La variation des
modes d’orientation
Il est impossible de généraliser un mode d’orientation attribuable à toutes les espèces. Certains Oiseaux migrent de nuit, d’autres de jour ; les mécanismes seront donc différents suivant les conditions dans lesquelles se dé-
roulent les vols migratoires.
Il n’est pas possible non plus d’établir une classification des migrateurs selon leur mode de migration ou
d’orientation, soit à l’aide du Soleil, des étoiles... Il semble plutôt que chaque espèce possède plusieurs modes d’orientation. Le Rouge-Gorge européen semble répondre non seulement à des indices astronomiques diurnes et nocturnes, mais également à des
indices magnétiques et probablement à d’autres, d’ordre topographique. Tous les migrateurs ne se montrent pas capables de homing, et l’on connaît des espèces non migratoires qui en sont capables. Il y a donc une grande diversité des modes d’orientation.
Les expériences de Perdeck ont
montré que les jeunes Sansonnets
sont capables de choisir une direction et de la maintenir pendant le temps nécessaire pour parvenir aux quartiers d’hiver de l’espèce s’ils ne sont pas déplacés en cours de route. On peut croire que cette même programmation existe chez les adultes. Cependant, l’adulte possède une connaissance pré-
alable des quartiers d’hiver. Il en a été imprégné lors d’un séjour antérieur, de telle sorte que sa migration pourrait progresser jusqu’au moment où il en reconnaît l’aspect topographique. Chez les espèces où les jeunes accompagnent les adultes, il y aurait un apprentissage du point de destination. Mais, lorsque les jeunes migrent indépendamment, on peut se demander quels sont les facteurs qui déterminent le terme de la migration. Les facteurs biologiques sont sans doute les plus importants et comprennent des modifications dans le taux d’hormone ainsi que dans les réserves nutritives accumulées pendant les périodes prémigratoires. Ces facteurs contribuent surtout à définir la durée totale de la migration et, par là, la distance à parcourir. D’autres facteurs sont aussi influents, comme la présence de congénères déjà arrivés, les contraintes géographiques, l’abondance de nourriture...
Chez certaines espèces, le homing peut s’expliquer par une recherche au hasard plus ou moins systématique.
Mais, dans de nombreux cas, les retours sont tellement rapides qu’on ne peut les comprendre sans faire intervenir une véritable navigation. Ainsi, si l’on commence à peine à comprendre les modes d’orientation vectorielle dans la migration, nous n’en connaissons encore absolument pas les substrats physiologiques.
Les autres modes
d’orientation
L’olfaction chez les Poissons Les substrats physiologiques sont, par contre, dans le cas des Poissons, les principales sources de référence permettant de comprendre leur migration.
Les Saumons quittent les eaux douces pour gagner le milieu océanique, plus favorable à leur croissance. Arrivés à maturité, ils regagnent, pour frayer, les eaux douces de leur naissance. Les Anguilles effectuent la descente des fleuves pour aller frayer dans la mer des Sargasses, qui se trouve à des distances considérables de leur point de départ.
Une grande partie des phénomènes
physiologiques engendrés par ces processus migratoires sont connus. Dans les deux cas, les individus sont l’objet de changements importants dans leur morphologie et leur physiologie. Ces Poissons effectuent leur migration à la suite de variations saisonnières affectant les caractères du milieu ambiant ou à la suite de modifications physiologiques, le plus souvent les deux variations étant concomitantes. Il est probable que le Saumon se dirige vers son point de naissance grâce à l’existence d’organes olfactifs particulièrement développés, sa sensibilité olfactive vis-à-vis de l’odeur de sa frayère natale s’accentuant au fur et à mesure qu’il s’approche de celle-ci. Mais il s’agit d’une hypothèse ; aucune donnée n’est connue actuellement sur ce point, ni sur les modalités d’orientation des Anguilles. On ignore les variations de sensibilité des organes des sens en fonction de la condition physiologique, spécialement neuro-endocrinienne, et il s’agit d’un des modes d’orientation les moins connus.
La lumière polarisée chez les
Insectes
L’orientation chez les Abeilles* montre une prépondérance des repères visuels.
Si l’on modifie l’ambiance des abords de la ruche ou si l’on déplace celle-ci, les Abeilles reviennent à l’endroit initial et restent désorientées. Une Abeille n’ayant jamais effectué de vol de reconnaissance en dehors de la ruche est incapable de revenir à celle-ci. La précision dans l’orientation que prend une Abeille lors de son retour au nid est surprenante et va jusqu’à atteindre
40′, ce qui avoisine l’angle propre de perception d’une seule ommatidie. Un caractère d’information permet à ces Insectes de trouver un nouveau point de nourriture : une Abeille ayant dé-
couvert une nouvelle source se livre à une danse possédant des caractéristiques précises.
Les ommatidies d’Insectes ont une structure qui permet de reconnaître l’état de polarisation de la lumière du jour. K. von Frisch, en couvrant la vitre de la ruche par une plaque de Polaroïd, constate que, selon l’orientation de cette plaque, l’Abeille commet dans sa danse une erreur angulaire correspondant à l’angle de la rotation.
D’autres indices d’orientation jouent certainement un rôle dans le déplacement des Abeilles ; l’existence d’une mémoire kinesthésique et les habitudes motrices comme le rôle joué par l’olfaction sont à considérer comme possibilités de repères complémentaires à la perception de la lumière polarisée et des repères topographiques.
L’écholocation chez les
Chiroptères
Un procédé d’orientation original est employé par certains Mammifères : l’écholocation*, ou sonar.
Il s’agit là d’une conduite commune à tous les Microchiroptères. Les Mé-
gachiroptères se dirigeraient de façon downloadModeText.vue.download 582 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
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plus commune par la vue et l’odorat.
On ignore tout du mécanisme cérébral et physiologique mis en jeu par l’un ou l’autre des modes d’écholocation.
L’aspect
psychophysiologique
de l’orientation
Des études expérimentales ont été faites, et principalement sur le Rat, qui est un excellent matériel de laboratoire.
La première approche fut physiologique et consistait à étudier l’orienta-
tion à la manière d’un arc réflexe, en considérant sa possibilité ou non de fonctionner suivant l’intégrité de ses récepteurs, centres et effecteurs. Des expériences de privation sensorielle (aveuglement, anosmie) montrèrent que des suppléances apparaissaient entre modalités sensorielles distinctes.
Ces suppléances disparaissaient si plusieurs modalités sensorielles étaient atteintes simultanément : des Rats à la fois aveugles et anosmiques ne s’orientent plus. Ces résultats n’auraient pas été équivoques si la suppression d’une seule modalité sensorielle avait définitivement empêché toute orientation et si le maintien de cette modalité avait suffi pour que l’orientation subsiste.
L’ablation d’aires de réception primaire n’empêche pas la réalisation de l’orientation, même si elle s’effectue moins rapidement. Mais, d’une ma-nière générale, ces expériences portent atteinte à l’intégrité du système physiologique, et des résultats contradictoires ont été enregistrés.
Les phénomènes d’orientation font donc appel à des processus variés, dont certains restent inconnus. Il semble que la combinaison d’informations sensorielles différentes permette une meilleure orientation. Il reste à comprendre les supports physiologiques qui accompagnent ou suivent les motivations ainsi que certaines modalités permettant leur réalisation ; et, dans cette démarche, la façon d’aborder le problème est aussi importante que la connaissance des faits eux-mêmes.