Les boiseries étaient souvent peintes en blanc, en argent et en or ; de grandes cariatides soutenaient de leurs bras robustes les lourdes tourelles latérales, remplacées au siècle des lumières par des têtes de chérubins souriants.
y L’instrument sonore suppose de
celui qui le fabrique — l’organier
— des connaissances multiples ; cet artisan doit être en même temps menuisier, serrurier et acousticien, doit
savoir travailler le bois, le plomb, l’étain, le cuivre, adapter son instrument à un édifice donné et l’ériger en fonction des proportions qu’offre ce dernier, car, contrairement aux autres instruments de musique, l’orgue ne peut être construit en série.
L’orgue n’a cessé de se transformer de génération en génération, mais il obéit à un certain nombre de principes intangibles, dont nous énumérerons quelques-uns ici.
Touché par les mains et par les pieds, l’orgue comporte une console, qui groupe de un à cinq claviers manuels, aujourd’hui de soixante et une notes, et un clavier de pédales de trente-deux notes. Ces claviers manuels correspondent à un certain nombre de plans sonores, qui portent chacun un nom : grand-orgue, positif, récit, écho, solo.
Chacun de ces claviers fait parler un nombre de registres, ou jeux, mis en action soit par des tirettes de bois si l’orgue est mécanique, soit par des do-minos à bascules si la traction des jeux est électrique. Au-dessus des touches du pédalier, l’organier a groupé, notamment depuis le XIXe s., des tirasses, des champignons et des poussoirs, qui ont chacun une action déterminée, soit qu’ils permettent d’utiliser certains jeux au pied si les mains ne sont pas libres, soit qu’ils autorisent des accouplements entre claviers manuels ou entre le pédalier et un clavier manuel.
Au centre de ces pédales, dans un orgue moderne, l’organier a placé une pédale dite « d’expression » qui ouvre à volonté les jalousies d’une chambre dans laquelle se trouvent enfermés les tuyaux d’un ou de deux claviers.
L’intérieur d’un orgue
Les touches de tout clavier manuel, qui pivotent autour d’un axe, sont reliées à des vergettes ou à des fils d’acier qui aboutissent à l’abrégé ; ce mécanisme permet de ramener ou de réduire à la largeur d’un clavier normal (78 cm) celle d’un ou plutôt de deux sommiers mis bout à bout, et qui mesurent 6 m.
Cet objet, de forme trapézoïdale, reçoit des rouleaux de bois dans un ordre dé-
croissant, à chaque extrémité desquels
un levier vissé s’adapte d’une part à la vergette qui correspond à la touche de la console et d’autre part à un système d’équerres transmettant le mouvement à différentes soupapes qui se trouvent dans le sommier. C’est là tout le « secret » de l’orgue, car le reste se comprend plus aisément.
À chaque clavier manuel, comme au pédalier, correspond un même système de tirage mécanique aboutissant au sommier. Depuis le milieu du XIXe s., toute cette traction mécanique groupant vergettes de bois, fils ou ruban d’acier, downloadModeText.vue.download 574 sur 625
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abrégés et leviers peut être remplacée par une transmission électrique. Celle-ci est faite de centaines ou de milliers de kilomètres de câbles extra-souples, qui aboutissent à des électro-aimants permettant une infinité de combinaisons et facilitant considérablement l’utilisation d’une console d’orgue.
Le sommier constitue l’organe es-
sentiel de tout instrument. Le type le plus connu en est le sommier à gravures : grande caisse de bois qui emmagasine l’air venu de la soufflerie et supporte la tuyauterie.
