Ce premier type d’orgue enrichissait les palais des empereurs d’Orient. Il apparaît en Occident au VIIe ou VIIIe s.
et reçoit une tout autre utilisation dans les églises, les abbatiales ou les cathédrales.
On distingue alors : un orgue por-tatif, que l’on portait latéralement sur la hanche, dont on touche le très court clavier de la main droite, la main gauche actionnant un soufflet ; le positif, un peu plus important, que l’on posait sur un trépied ou une table et qui pouvait comporter déjà deux ou trois jeux répondant à un clavier plus étendu ; le grand orgue de tribune, qui ornait un jubé et qui était placé à mi-hauteur de l’église, au fond de la nef.
Ce dernier instrument remplissait sans doute de ses accords harmonieux les
grandes églises romanes et les sanctuaires de pèlerinage aux XIIe et XIIIe s.
Un deuxième clavier enrichit
l’orgue à la fin du XIVe s. Dès le XVe s., de grands foyers de facteurs d’orgues apparaissent dans les Pays-Bas, les Flandres, les pays germaniques et Scandinaves, la Bourgogne, l’Île-de-France, la Normandie, l’Italie, la Castille. Cet orgue du Moyen Âge ne pa-raît pas connaître le registre. Il semble correspondre à un plein-jeu collectif, le registre ne faisant son apparition qu’après la guerre de Cent Ans, à l’heure où l’on dote l’orgue d’un pédalier de quelques notes et où le clavier manuel passe de trente-six à quarante-deux touches.
C’est à la fin du XVIe s. et dans le premier tiers du XVIIe que se constitue, tant aux Pays-Bas qu’en France, un orgue de conception classique, qui vaut par l’équilibre de ses plans, la diversité de ses timbres et qui va subsister tel jusque vers 1840. À côté du grand plein-jeu collectif, on a pu distinguer et isoler des registres de montre, des bourdons, des flûtes et bientôt des cornets, des hautbois et des trompettes.
Un troisième clavier (écho, récit) intervient (privé de ses 10 ou 20 notes de basses), qui, doté de jeux solistes, permettra de faire entendre, comme au théâtre, des monodies accompagnées.
Pour le facteur responsable de l’architecture des orgues classiques, il y a lieu de trouver un certain équilibre sonore entre les deux claviers principaux, grand-orgue et positif, entre le clavier de pédales et les claviers manuels, même si ces derniers se doublent d’un quatrième clavier, dit « de bombarde », alors que subsistent les demi-claviers de récit et d’écho, toujours destinés aux détails. Mais l’équilibre doit également s’entendre du simple point de vue sonore entre les trois types de registres évoqués ci-dessus : les principaux, doublés de bourdons, les mutations simples et composées et les anches.
De père en fils, de grandes familles d’organiers se transmettent les secrets d’une telle construction, et le fruit de leur labeur permet l’éclosion, tant en
France qu’en Italie, qu’en Espagne et que dans les pays alémaniques, d’une illustre littérature.
Vers 1820-1840, à cet orgue clas-
sique succède un orgue romantique doté d’un clavier de récit expressif ; de cet orgue, dont la composition évoque la transformation du goût musical et qui se rapproche de l’orchestre, Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899) sera le génial artisan. Celui-ci améliore l’alimentation de l’instrument et sa mécanique ; il donne plus d’éclat aux anches, au détriment des mixtures, multiplie les jeux de fonds et les enrichit de diapasons, de gambes, de sa-licionaux, de flûtes harmoniques. Le récit expressif prend de plus en plus d’importance. L’étendue des claviers est portée à soixante et une notes au XXe s., et certaines combinaisons permettent de préparer à l’avance plusieurs jeux, notamment les anches, que l’on appelle au moment voulu par le simple abaissement d’une pédale. Cet orgue romantique l’emporte dans toute l’Europe de 1840 à 1920. Il vient surtout servir une littérature de concert.
