Y. B.
L’art en Orléanais À défaut d’un art spécifique, cette province offre un riche patrimoine monumental, sujet du présent article.
L’époque mérovingienne a laissé la nef de Saint-Christophe de Suèvres (Loir-et-Cher). Restaurée à l’excès, la petite église de Germigny-des-Prés (Loiret) n’en demeure pas moins l’un des principaux témoins français de la renaissance carolingienne. Devancée par l’ancienne cathédrale d’Orléans (Xe-XIe s.), connue grâce aux fouilles, et par la crypte de Saint-Aignan, dans la même ville (XIe s.), l’abbatiale bénédic-tine de Saint-Benoît-sur-Loire illustre l’évolution de l’art roman. La grosse tour carrée qui lui tient lieu de frontispice (troisième tiers du XIe s.) forme, au niveau inférieur, un vestibule ouvert sur trois côtés, avec des piles cruciformes dont les chapiteaux, comme ceux de l’étage, sont vigoureusement sculptés de scènes bibliques ou de feuillages. Construit de 1070 à 1180, le choeur, voûté en berceau, précède un majestueux hémicycle qu’entoure un déambulatoire à chapelles rayonnantes.
À Saint-Aignan (Loir-et-Cher), le transept, le choeur et le déambulatoire du XIIe s. surmontent une vaste crypte dont les peintures murales appartiennent au style roman de la France de l’Ouest.
Des peintures de la même famille
ornent plusieurs églises de la vallée du Loir, notamment celle de Saint-Jacques-des-Guérets et la chapelle Saint-Gilles de Montoire-sur-le-Loir.
L’éclosion précoce de l’art gothique s’est faite en liaison étroite avec l’Île-de-France* et selon des formes encore imprégnées de l’esthétique romane.
C’est ce que montre à Chartres* la façade ouest de la cathédrale (1134-1170), avec son « clocher vieux », frère du clocher isolé de la Trinité de Vendôme, les statues-colonnes de son portail Royal, ses trois lumineuses verrières. Saint-Laumer de Blois* (1138-1186) est un bel exemple des progrès de la croisée d’ogives, comme Saint-Liphard de Meung-sur-Loire, au plan tréflé, ou Saint-Euverte d’Orléans (modifiée aux XVe et XVIIe s.).
Rien n’exprime mieux ensuite la
maturité de l’art gothique que la cathé-
drale de Chartres, reconstruite pour le gros oeuvre de 1194 à 1225, avec les pages de sculpture que déploient les portails de son transept et sa parure de vitraux à médaillons ou à grands personnages, produit d’un atelier local dont la France du XIIIe s. atteste le rayonnement. Les églises de Bon-neval (Eure-et-Loir) et de Boiscommun (Loiret) sont de beaux vaisseaux sur plan rectangulaire. Reconstruite à partir de 1287, la cathédrale d’Or-léans a gardé de cette époque les chapelles de son chevet. Saint-Pierre de Chartres témoigne déjà de la tendance générale à l’évidement, qui marquera l’architecture gothique au XIVe s., inspirant notamment la reconstruction de la Trinité de Vendôme. Achevée dans la seconde moitié du XVe s., la nef de cette abbatiale donne l’exemple, avec Notre-Dame de Cléry, Saint-Aignan et Notre-Dame-de-Recouvrance d’Or-léans, d’une version sobre du style flamboyant, que sa façade (premières années du XVIe s.), comme le « clocher neuf » de la cathédrale de Chartres, laisse au contraire s’épanouir. C’est encore en style flamboyant que sera rebâtie à partir de 1601 la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, détruite par les calvinistes ; une interprétation plus originale des données gothiques marquera toutefois sa façade, élevée au XVIIIe par Louis-François Trouard.
