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M. DE SALLUS

Soyez discret... Mais ça ne vous empêche pas de dîner avec nous.

JACQUES DE RANDOL

Merci, je ne peux pas.

M. DE SALLUS

Vous partirez quand vous voudrez.

JACQUES DE RANDOL

Et mon habit ?

M. DE SALLUS

Je l’envoie chercher.

JACQUES DE RANDOL

Non... vrai... merci.

M. DE SALLUS, à sa femme

Ma chère, gardez donc Randol.

MADAME DE SALLUS

Mon cher, je vous avoue que je n’y tiens pas beaucoup.

M. DE SALLUS

Vous êtes charmante pour tout le monde, ce soir. Et pourquoi ?

MADAME DE SALLUS

Mon Dieu ! Je ne tiens pas à garder mes amis pour vous faire plaisir à vous et pour vous retenir chez vous. Amenez les vôtres.

M. DE SALLUS

Je resterai de toute façon, et vous m’aurez alors en tête à tête.

MADAME DE SALLUS

Allons donc ?

M. DE SALLUS

Mais oui.

MADAME DE SALLUS

Toute la soirée ?

M. DE SALLUS

Toute la soirée.

MADAME DE SALLUS, ironique

Mon Dieu, quelle peur vous me faites ! Et en quel honneur ?

M. DE SALLUS

Pour avoir le plaisir d’être prés de vous.

MADAME DE SALLUS

Tiens, mais vous êtes en d’excellentes dispositions.

M. DE SALLUS

Alors priez Randol de rester.

MADAME DE SALLUS

M. de Randol fera ce qu’il lui plaira. Il sait bien qu’il m’est toujours agréable de le voir. (Elle se lève et après avoir réfléchi.) Vous dînez avec nous, Monsieur de Randol. Vous pourrez partir ensuite.

JACQUES DE RANDOL

Avec plaisir, Madame.

MADAME DE SALLUS

Je vous demande une minute. Il est huit heures. On va servir.

Elle sort.

Scene III

M. DE SALLUS ; JACQUES DE RANDOL.

M. DE SALLUS

Mon cher, vous me rendriez un vrai service en passant la soirée ici.

JACQUES DE RANDOL

Je vous assure que je ne peux pas.

M. DE SALLUS

C’est tout à fait, tout à fait impossible ?

JACQUES DE RANDOL

Tout à fait.

M. DE SALLUS

Cela me désole.

JACQUES DE RANDOL

Et pourquoi ?

M. DE SALLUS

Oh ! pour des raisons intimes. Parce que... j’ai besoin de faire la paix avec ma femme.

JACQUES DE RANDOL

La paix ? Vous êtes donc mal ensemble ?

M. DE SALLUS

Pas très bien, comme vous avez pu le voir.

JACQUES DE RANDOL

Par votre faute ou par la sienne ?

M. DE SALLUS

Par la mienne.

JACQUES DE RANDOL

Diable !

M. DE SALLUS

Oui, j’avais des ennuis au-dehors, des ennuis sérieux, et cela m’avait mis de mauvaise humeur, de sorte que j’ai été taquin, agressif envers elle.

JACQUES DE RANDOL

Mais je ne vois pas trop en quoi un tiers peut contribuer à une paix de cette nature.

M. DE SALLUS

Vous me donnez le moyen de lui faire comprendre délicatement, en évitant toute explication, heurt ou froissement, que mes intentions sont changées.

JACQUES DE RANDOL

Alors, vous avez des intentions de... de rapprochement ?

M. DE SALLUS

Non... non... au contraire.

JACQUES DE RANDOL

Pardon... Je ne comprends plus.

M. DE SALLUS

Je désire rétablir et maintenir un statu quo de neutralité pacifique. Une sorte de paix de Platon. (Riant.) Mais j’entre en des détails qui ne vous intéressent pas.

JACQUES DE RANDOL

Pardon encore. Du moment que je joue un rôle en cette affaire, je désire savoir au juste quel est ce rôle.

M. DE SALLUS

Oh ! Un rôle de conciliateur.

JACQUES DE RANDOL

Alors vous voulez la paix avec des traités et des libertés pour vous ?

M. DE SALLUS

Vous y êtes.

JACQUES DE RANDOL

Ce qui revient à dire qu’après les ennuis dont vous me parliez tout à l’heure, et qui sont finis, vous désirez être tranquille chez vous pour jouir du bonheur que vous avez conquis au-dehors.

M. DE SALLUS

Enfin, mon cher, la situation est tendue entre ma femme et moi, très tendue, et j’aime mieux ne pas me trouver seul avec elle tout d’abord, parce que ma position serait fausse.

JACQUES DE RANDOL

Mon cher, en ce cas, je reste.

M. DE SALLUS

Toute la soirée ?

JACQUES DE RANDOL

Toute la soirée.

M. DE SALLUS

Merci, vous êtes un ami. Je reconnaîtrai cela à l’occasion.

JACQUES DE RANDOL

Oh ! mon cher !

Un silence.

Vous étiez à l’Opéra, hier ?

M. DE SALLUS

Bien entendu.

JACQUES DE RANDOL

Ça a très bien marché ?

M. DE SALLUS

Admirablement.

JACQUES DE RANDOL

La Santelli a eu un gros succès personnel ?

M. DE SALLUS

Pas un succès, un triomphe. On l’a rappelée six fois.

JACQUES DE RANDOL

Elle est vraiment très bonne.

M. DE SALLUS

Admirable ! jamais on n’avait mieux chanté. Au premier acte, elle a son grand récitatif : « Ô prince des croyants, écoute ma prière ! » qui a fait se lever tout l’orchestre. Et au troisième, après sa phrase : « Clair paradis de la beauté », je n’avais jamais vu un enthousiasme pareil.

JACQUES DE RANDOL

Elle était contente ?

M. DE SALLUS

Ravie, folle.

JACQUES DE RANDOL

Vous la connaissez beaucoup ?

M. DE SALLUS

Mais oui, depuis longtemps. J’ai même soupé chez elle avec des amis, cette nuit, après la représentation.