choral.
Une ère nouvelle s’ouvre vers
1920 : on assiste à la renaissance de l’orgue liturgique, cet instrument vivant concurremment avec l’orgue de concert, jusqu’au jour où Vatican II et la nouvelle liturgie qu’il propose coupent les ailes aux chants grégoriens et à l’effort qui visait à inclure l’orgue dans le culte.
Dans cette histoire de la musique d’orgue, il est loisible de discerner trois périodes : celle que symbolisent quelques grands noms annonciateurs de Bach, celle qui a favorisé la créativité de ce génie hors cadre, celle qui assiste après Bach à la naissance d’un orgue symphonique.
Parmi les précurseurs de Bach, on peut citer, entre autres ceux qui, en une polyphonie instrumentale, visent à relayer la polyphonie vocale : Konrad Paumann (v. 1410-1473), Paul
Hofhaimer (1459-1537), Hans Buch-
ner (1483-v. 1538), Leonhard Kleber (v. 1495-1556), Hans Kotter (v. 1485-v. 1541) et nombre d’organistes parisiens publiés par Pierre Attaingnant vers 1530 et qui écrivent des versets commentant des motets polyphoniques, à l’heure où les Italiens se font les créa-
teurs du ricercare (Adriaan Willaert*
[mort à Venise en 1562], Claudio Merulo [1533-1604]), de la toccata, de la canzone, à l’heure aussi où les Espagnols Juan Bermudo, Tomás de Santa María († 1570) et surtout Antonio de Cabezón excellent dans le tiento ou dans les variations.
Le XVIIe s. demeure celui des prédé-
cesseurs immédiats de Bach. Les écoles d’orgue internationales se multiplient à cette époque. Elles sont peut-être toutes redevables à J. P. Sweelinck*
(1562-1621), celui qu’on a appelé « le faiseur d’organistes » d’Amsterdam, dont le message reflète un effort synthétique entre le contrepoint néerlandais, les recherches françaises et les variations anglaises. Son oeuvre de clavier comporte des toccate, des fantaisies, des ricercari et des variations, dont ses disciples ont amplement profité, au premier rang desquels se place l’Allemand Samuel Scheidt (1587-1654) [Tabulatura nova].
En France, le XVIIe s. connaît deux écoles : celle des polyphonistes, qui s’en tiennent à la tradition et qui ont pour chef Jehan Titelouze (1563-1633), auteur de Recherches sur les hymnes religieux et le Magnificat.
Dans ce domaine de l’écriture, Titelouze sera continué par Charles Rac-quet (v. 1590-1664), Louis Couperin (av. 1626-1661), François Roberday (1624 - av. 1672), Guillaume Nivers (v. 1632-1714) et Nicolas Lebègue (1631-1702). En revanche, l’école des concertistes est représentée, vers 1665-1699, par les Livres d’orgue d’André Raison († 1719), de Jacques Boyvin (v. 1653-1706), de Nicolas Cigault (1627-1707), de Louis Marchand (1669-1732), de Pierre Du Mage (v. 1676-1705), François Couperin* et Nicolas de Grigny* (1672-1703) l’emportent de beaucoup sur leurs maîtres, en des Livres qui réalisent une synthèse entre le verset polyphonique sur des thèmes grégoriens et des éléments plus profanes qui doivent au théâtre, à la danse, comme à la littérature de clavecin.
L’Italie du XVIIe s. est représentée par les grands maîtres de l’orgue romain et, en particulier, par Frescobaldi (1583-
1643), dont les canzone, les toccate —
certaines étant groupées dans le recueil des Fiori musicali — constituent l’un des sommets de la musique instrumentale d’église. Parallèlement, l’Espagne connaît une école fructueuse avec les tientos, les passacailles et les toccate de Correa de Arauxo (1626), de Gabriel Menait († 1687), des Peraza et surtout de Juan Cabanilles (1644-1712). Deux tendances se font jour en Allemagne : les artistes du Sud gardent une certaine fidélité à la tradition catholique et à Frescobaldi, comme en témoignent les oeuvres de Froberger* (1616-1667), de Johann Kaspar von Kerll (1627-1693) et de Georg Muffat (1653-1704). C’est Pachelbel* (1653-1706) qui a synthé-
tisé l’effort de cette école traditionnelle dans ses toccate, ses préludes, ses fugues, ses quatre-vingt-quatorze versets de Magnificat et surtout dans ses chorals figurés. Les organistes du Nord sont groupés autour de Hambourg et de Lübeck, avec, à leur tête, Mathias Weckmann (1621-1674), Johann Nikolaus Hanff (1665-v. 1712), Jan Adams Reinken (1623-1722),
Georg Böhm (1661-1733), Franz Tunder (1614-1667) et surtout son gendre Buxtehude* (v. 1637-1707), organiste de Lübeck. J.-S. Bach a profité de tout cet apport. Il connaît aussi bien les maîtres du sud que ceux du nord et du centre de l’Allemagne (Johann Gottfried Walther [1684-1748], Nikolaus Bruhns [1665-1697] et Vincent Lübeck
[1654-1740]). Sa carrière d’organiste se déroule entre Arnstadt, Mühlhau-sen, Weimar, Hambourg et Leipzig.
