Blois,

On se tient comme un fer de lance tient au bois.

LE COMTE

Non, madame, mais comme au bras tient une épée.

Le bras, c’est vous.

La duchesse s’incline en souriant, puis :

JEANNE DE BLOIS, à la comtesse.

J’étais toute préoccupée.