Le retour à une esthétique classique ou néo-classique est une conséquence de la découverte, dans le monde entier, depuis 1850, de la littérature ancienne de l’orgue et du besoin qui se fait sentir d’interpréter les oeuvres du passé sur un orgue dont la composition se rapprochera des ouvrages des célèbres théoriciens des XVIIe et XVIIIe s., tels Michael Praetorius (1571-1621), Andreas Werckmeister (1645-1706), Marin
Mersenne* (1588-1648), dom François Bédos de Celles (1709-1779).
Après la Première Guerre mondiale, à la faveur d’un retour au grégorien, l’orgue va retrouver son rôle liturgique, paraphrasant les chants sacrés.
Une forme d’orgue néo-classique,
visant à trouver une synthèse entre les dernières manifestations de Cavaillé-
Coll et la composition de l’orgue à la fin du XVIIe s., tend à prévaloir dans le monde depuis 1930. De grands
facteurs, à ce travail, savent acquérir une autorité certaine : Louis François Beuchet-Debierre (1842-1920), Victor downloadModeText.vue.download 575 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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Gonzalez (1877-1956), les Roethinger, Ernest Muhleisen (né en 1897), Alfred Kern (né en 1910), les Schwen-kedel, Haerpfer et Erman en France ; les Walcker, les Klais, Paul Ott (né en 1903), les Schuke, les Steinmeyer, Rudolf von Beckerath (né en 1907) en Allemagne ; les Marcussen au Danemark ; les Flentrop en Hollande ; Skinner, Holtkamp aux États-Unis ; les Casavant au Canada. De nos jours, certains organistes veulent même abolir cette conception de l’orgue néo-classique, en décidant de revenir en arrière et de s’en tenir au véritable pastiche du XVIIIe s., ce qui paraît un non-sens voué à l’impasse ; car, depuis dix siècles, la facture d’orgues n’a cessé d’évoluer, toute génération — ce qui est logique
— tentant d’améliorer le legs de la génération précédente.
Au moment où l’on reconstitue
des orgues des XVIIe et XVIIIe s. tant en France qu’en Allemagne, certains facteurs construisent pourtant les plus vastes instruments qui soient au monde (6 ou 7 claviers ; 100 à 400 jeux) ; on les trouve aux États-Unis ou en Australie. À la même période, les orgues de salon se multiplient ; des positifs de un à huit jeux permettent à nombre d’amateurs d’étudier l’orgue chez eux.
L’instrument a pénétré en Russie au XIXe s., au Japon au XXe s. Dans nombre de pays, un service d’État a pris en charge la restauration des instruments présentant un intérêt historique. Dans le même temps, paraissent nombre
d’ouvrages de musicologie sur l’évolution de la facture et de la littérature de l’orgue.
La musique d’orgue
On ignore tout des oeuvres qui étaient jouées sur les orgues hydrauliques et sur les premières orgues pneumatiques en Occident jusqu’au XIVe s. Une première tablature d’orgue d’origine anglaise semble remonter au début du XIVe s. On transcrit pour orgue nombre de pièces polyphoniques hier confiées à des maîtrises. Peu à peu se constitue en Italie et en Espagne un répertoire li-
turgique, à côté duquel on peut relever certaines pièces d’origine chorégraphique ou de purs préludes improvisés.
S’ouvre alors une ère de l’orgue
liturgique, qui prend fin dans les dernières années du XVIIe s. pour l’Église catholique et à la mort de J.-S. Bach pour l’Église réformée. Les organistes paraphrasent sur l’instrument de conception classique les thèmes grégoriens ou les chorals luthériens. Mais, ouverts aux bruits du moment, ces organistes, sans s’en douter, dotent peu à peu leur instrument d’un répertoire de concert qui finira par l’emporter à la faveur d’une virtuosité qui envahit nos tribunes. Cette musique d’orgue de concert s’installe en maîtresse en Europe à partir de 1760 et s’y maintiendra jusque vers 1920, notamment dans l’Église catholique romaine, car les pays germaniques, de Mendelssohn à Brahms et Max Reger, ont toujours persévéré dans le commentaire du