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y L’abbé Charles Irénée Castel de Saint-Pierre (Saint-Pierre-Église 1658 - Paris 1743) adresse au cardinal Fleury un abrégé (1717) du Projet de paix perpétuelle en trois volumes qu’il avait publié en 1713, l’année du traité d’Utrecht, et dont l’inspiration « d’une si grande beauté et qui me séduisit tellement que je me mis à le pré-

parer » lui était venue au revers d’un fossé, en 1706, sur un chemin de Normandie, cependant qu’on réparait sa chaise. Fondée sur le maintien du statu quo territorial, à la différence du projet de Sully, l’« union permanente et perpétuelle » procurera à ses membres et à ses associés une sécurité entière contre les guerres étrangères et civiles. C’est qu’en effet, à l’époque de la patrimonialité de la souveraineté, la légitimité des trônes fait naturellement partie de l’ordre international garanti.

Un article fondamental du plan de l’abbé de Saint-Pierre énonce que « la so-ciété européenne ne se mêlera point du gouvernement de chaque État, si ce n’est pour en conserver la forme fondamentale,

et pour donner un prompt et suffisant secours aux princes dans les monarchies, downloadModeText.vue.download 562 sur 625

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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et aux magistrats dans les républiques, contre les séditieux et les rebelles » (art. 2).

Quelles que soient leurs différences de fond, qu’ils établissent notamment la paix sur le statu quo ou sur une révision territoriale préalable, les projets français classiques de société des nations présentent une caractéristique commune : l’ordre international doit être construit sur le modèle de l’ordre étatique interne et reposer sur la contrainte, la force mise au service du droit pour l’exécution des décisions du législateur et du juge.

Facteurs et perspectives

de développement

Un certain nombre d’éléments favorables contribuent au développement en cours des organisations internationales et à leur évolution vers une organisation mondiale de coordination et de contrôle.

La multiplication des États

L’État nouveau, détaché d’une puissance coloniale, a un préjugé favorable pour l’adhésion à une organisation internationale. L’organisation politique universelle (O. N. U.), en lui donnant accès, consacre son indépendance

par une sorte de reconnaissance collective. Les organisations à caractère économique et social, notamment les institutions spécialisées, lui procurent des services d’assistance non suspects d’une intention d’influence ou d’intervention. La nécessité de recourir à l’assistance privée déterminera souvent la mise en oeuvre d’une politique d’investissement par l’intermédiaire des organisations internationales, de nature à concilier les intérêts des pays industrialisés et des pays en voie de développement. Les organisations jouent dans ce cas un rôle de sécurité juridique dans la négociation et la conclusion des accords internationaux.

La recherche scientifique Le prodigieux mouvement de recherche scientifique qui caractérise notre époque ne peut s’accomplir sans le secours des organisations internationales (Année géophysique internationale, organisation de la recherche spatiale et de ses applications dans le domaine des télécommunications).

L’explosion démographique

La multiplication des hommes à la surface de la Terre pose un problème angoissant, dont les périls ne peuvent être conjurés que par une organisation véritablement effective du commerce international et de la production*, seule susceptible de garantir la survie de la race humaine. Tout doit être tenté pour qu’en l’an 2000 aucun groupe humain dans le monde ne soit plus exposé à vivre dans la faim. Le plan définitif d’organisation de la paix commence par l’abolition de la misère.

L’idéologie des droits de l’homme Dans le préambule de la Charte des Nations unies, les États signataires ont proclamé leur foi dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. La Déclaration internationale des droits de l’homme vise à une application effective par l’entremise des deux pactes internationaux adoptés le 6 décembre 1966. L’institution d’un haut-commissaire des droits de l’homme a été envisagée par l’Assemblée générale de l’O. N. U. Cet ombudsman* à l’échelle internationale aurait pour mission, avec les experts consultants qui lui seraient adjoints, de faire rapport à l’O. N. U.

sur l’état des protections et des garanties réellement offertes aux libertés individuelles par les États membres ; ce rôle est déjà assumé, à titre privé, par la Commission internationale des juristes.

La prévention de la guerre

La création d’une Communauté politique internationale, formée par les États dans le dessein d’organiser la paix et de prévenir la guerre dans leurs relations réciproques, est une idée ancienne dont les manifestations

théoriques remontent à la plus lointaine antiquité et se renouvellent à travers l’espace et le temps. La réalisation de l’idéologie de la communauté internationale organisée est, par contre, récente, et ses manifestations ont été et demeurent très imparfaites, qu’il s’agisse de la formation de sociétés fermées, continentales et régionales (en apparence facilitée par les liens du voisinage), ou de la création d’une société ouverte, à vocation universelle, ne bénéficiant d’autres ferments que l’amour de la paix et la dévotion aux intérêts communs de tous les peuples et de tous les hommes.

Les efforts faits et les réalisations obtenues dans ces directions, en droit positif international contemporain, ne sont nullement contradictoires. De même que l’unité des grandes socié-

tés étatiques apparaît dans l’histoire comme la résultante d’agrégats successifs, de même il est vraisemblable que la société internationale universelle profitera de l’apport fédérateur des sociétés régionales, aux assises plus étroites et plus stables.

La Société des Nations

Née de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations (League of Nations), société politique tendant à l’universalité, fut instituée par une charte fondamentale, le pacte de la Société des Nations. Une manoeuvre courante de ses détracteurs consiste à en rapporter la création au rêve passager d’un mystique méconnu, le président T. W. Wilson*. C’est une erreur manifeste. L’idéal de la S. D. N., loin d’appartenir au seul homme d’État américain, a été partagé au cours des âges par de nombreux esprits, dont certains n’étaient nullement chimériques.

Lorsque, le 8 janvier 1918, dans le dernier des quatorze points d’un message célèbre, le président Wilson suggérait la formation d’une association générale des nations en vue de créer les garanties mutuelles de l’indépendance politique et de l’intégrité du territoire des États, grands et petits, il ne faisait que reprendre les projets, anciens ou ré-

cents, de paix perpétuelle élaborés dans différents pays par des hommes d’État ou de science et de nombreuses asso-

ciations pacifistes. On peut dire que la Société des Nations a été l’un des buts des puissances alliées, et le projet de pacte a été adopté à l’unanimité par la conférence des préliminaires de paix le 28 avril 1919, puis signé dans le corps du traité de Versailles le 28 juin, pour entrer en vigueur le 10 janvier 1920.

Un même souci d’efficacité de l’ordonnancement international anime le projet officiel que le gouvernement italien publie la même année, et l’on a pu justement parler, en rapprochant les deux documents, d’une conception continentale de la S. D. N. nourrie de droit romain et de logique cartésienne.