lésions conjonctivo-palpébrales du trachome) sont codifiées ; on traite la cataracte par l’opération dite « d’abaissement de la cataracte », dans laquelle on luxe le cristallin dans le vitré, alors que les opérateurs croient abattre une masse opaque solidifiée aux dépens de l’humeur aqueuse. Cette intervention sera la seule pratiquée contre la cataracte jusqu’au XVIIIe s.
L’ophtalmologie romaine est une
émanation directe de la médecine
grecque, et notamment de l’école
d’Alexandrie. Les oculistes romains les plus célèbres sont Celse et surtout Galien*, qui rédige une Anatomie de l’oeil et un traité sur le Diagnostic des maladies des yeux qui feront autorité jusqu’à la Renaissance. Après la chute de l’Empire romain, la médecine du monde chrétien connaît une longue période de stagnation, contrastant avec l’essor de la médecine arabe.
Chez les Arabes, les étudiants
suivent des cours de clinique ophtalmologique dans les hôpitaux ; ils passent des examens portant surtout sur les Dix Traités sur l’oeil du grand oculiste arabe Ḥunayn ibn Isḥāq (808-873). Les progrès de la spécialité se
font essentiellement dans le domaine de l’optique (al-Ḥazin).
L’ophtalmologie, au Moyen Âge,
ne progresse guère : elle est surtout pratiquée par des « ambulants » aux connaissances rudimentaires. Au
XIIIe s., Saint Louis fonde l’hospice des Quinze-Vingts. À la suite des travaux de Roger Bacon (1214-1294), les premiers verres convexes correcteurs de presbytie apparaissent ; les verres concaves ne sont utilisés pour la myo-pie qu’au XVe s. Les plus célèbres oculistes médiévaux sont Guy de Chauliac, Bienvenu de Jérusalem et Pierre d’Espagne (futur pape Jean XXI). La spé-
cialité est à l’époque essentiellement chirurgicale.
À la Renaissance, Fallope et Vésale donnent des descriptions plus correctes du globe oculaire. Léonard de Vinci, comparant l’oeil à une chambre noire, démontre le véritable rôle du cristallin et de la rétine. Felix Platter découvre l’hypertonie oculaire du glaucome.
Georg Bartisch décrit la technique de l’énucléation.
Au XVIIe s., les progrès s’accélèrent, J. Kepler, R. Descartes et Christoph Scheiner découvrent les caractéristiques de la réfraction oculaire, notamment l’accommodation et l’inversion de l’image rétinienne. Kepler classe les amétropies sphériques. E. Mariotte découvre en 1666 la tache aveugle. An-tonie Van Leeuwenhoek (1632-1723) étudie la structure microscopique de la rétine et découvre l’existence des bâtonnets.
Au XVIIIe s., on découvre que le
siège de la cataracte est dans le cristallin, et la première extraction totale de cataracte est faite par Jacques Daviel (1696-1762) en 1745. D’autres progrès chirurgicaux sont réalisés : premier cathétérisme des voies lacrymales en 1714 par Dominique Anel ; première intervention pour strabisme par John C. Taylor en 1737 ; première iridoto-mie (« pupille artificielle ») par Thomas Woolhouse en 1711. Par ailleurs, Hermann Boerhaave décrit les sco-tomes positifs et négatifs, et l’anatomie oculaire est bien mieux connue grâce aux travaux de Johann Gottfried Zinn,
de Jacques Tenon, de Jean Descemet et de François Pourtour du Petit.
C’est, en fait, durant le XIXe s. que l’ophtalmologie connaît ses plus profonds changements, cela allant de pair avec le développement général de toutes les sciences et de la médecine. William Bowman (1816-1892), F. Schlemm, Jules Cloquet, Johannes Peter Müller et Santiago Ramón Y
Cajal étudient l’histologie oculaire : on connaît ainsi la structure fine de la cornée, de la rétine et des voies d’écoulement de l’humeur aqueuse.