Cette caisse comporte plusieurs
étages, que nous décrirons succinctement de bas en haut : un plancher, percé d’autant de trous qu’il y a de notes au clavier, ces trous laissant passer les vergettes, ou fils de laiton, qui transmettent le mouvement de la touche ; un jeu de vergettes, ou fils de laiton, d’acier, dont chaque individu est attaché à la tête d’une soupape ; un jeu de soupapes, ou clapets, qui reviennent à leur place primitive sous l’action d’un ressort et qui se trouvent enfermées dans la laye ; une manière de grand peigne de bois, le barrage, dont les cloisons parallèles délimitent des cavités qui portent le nom de gravures obturées chacune par une soupape. Le tout est recouvert d’une grande table, percée d’autant de trous qu’il y a de tuyaux correspondant aux jeux du clavier. Sur la table a été fixé un jeu alterné
de minces réglettes horizontales, dont les unes sont fixes et dont les autres coulissent de quelques centimètres pour mettre en liaison directe les trous de la réglette et ceux de la table. Cette réglette porte également le nom de registre. Le dernier étage du sommier est représenté par des chapes vissées sur le sommier, qui reçoivent extérieurement le pied du tuyau. Le vent est envoyé aux différents sommiers d’un orgue par l’intermédiaire d’un grand soufflet primaire, puis de canaux de section carrée ou ronde, appelés porte-vent. Ce soufflet primaire est alimenté par un venti-lateur, aujourd’hui électrique ; le tout peut trouver place soit à l’intérieur du meuble, derrière le soubassement, soit à l’extérieur, dans une pièce ou un ré-
duit adapté à cet usage. La pression de l’air envoyé aux différents sommiers peut varier entre 80 et 120 mm.
La tuyauterie d’un orgue correspond à un monde hétéroclite d’individus de toute structure, de toute taille, de toute forme, de toute matière et de tout timbre. Si l’on s’en tient à la structure, il y a deux types de tuyaux ; les uns dits à bouche, les autres dits à anche.
Les tuyaux à bouche comportent deux lèvres et une pièce de plomb dénommée biseau, qui laisse filtrer l’air par une étroite fente, ou lumière. Le vent, butant contre le biseau, met en vibration le corps du tuyau. Dans les tuyaux à anche, le pied dissimule un noyau de plomb dont l’extrémité inférieure enserre une gouttière d’anche recouverte d’une languette vibrante, qui permettra à une rasette, ou tige de métal, d’accorder le tuyau. Pour désigner la taille des différents tuyaux, le facteur du XXe s.
utilise toujours les mesures anciennes en pieds et en pouces. Un jeu de huit pieds est celui dont le tuyau le plus grave (ut 1) mesure 2,64 m. Si l’extré-
mité supérieure de ce tuyau est fermée par une calotte, il sonne à l’octave infé-
rieure. Chaque rangée de tuyaux est appelée jeu. La forme de ces tuyaux peut varier : cylindrique, conique, rectangulaire. La matière varie également : tuyaux en bois (sapin, chêne, acajou), en étain pur ou en étain mélangé de plomb (étoffe).
Quant à leur sonorité, les jeux se groupent sous trois rubriques : les
fonds, les mutations, les anches. Les fonds (jeux à bouche) réunissent des montres, ou principaux ouverts, des bourdons, des flûtes. Les mutations renforcent des premiers harmoniques le son fondamental. Parmi ces jeux, on rencontre des mutations simples (nasard, larigot, tierce, donnant naissance au cornet de cinq rangs) et des mutations composées (superposition d’octaves et de quintes), qui groupent de deux à dix tuyaux ou plus par note et contribuent à la formation du plein-jeu de l’orgue, réunissant fournitures et cymbales. Les jeux d’anche comprennent essentiellement la famille des trompettes, dont les corps dessinent des cônes d’étoffe ou d’étain qui vont en s’évasant, celle des bassons et des hautbois, à côté desquels il faut faire une place à des jeux de solo comme les cromornes et les voix humaines.
Historique de
l’instrument
L’instrument aurait été inventé, ou peut-être amélioré, par Ctésibios d’Alexandrie au IIIe s. av. J.-C. Son orgue hydraulique était un instrument dans lequel l’air, emmagasiné sous la pression de l’eau, faisait parler une dizaine de tubes grossiers. Les deux corps de pompe d’un orgue hydraulique ont été troqués contre des soufflets de forge, rendant l’orgue pneumatique, et ce sans doute au IIIe s. apr. J.-C.