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De la même façon, on assimile à des expressions de l’opinion publique les affirmations des organes de diffusion de l’information. Il existe ainsi des

« études sur l’opinion publique » réalisées à partir d’analyses du contenu de la presse. Il est difficile de considérer ce contenu comme représentatif de l’opinion publique. En revanche, il est nécessaire d’étudier les moyens de communication* de masse dans

une analyse plus générale de l’action éventuelle qu’ils peuvent avoir sur les mécanismes de formation de l’opinion publique. Ils sont un des éléments qui jouent un rôle dans la formation des opinions.

L’approche scientifique de l’opinion publique définit un domaine de phéno-mènes qui seront susceptibles d’être analysés.

On peut, pour un individu donné,

opposer l’opinion publique à l’opinion privée ; la première est susceptible d’être rendue publique et peut être livrée à un étranger ; la seconde est celle que l’on garde pour soi. Cependant, dans la plupart des cas, on oppose l’opinion publique, ensemble d’opinions d’un groupe donné sur un problème donné, à l’opinion individuelle, opinion d’un sujet. Mais cette opposition entre l’individu et le groupe ne correspond pas réellement à une différence fondamentale de nature des phénomènes. Les opinions ne sont pas soit de nature psychologique, soit de nature sociologique ; ce qui fait la différence, c’est l’approche que l’on a des phénomènes d’opinion, selon que l’on s’intéresse en priorité aux opinions d’un individu en relation avec sa personnalité ou aux opinions d’un groupe social. De toute façon, si les opinions sont l’expression d’un individu et de sa personnalité, et si elles sont, de ce point de vue, significatives pour le psychologue, elles sont également l’expression d’un individu qui appartient à des groupes plus ou moins étendus, et ces groupes ont eux-mêmes des systèmes de valeurs, de normes qui vont jouer un rôle sur l’opinion des individus qui y appartiennent. D’autre part, aux influences des groupes auxquels appartient un individu peuvent

s’ajouter celles des groupes auxquels il se réfère.

Les opinions ne peuvent être que le résultat d’interactions entre l’individu et les autres membres des différents groupes auxquels il appartient ou auxquels il se réfère, et entre les différents groupes considérés en tant que tels.

En effet, l’histoire d’un individu, les processus selon lesquels il s’est constitué en tant que personnalité, en faisant siennes ou en rejetant les normes et les valeurs des différents groupes auxquels il appartient, auxquels il a appartenu ou auxquels il se réfère, déterminent l’expression d’une opinion sur un problème à un moment donné.

En outre, l’opinion a des fonctions complexes pour l’individu, de même que pour le groupe. Elle joue un rôle dans l’organisation du monde exté-

rieur tel qu’il est perçu. Elle assure également un rôle de préservation contre ce monde extérieur ; elle permet de réduire l’anxiété, la frustration, en mettant en jeu des mécanismes de rationalisation.

Les opinions des individus sont la résultante de la personnalité de l’individu et du système de valeurs et de normes des divers groupes auxquels il appartient. Les opinions peuvent alors être considérées comme des indicateurs non seulement de la personnalité des sujets, mais également des diffé-

rentes cultures et sous-cultures qui sont les siennes. « Si l’individu est le vecteur et l’acteur de sa culture, c’est que toute une partie de son « donné » lui est donné comme social » (Jean Stoetzel).

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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Les variations d’opinion que l’on peut constater sur des problèmes donnés en fonction de variables telles que le sexe, l’âge sont significatives de différences qui sont d’ordre non pas biologique, mais sociologique ; elles font référence à des expériences, à des valeurs qui sont différentes dans les groupes sociologiques qu’elles consti-

tuent, au même titre que les types d’habitat.

Les opinions ne s’expriment qu’à

l’occasion de situations qui créent un problème sur le plan individuel ou sur celui du groupe.

Le but d’une enquête* par sondage sera de rendre manifeste ce qui, jusqu’à présent, n’était que latent. Ce que l’on pourra observer, ce sont des réponses à des questions ; on les considérera comme des indicateurs de ce qui est latent. Il est évident qu’il faudra s’interroger sur la validité des indicateurs utilisés. On peut commettre des erreurs sur la relation entre les indicateurs et la variable qu’ils sont censés mesurer. Si la question est ambiguë pour la personne interrogée, la réponse donnée risque de ne pas correspondre aux intentions qui ont présidé à la formulation de la question.

Un autre problème plus général se pose également. La réponse qu’il est possible de donner immédiatement à une question risque de correspondre à une information superficielle, stéréotypée et dont la relation avec le niveau du latent est faible et indirecte. Ce que nous atteignons alors ne nous permet pas d’atteindre le niveau profond des déterminants réels de l’opinion. C’est la raison pour laquelle, dans un certain nombre de cas, pour explorer le niveau des motivations, le système de valeurs, les attentes et les défenses, on utilise des techniques qualitatives au lieu de techniques quantitatives, comme les sondages d’opinion.

Par exemple, dans un entretien non directif, on ne pose pas une série de questions précises, standardisées et toujours placées dans le même ordre, mais on invite le sujet à explorer lui-même le champ d’un problème défini au début de l’entretien. L’enquêteur se borne à renvoyer à la personne interrogée une image de ce qu’il a dit, en l’aidant à poursuivre son exploration.

On peut également utiliser des techniques projectives, où le sujet est invité à interpréter un matériel non structuré. On part ainsi de l’hypothèse que, puisque le matériel est non structuré, l’organisation de la perception sera uniquement le fait de la personnalité

dans ses dimensions psychologiques et psychosociales.

Si l’on veut dépasser la connaissance intuitive de l’opinion publique, on devrait être amené à interroger la totalité du public dont on veut connaître l’opinion. D’une certaine façon, c’est ce qui est fait, par exemple, lorsque l’on veut connaître l’opinion du corps électoral sur une proposition de modification de la Constitution (notons que, dans ce cas, il s’agit plus que de connaître l’opinion du corps électoral, puisque le résultat d’un référendum représente une décision). Mais interroger l’inté-

gralité d’un groupe social sur une multitude de problèmes est une opération matériellement impossible, ne serait-ce qu’en fonction de son coût.

C’est pour cela qu’on est amené

à n’interroger qu’une partie de ce groupe, en considérant que la fraction interrogée donnera une image fidèle de l’opinion de l’ensemble du groupe.

C’est ce que font couramment les journaux, qui posent un certain nombre de questions à leurs lecteurs en leur demandant d’y répondre par lettre. Entre les deux guerres, aux États-Unis, le Li-terary Digest envoyait près de 20 millions de questionnaires et recevait près de 3 millions de réponses. Malgré ce nombre important de réponses, les résultats obtenus par État s’écartaient en moyenne de 12 p. 100 des résultats ultérieurement observés à l’élection (l’erreur pouvant atteindre près de 40 p. 100). En fait, le groupe des personnes interrogées était établi à partir de listes où étaient particulièrement représentées les couches supérieures de la population (possesseurs de voitures, abonnés au téléphone, etc.) ; de plus, les questionnaires retournés provenaient pour la plus grande part de personnes ayant un niveau économique et culturel supérieur, c’est-à-dire que les réponses données étaient celles d’une fraction non représentative de l’ensemble du corps électoral. À partir de 1935, des instituts de sondage firent des estimations des résultats des élections à partir des réponses d’un échantillon représentatif de la population qui ne comportait que quelques milliers d’interviews ; on put constater que ces estimations ne s’écartaient que de 1 ou