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À la mode dans le monde hellénis-

tique, les « musées de grands hommes »

réapparurent à la Renaissance. Mais les statues y tenaient moins de place que les portraits peints — vingt-cinq au studiolo d’Urbino*, plusieurs centaines dans le palais de l’humaniste Paolo Giovo (Paul Jove, 1483-1552) à Côme.

L’existence de cette dernière collection détermina Vasari* à écrire l’histoire de l’art de façon biographique, ce qui le conduisit à devenir lui-même collectionneur de dessins pour illustrer ses écrits.

En 1538, le terme de curieux était ainsi défini : « Curieux d’avoir ou de sçavoir choses antiques. » Un incroyable engouement pour les antiquités sévissait chez les collectionneurs

et s’accompagnait de la prolifération des faussaires. Mais les curiosités naturelles tenaient également une grande place chez ceux mêmes qui possédaient les oeuvres d’art les plus raffinées — le duc de Berry, les Médicis, François Ier ou les Habsbourg. Parfois scientifiquement répertoriées — un corpus de milliers d’animaux, de plantes et de minéraux fut établi grâce aux Médicis —, ces raretés traduisaient souvent une prédilection pour l’exotique et le bizarre, aspects de la réalité qui fasci-naient l’époque maniériste.

Les collections royales ; la

politique culturelle au XVIIe s.

L’organisation des grandes monar-

chies, le développement du commerce d’art qui l’accompagnait expliquent le formidable développement des collections royales au XVIIe s., illustrations indispensables de la gloire monarchique.

L’Italie approvisionnait ce marché. Les ambassadeurs des grands États jouaient le rôle de courtiers, et d’énormes quantités d’oeuvres d’art traversaient les frontières. Ainsi, Charles Ier d’Angleterre acquit d’un coup toute la collection des Gonzague ruinés. Après son exécution, elle fut achetée par le roi d’Espagne, la reine de Suède, le gouverneur des Pays-Bas, le cardinal Mazarin et le financier Everhard Jabach ; la part de ce dernier fut acquise, avec toute sa collection, par Colbert pour Louis XIV (Concert champêtre de

Giorgione, Louvre).

Dans l’ensemble de la politique artistique de Louis XIV, nous intéressent particulièrement l’achat des quatre mille dessins de la collection Jabach et celui de l’énorme fonds de gravures réuni par l’abbé Michel de Marolles ; le cabinet des Dessins du Louvre, le cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale y ont leur origine. D’autre part, Le Brun, conservateur des peintures du roi, ne cessa d’en faire acheter pendant tout le règne.

Philippe IV d’Espagne, amateur très éclairé, faisait acheter à Rome ; commanditaire de Vélasquez, Rubens et Claude Lorrain, il enrichit également l’Espagne des meilleurs Italiens de la Renaissance. L’autre part de l’empire

reçut en patrimoine la collection de l’archiduc Léopold-Guillaume, qui laissa à son frère Ferdinand III plus de 500 tableaux italiens ; mais, constituée à Bruxelles, sa collection comprenait aussi Van Eyck, Van der Goes, Brue-gel. À Munich, les Wittelsbach réunirent un bel ensemble de tableaux allemands du XVIe s., à l’origine de l’actuelle Pinacothèque. L’aspect des collections privées de tableaux et d’objets d’art du début du XVIIe s. nous est transmis par ces « cabinets d’amateurs » qu’ont représentés les peintres anversois de la famille des Francken.

L’évolution au Siècle des

lumières ; la Révolution française La bourgeoisie de finance et d’industrie qui se développe au XVIIIe s. est prise d’une frénésie de collectionner.

L’Angleterre est le paradis du commerce d’art ; les galeries Christie’s et Sotheby datent de la seconde moitié du siècle. Mais la fièvre des affairistes n’empêche pas l’apparition d’une attitude scientifique. En 1727, C. F. Neic-kel, marchand de Hambourg, fait

paraître sa Museographia, traitant de ce que nous nommerions plutôt la mu-séologie : on y trouve des conseils de conservation, de classement. En 1778, au Belvédère de Vienne, en 1789, aux Offices de Florence, on inaugure des systèmes de classement méthodiques.

Les techniques de conservation font des progrès notoires (transposition des peintures de toile ou bois sur toile, réfection des vernis). À Naples, Florence, Venise, Bologne, Paris, Dresde s’ouvrent des ateliers de restauration

— aujourd’hui véritables laboratoires qui permettent, au préalable, de retrouver les avatars matériels (mutilations, transformations) qui sont le passé de l’oeuvre.

Les conceptions des encyclopé-

distes, qui voient déjà dans l’art un produit de la société et se font les apôtres de sa diffusion, expliquent que le gouvernement révolutionnaire ait voulu présenter, autant que faire se pouvait, un panorama complet de l’histoire de l’art. Ces tendances existaient déjà dans la doctrine du comte d’Angiviller (1730-1809), directeur des Bâtiments sous le règne de Louis XVI et auteur

du premier projet de « Muséum central ». Dans l’esprit de cet administrateur, responsable au reste de judicieux achats, le musée devait être l’une des pièces essentielles d’un système de dictature des arts. La Convention, créatrice au Louvre* du « Muséum central des arts », premier musée national en Europe (1793), suivit elle aussi un parti autoritaire et didactique, voyant dans l’oeuvre d’art un document plus qu’un objet de plaisir esthétique. Dans l’intention de créer des musées en province furent constitués dès 1792 des dépôts d’oeuvres confisquées aux communautés religieuses et aux aristocrates. Mais la situation politique ne permit pas de mener le projet à bien avant 1798. La conception de ces musées était celle de Louvres en réduction et ne manifestait aucun intérêt pour les écoles régionales. Les provinciaux avaient droit, au nom de l’égalité, à la culture artistique universelle, étant entendu que « Paris devait se réserver les chefs-d’oeuvre en tous les genres ». Plus de 800 tableaux

— la sculpture n’était pas encore repré-

sentée au Louvre, mais au musée des Monuments français (1795) — furent expédiés en province de 1802 à 1811.

Le temps des musées

Au cours du XIXe s., l’expansion des musées, considérable en Europe, atteint notamment les États-Unis et le Japon. Ornements de la réussite économique, créations politiques, les mu-sées évoluent différemment suivant les principes qui ont guidé leur création.

Dans leur immense majorité, les

musées français sont le résultat de décisions politiques qui ont déterminé leur implantation, leur vocation et jusqu’aux détails de leur administration, sans que les usagers aient eu à intervenir. Ils s’opposent donc aux cabinets d’amateurs, et aussi à la plupart des musées d’Amérique du Nord, créés par des associations privées. L’inalié-

nabilité des collections publiques fran-

çaises est sans doute un progrès par rapport à la situation des collections royales.

Les musées parisiens prirent rapidement une importance démesurée,

au détriment des autres, reflétant

fidèlement la structure centralisée de la nation. L’extension du Louvre, la création des musées de Versailles* et de Saint-Germain-en-Laye* retinrent la sollicitude des monarques comme des gouvernements républicains ;

mais l’État cessa vite de s’intéresser aux musées de province, et dès 1811

les envois réguliers tarirent. Le mécé-

nat local y suppléa parfois. Au milieu du XIXe s., la décadence de l’artisanat provoqua par contrecoup un vif intérêt pour les arts mineurs, et par conséquent pour les styles régionaux. La création à Londres, en 1852, du Victoria and Albert Museum montre que cette inquié-