tude était plus marquée dans un pays d’industrialisation plus ancienne.
À la fin du siècle, en France, les musées devinrent pour les parlementaires des arguments de prestige électoral, pour les notables locaux des garanties d’immortalité. Beaucoup de ces musées furent confiés à la garde de bénévoles sans formation ; l’incurie ou le manque d’argent des municipalités contribua à dégrader l’image de l’institution elle-même. Une vaste réorga-downloadModeText.vue.download 39 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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nisation a été entreprise en 1945, qui n’est pas encore achevée.
C’est en 1773 que l’idée de créer un musée fit son apparition dans le Nouveau Monde, la Library Society de Charleston (Caroline du Sud) ayant décidé d’exposer ses collections scientifiques. À Boston, une société d’amateurs de sculpture, l’Athenaeum, ouvrit le premier musée d’art, ancêtre de ce chef-d’oeuvre de fonctionnalisme qu’est devenu le Boston Museum of Fine Arts (1870). Les associations d’amateurs, les écoles d’art (les acadé-
mies de Pennsylvanie et de New York par exemple) ont pris l’initiative de la création des musées aux États-Unis.
Les musées universitaires, institutions inconnues en France, sont souvent très anciens : celui de Yale date de 1832. Après la guerre de Sécession, les créations se multiplièrent. En 1870
fut fondé le Metropolitan Museum of
Art de New York* ; le financement en incombait à la ville, ce qui est aujourd’hui le cas pour de nombreux autres musées américains. La National Gallery of Art de Washington est le seul grand musée d’État ; encore sa création fut-elle due à l’action en 1937
d’un diplomate, Andrew Mellon, et ne date-t-elle que de 1941.
L’Exposition universelle de 1867 à Paris donna l’idée à un diplomate japonais de fonder un musée à Tōkyō.
Ayant rapporté au Japon 200 objets européens — instruments scientifiques et constructions mécaniques —, il les fit exposer conjointement avec un choix d’objets de tradition japonaise, ce qui, dans un pays qui s’ouvrait à peine aux influences occidentales, ne fut pas sans troubler les esprits. Le musée s’éleva en 1875 ; l’architecte, anglais, construisit un bâtiment de brique et de pierre, d’un exotisme vague. Les conservateurs furent chargés de la ré-
daction de la première histoire de l’art japonais, qui parut en 1902. Après le séisme de 1923, l’édifice fut reconstruit en 1938 dans un style autochtone.
Musée impérial depuis sa création, il devint national. Il abrite des collections de peintures et sculptures traditionnelles, ainsi que des tissus et costumes.
La fondation du musée de Tōkyō avait entraîné celle des musées de Nara en 1895, de Kyōto en 1897.
Un peu partout dans le monde sur-
gissent de nouvelles créations, selon des processus variés, qu’il s’agisse de l’initiative d’un petit groupe d’amateurs — comme ce fut le cas en 1946
à São Paulo, ville choisie pour la fondation d’un musée d’Art moderne en raison de son activité économique —
ou d’une action concertée d’origine politique, comme à Jérusalem pour le Musée national (1965). Les vocations des musées sont aussi très diverses : artistique, scientifique, technologique ; plus orientée vers la recherche ou l’animation, vers la beauté du décor ou l’étude des oeuvres (concrétisée, là où énergies et crédits ne manquent pas trop, par la publication de catalogues). Les choix faits, ici ou là, ne cessent d’alimenter des controverses publiques.
Pour ou contre le musée
« Cimetière de l’art », « bazar neutre »,
« asile posthume », ces expressions naissaient il y a plus d’un siècle sous la plume du critique* d’art Théophile Thoré (dit W. Bürger, 1807-1869). Le musée a donc été accusé, presque dès sa naissance, d’être une sorte de grenier de luxe où les objets perdaient identité et signification. Ce reproche, renforcé aujourd’hui par l’autorité des recherches ethnologiques, a été vivement ressenti par certains conservateurs de musées ou organisateurs d’expositions, qui se sont efforcés de recréer autour des oeuvres présentées l’environnement dans lequel elles avaient vu le jour.
On a objecté que la connaissance du contexte historique, si poussée qu’elle fût, ne pouvait être parfaite, que par conséquent la présentation de l’objet dans un décor de notre temps, ou une absence « clinique » de décor, était tout aussi légitime. Ce parti a été choisi dans plusieurs musées d’Italie — pays accablé sous le poids de l’histoire de l’art —, notamment au musée étrusque de la villa Giulia à Rome, au grand scandale de nombreux spécialistes.
Thoré affirmait encore : « On n’a jamais vu de musées aux époques où l’art se porte bien, où il a une virtualité créatrice. » Or, celui qui écrivait ces lignes était un amateur d’art moderne, qui encouragea les peintres de l’école de Barbizon, puis Courbet et les réalistes. La peinture se portait donc bien en son temps, et les musées aussi, mais Courbet n’y entrait pas. Jusqu’à une époque très récente, il faut bien constater que le musée n’admettait l’art
« moderne » que lorsque celui-ci avait cessé de l’être. Il est fréquent que de bons spécialistes de l’art ancien soient dénués de curiosité pour la création artistique contemporaine, quand ils ne lui sont pas hostiles. L’étendue considérable des connaissances à acquérir, la nécessité d’une spécialisation et les servitudes d’une gestion devenue très complexe sont des explications plausibles.
Quant au public, la distance qui le sépare de la création artistique contemporaine ne fait que s’accentuer depuis
l’ouverture des musées. Ceux-ci en sont-ils responsables ? Les collections princières de l’Ancien Régime étaient proposées à la délectation d’un petit nombre de connaisseurs qui suivaient l’évolution de la création artistique.
Les musées, institutions démocratiques au moins en intention, s’adressent à un public infiniment plus nombreux, dépassant très largement le cercle des connaisseurs et généralement privé de contacts avec les milieux créateurs.
Pour aborder l’oeuvre d’art, ce public ne dispose guère que de la formation reçue dans l’enseignement
primaire ou secondaire : des données chronologiques, à peu près rien sur le
« fonctionnement » de l’oeuvre d’art (structure, niveaux de signification, poétique...). La nécessité apparut de créer des musées consacrés à l’art moderne, au fonds renouvelable, les modernes d’hier allant progressivement rejoindre les collections d’art ancien.
Le Museum of Modern Art de New
York fut achevé en 1939, et le musée d’Art moderne de Paris en 1947. Bien qu’ils connaissent une grande affluence, le problème de l’accès du grand public à l’art contemporain n’est pas résolu pour autant. Le musée est-il sélectif par nature ? Par l’intermédiaire des Maisons de la culture — faisant parfois figure d’anti-musées —, on a cherché à établir un contact plus direct.
En effet, de remarquables enquêtes ont mis en lumière un fait important : les visiteurs des musées, bien moins nombreux qu’on ne pourrait le croire, re-présentent les milieux les plus scolarisés (v. art). L’inégalité devant le musée est une des formes de l’inégalité devant la culture. Cependant, nous l’avons laissé entendre, on peut se demander si, dans l’état actuel de la pédagogie officielle, l’école possède les clefs du musée d’art moderne — et même du
musée tout court.
Ces enquêtes, donnant pour condamnable l’inégalité devant le musée, en font le médiateur indispensable entre l’art, l’artiste et le public. Ce rôle missionnaire a été célébré à l’envi depuis un quart de siècle, jusqu’à faire de l’art une nouvelle religion dont les musées seraient les temples : « Les Annonciations ne trouvent pas moins de recueillement à la National Gallery que