Dès la fin du Moyen Âge, cepen-
dant, le rôle principal est passé à l’art profane, essentiellement représenté par des châteaux, dont la plupart prennent place dans le groupe fameux du Val de Loire. On reconnaît l’héritage de la féodalité dans les donjons du XIe et du XIIe s. — quadrangulaires à Beaugency, Montrichard et Lavardin, celui de Châ-
teaudun se distinguant par sa forme cylindrique —, dans les enceintes à tours qui leur sont généralement postérieures ou dans le grand logis fortifié de Sully-sur-Loire (XIVe s.). La guerre de Cent Ans terminée, un nouvel art de vivre fait adopter un style plus aimable, qui emprunte ses motifs au répertoire flamboyant et tend à transformer la forteresse en demeure. Fougères (Loiret-Cher) illustre bien, par ses deux campagnes de construction (à partir de 1470), le passage d’une conception
encore militaire à l’architecture d’agré-
ment, qui inspire les arcades en anse de panier de sa cour. À Châteaudun, les travaux entrepris par Dunois en 1451
ont donné la sainte chapelle, écrin d’un magnifique ensemble de statues ; ensuite vinrent la sévère aile occidentale, puis le début de l’aile nord, avec le riche décor flamboyant qui habille sur la cour la cage d’escalier carrée où s’inscrit une vis plus traditionnelle.
L’aile ouest de Chaumont-sur-Loire, commencée en 1465, contraste par la puissance de son appareil défensif avec le style plus accueillant des ailes sud et est (1498-1510). À Blois, des arcades s’ouvrent au bas de l’aile Louis-XII, élevée en brique et en pierre de 1498
à 1503. L’assemblage des briques en dessins décoratifs donne une grâce colorée au château du Moulin, en Sologne (1480-1501), et à celui de Gien (1494). Talcy (Loir-et-Cher) est le té-
moin attardé de ce style de transition, downloadModeText.vue.download 586 sur 625
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14
8029
qui caractérise aussi des hôtels et des maisons à Blois, à Beaugency, à Vendôme, etc., ainsi que l’ancien hôtel de ville d’Orléans (1503-1513), cadre des riches collections du musée d’art de la ville.
Introduite par le roi et quelques grands seigneurs, la Renaissance s’est d’abord manifestée par l’application de motifs ornementaux d’origine italienne sur des constructions d’esprit traditionnel. Reprise en 1511, l’aile nord de Châteaudun déploie une décoration encore hybride, dont le morceau de bravoure est le frontispice ajouré d’un second pavillon d’escalier. Une recherche de symétrie inspirait le plan de Bury (Loir-et-Cher), élevé de 1514
à 1524 pour Florimond Robertet. À
Blois, l’aile François Ier (1515-1524) témoigne d’un italianisme discret du côté de la cour, plus insistant, mais inexpérimenté dans les loggias superposées de l’extérieur. Chambord*, entrepris en 1519, traduit une conception plus neuve et plus grandiose. Les deux ailes en équerre de Saint-Aignan accusent aussi le style de la première
Renaissance, comme les hôtels de ville de Vendôme et de Beaugency ainsi que diverses demeures urbaines.
Revenu de captivité en 1526, Fran-
çois Ier délaissera le Val de Loire pour l’Île-de-France, où le nouveau style évoluera vers une maturité classique dont il y a peu d’exemples en Orléanais. À Beauregard (Loir-et-Cher), la Renaissance a laissé le cabinet dit
« des Grelots », aux panneaux peints de belles natures mortes ; la galerie aménagée sous Louis XIII est peut-
être la plus typique de cette époque en France, avec ses portraits assemblés en trois registres au-dessus d’un lambris orné de natures mortes et de grotesques. Cheverny, élevé vers 1635, a l’aspect alors usuel d’un seul corps de logis formé de cinq pavillons accolés, l’escalier occupant celui du centre ; le somptueux décor intérieur est en partie l’oeuvre du peintre Jean Mosnier de Blois (1601-1656).
Le réveil artistique du XVIIe s. en Orléanais a d’autres témoins : l’aile Gaston-d’Orléans, apport du génie de François Mansart* au château de Blois ; Ménars (Loir-et-Cher), bâti vers 1640 dans un style vigoureux et sobre ; Saint-Fargeau (Yonne), remanié par François Le Vau* ; les évêchés de Chartres, d’Orléans et de Blois ; des hôtels à Orléans. La part du XVIIIe s., en revanche, est modeste, à deux exceptions près : Orléans, où Jean-Hupeau (1710-1763) a conçu et entrepris en 1751 l’ensemble d’urbanisme (reconstitué depuis la Seconde Guerre mondiale) que forment la place du Martroi, la rue Royale et le pont sur la Loire ; Ménars, grâce aux développements