Thomas Young (1773-1829) découvre l’astigmatisme et l’accommodation cristallinienne ; il émet par ailleurs sa théorie de la vision des couleurs, reprise par Helmholtz. L’étude du champ visuel par campimétrie est réalisée par J. Bjerrum et Foerster. Des tests simples de mesure de l’acuité visuelle sont conçus par Franciscus Cornelis Donders (1818-1889), Herman Snellen (1834-1908) et John Morton. Johannes Peter Müller (1801-1858) établit le rôle des cônes et des bâtonnets dans la vision. La physiologie visuelle progresse également grâce aux travaux de Jan E. Purkinje (ou Purkyně, 1787-1869). Ferdinand Cuignet découvre la skiascopie et F. Monoyer fonde la notion de dioptrie. L’oeuvre de Hermann von Helmholtz* (1821-1894) a une profonde influence sur l’ophtalmologie : la découverte de l’ophtalmoscopie en 1851 permet d’étudier toutes les lésions oculaires situées en arrière de l’iris et du cristallin. L’examen du fond de l’oeil, reliant l’examen oculaire à la pathologie de tout l’organisme, fait ainsi passer l’ophtalmologie de l’état de sous-spécialité chirurgicale à celui de discipline médicale à part entière.
Par ailleurs, la microbiologie oculaire débute : le bacille de la conjonctivite catarrhale aiguë est isolé par J. E. Weeks et R. Koch ; Victor Morax (1866-1935) découvre le diploba-cille de la conjonctivite angulaire. En 1884, K. Crédé établit la prophylaxie de l’ophtalmie purulente du nouveau-né, grande cause de cécité jusqu’alors.
La connaissance de la pathologie progresse : John Hughlings Jackson fonde la neuro-ophtalmologie ; Ernst Fuchs publie d’importants travaux sur les uvéites, les cataractes, les kératites ;
von Ammon étudie les iritis. Antoine Pierre Demours, dans son Traité des maladies des yeux (1818), décrit les manifestations du glaucome. Albrecht von Graefe (1828-1870) découvre en 1855 l’excavation papillaire du glaucome. Louis Émile Javal (1839-1907) étudie le strabisme et montre l’utilité du traitement orthoptique. En chirurgie, la découverte de l’antisepsie (1867), de l’anesthésie générale (1846) et l’introduction de l’anesthésie locale par la cocaïne (1883) permettent une amé-
lioration considérable des techniques chirurgicales : chirurgie du glaucome avec l’iridectomie segmentaire de von Graefe, chirurgie de la cataracte avec Louis Auguste Desmarres et Louis de Wecker, chirurgie du strabisme avec Friedrich Dieffenbach et Marc Lan-doldt, l’énucléation avec A. Bonnet (1841). La thérapeutique médicale est profondément changée par l’utilisation de l’atropine et des myotiques. Enfin, Louis Braille (1809-1852) bouleverse les conditions d’existence des aveugles par son système d’écriture. La rapidité des progrès en ophtalmologie nécessite la création de revues spécialisées, publiées d’abord en Allemagne (Archiv für Ophtalmologie, von Graefe, 1854).
La première moitié du XXe s. est marquée par des innovations chirurgicales : fistule antiglaucomateuse par Félix La-grange (1905), début de la chirurgie du décollement de la rétine. Grâce à Jules Gonin, qui montre le rôle essentiel de la déchirure (1925), d’autres opérateurs, comme Anton Elschnig, H. Ar-ruga, Félix de Lapersonne, améliorent les techniques anciennes. L’invention du biomicroscope (Allvar Gullstrand, Alfred Vogt) permet l’étude minutieuse du segment antérieur de l’oeil.
Après la Seconde Guerre mondiale, les progrès sont impressionnants. Les nouvelles méthodes d’examen de l’oeil (électrorétinogramme, angiographie fluorescéinique, échographie, gonioscopie, tonographie électronique, etc.) permettent un diagnostic plus sûr et plus précis.
La découverte des corticoïdes et
des antibiotiques révolutionne le traitement médical. La chirurgie avec la greffe cornéenne, l’utilisation de la cryothérapie et l’emploi de la photo-
coagulation par laser deviennent d’une remarquable efficacité ; l’emploi du microscope opératoire permet des
interventions d’une grande précision.
L’optique médicale est bouleversée par l’utilisation des verres de contact.
J. K.
F Cécité / Conjonctive / Glaucome / OEil.
J. Hirschberg, Geschichte der Augen-heilkunde (Leipzig, 1899-1918 ; 9 vol.). /
P. Baillart, C. Coutela, E. Redslob, E. Velter et R. Onfray, Traité d’ophtalmologie (Masson, 1939-40 ; 8 vol.). / L. Guillaumat, L. Paufique, R. de Saint-Martin et coll., Traitement chirurgical des affections oculaires (Doin, 1957-1961 ; 3 vol.). / H. Saraux, Abrégé d’ophtalmologie (Masson, 1962 ; nouv. éd., 1970). / M. Fontaine, Éléments d’ophtalmologie (Flammarion, 1963).