En marge de certaines transcriptions de concertos italiens pour orgue et de six sonates à l’italienne en trio, d’une difficulté transcendante, écrites pour son fils aîné, Bach a confié à l’orgue un message double : le premier est représenté par cent cinquante chorals participant au culte ; le second, compromis entre les prouesses d’écriture et la virtuosité, sert de décor au culte et tend vers le concert.
Parmi les oeuvres d’orgue les plus célèbres de Bach, citons les quarante-cinq chorals de l’Orgelbüchlein, les dix-huit chorals dits « de Leipzig », les vingt chorals dits « du Dogme », enfin des partitas. À côté de ces recueils, il faut citer les préludes et fugues sépa-
rés, ainsi que les fantaisies, qui té-
moignent d’une totale liberté, dans le maniement de la polyphonie, de l’utilisation d’un ou de deux thèmes et de contre-sujets. Sa célèbre passacaille groupe vingt variations de trois à cinq voix d’un étrange esprit décoratif. Les toccate pour orgue peuvent être tenues pour des chefs-d’oeuvre du genre.
La mort de Bach sonne une manière de décadence de l’orgue. En dépit des chorals des fils de Bach et de ceux de Telemann, l’orgue liturgique se meurt, se vide de sa substance au profit d’oeuvres qui visent à créer une littérature de concert, oeuvres dans lesquelles la virtuosité jouera parfois un rôle assez vain. Il faut souligner le renouveau que marque, au temps de l’orgue symphonique, la découverte du message de Bach. Alors apparaissent les sonates, les préludes et fugues de Mendelssohn, les toccate, les préludes, les fugues et les canons d’Alexandre Boëly (1785-1858), les fugues de Schumann, les grandes pièces décoratives de Liszt, les chorals de Brahms. Liszt fait une place certaine au récitatif, à la rhapsodie, à la fantaisie (Prélude et fugue sur le nom de B. A. C. H.). L’influence double de Bach et de Liszt ainsi que l’exemple de Boëly font surgir l’oeuvre de César Franck (1822-1890), qui se réduit à six pièces (1862), trois pièces (1878) et les célèbres trois chorals (1890). Il faut encore citer les préludes et fugues de Joseph Rheinberger (1839-1907), les pré-
ludes, fugues et chorals de Max Reger (1873-1916), les préludes et les fugues, les fantaisies et les improvisations de downloadModeText.vue.download 576 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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Saint-Saëns, les diverses pièces d’Eu-gène Gigout (1844-1925), les sonates d’Alexandre Guilmant (1837-1911), les dix symphonies de Charles-Marie Widor (1845-1937), chefs-d’oeuvre du genre orchestral, les deux dernières renouant avec l’orgue liturgique par l’intrusion de thèmes grégoriens (Haec dies, Puer natus est).
Franck et Widor ont été les grands professeurs de cette nouvelle école
française, qui débouche sur deux directions : une littérature d’esprit liturgique et une littérature de concert.
L’oeuvre de Marcel Dupré (1886-1971) réunit les deux tendances, alors que Louis Vierne (1870-1937) demeure
le pur serviteur de l’orgue de concert (6 symphonies, 24 pièces de fantaisie).
Charles Tournemire (1870-1939) se montre le vrai continuateur des maîtres de la liturgie, avec les cinquante et un offices de l’Orgue mystique, fresques somptueuses, esquisses subtiles d’un poète moderne qui rejoint Grigny et Frescobaldi.