Toutes ces nouvelles données ont
trouvé une explication harmonieuse dans le concept de tectonique des plaques, ou tectonique globale, proposé presque simultanément par D. Mac Kenzie, J. R. Parker (1967), Xavier Le Pichon (1968) et B. A. Morgan (1968).
Selon cette hypothèse, le monde entier est composé d’un petit nombre d’unités
qui se comportent comme des plaques rigides. Celles-ci grandissent perpendiculairement de part et d’autre de la crête médio-océanique ; la direction de leur déplacement est donnée par celle des failles transformantes, et, à l’extrémité opposée, ces plaques s’enfoncent dans l’écorce le long de fosses bordant les arcs insulaires.
Elles sont en réalité des calottes qui pivotent autour d’un axe de rotation distinct de l’axe de rotation terrestre. Formée par la lithosphère, c’est-à-dire caractérisée par une certaine rigidité, une plaque peut comprendre indifféremment des surfaces océaniques ou des surfaces continentales.
On sait que la lithosphère peut supporter pendant un certain temps des contraintes de l’ordre du kilobar sans fluer, alors que l’asthénosphère ne le peut pas, que l’activité séismique est concentrée dans la lithosphère. On peut ainsi expliquer la répartition et la profondeur des séismes.
Enfin, la tectonique des plaques fournit aujourd’hui un modèle cinématique qui rend compte de l’activité tectonique actuelle à la surface de la Terre et explique les zones orogéniques comme des zones où se produisent des mouvements différentiels entre plaques rigides.
Il reste à la mettre à l’épreuve de nos connaissances des chaînes anciennes.
Lithosphère,
asthénosphère,
mésosphère
La structure du globe en noyau, en manteau et en croûte repose avant tout sur la séismologie ; celle-ci utilise la réflexion ou la réfraction des ondes séismiques (provoquées par les tremblements de terre) sur différents niveaux situés à l’in-térieur de la Terre, qui jouent le rôle de réflecteurs. Les ondes enregistrées par des séismographes indiquent deux surfaces principales de discontinuité : l’une à faible profondeur, la discontinuité de Mohorovičić, qui sépare la croûte du manteau ; l’autre, plus profonde (vers 2 900 km), qui marque la limite entre le noyau et le manteau.
Les concepts de mésosphère, d’as-thénosphère et de lithosphère servent à expliquer la consistance des différents niveaux du globe. La lithosphère (de 50
à 100 km) est rigide et repose sur l’as-thénosphère, dont les roches réagissent à la manière d’un liquide, de sorte que la lithosphère, qui peut comporter aussi bien des continents que des fonds océaniques, peut acquérir une certaine mobilité et se déplacer sur l’asthénosphère.
Vers 700 à 800 km, on pénètre dans la downloadModeText.vue.download 599 sur 625
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la mésosphère plus interne, située au centre du globe), de sorte que les courants de convection, qui peuvent être le mobile du déplacement des plaques, sont situés dans l’asthénosphère.
P. C.
F Alpes / Chaîne de montagnes / Géologie /
Tectonique.
D. H. et M. P. Tarling, Continental Drift.
A Study of the Earth’s Moving Surface (New York, 1971 ; trad. fr. la Dérive des continents.
Conceptions nouvelles, Doin, 1973). / C. Allègre et M. Mattauer, Structure et dynamique de la lithosphère (Hermann, 1972).
Orphée
En gr. ORPHEUS, poète musicien de la légende grecque.
Orphée apparaît, dès le VIe s. av.
J.-C., sous les traits du citharède dont la lyre et la voix enchantent la nature entière ; on le représente même aux Enfers, apaisant par son chant les dieux des Morts. Plus tard, la légende d’Eurydice a fourni une raison à cette descente aux Enfers, et, d’abord, ainsi qu’il est rapporté par Diodore de Sicile, Orphée ramenait sa femme à la lumière. C’est que l’orphisme est essentiellement une religion du salut.
Tels sont les deux versants du mythe : d’une part, avec les poèmes orphiques, dont la composition s’étend du IVe s. av.
J.-C. à la fin du paganisme, Orphée est le poète qui révèle l’origine du monde, des dieux et des hommes, le fondateur
d’une religion qui s’enchevêtre avec le culte de Dionysos et côtoie le néo-platonisme et la gnose ; d’autre part, il est l’amant malheureux d’Eurydice. Le génie de Virgile a imposé cette image pathétique dans l’épisode qui occupe la fin du livre IV des Géorgiques : poursuivie par Aristée, Eurydice, fuyant, est mordue par un serpent et meurt ; Orphée descend aux Enfers, émeut les dieux de la Mort et ramène Eurydice, à la condition de ne pas la regarder avant d’être revenu à la lumière ; impatient, il se retourne et perd pour la seconde fois et à jamais la femme aimée ; in-consolable, il repousse les avances des ménades, qui le mettent en pièces ; sa tête, livrée aux flots de l’Hèbre, répète encore aux échos le nom d’Eurydice.
Sans doute, l’idéal orphique du poète chantant l’harmonie de l’homme et de la nature et victorieux de la mort est-il présent dans les Bucoliques ainsi que dans cet épisode des Géorgiques, mais la valeur émouvante de cet amour à la fois vaincu et plus fort que la mort domine le mythe. Peu après, Ovide downloadModeText.vue.download 600 sur 625
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raconte à son tour la triste et belle histoire au livre X des Métamorphoses, avec cette variante : après la seconde perte d’Eurydice, renonçant à aimer aucune autre femme, Orphée se retire chez les Thraces et leur enseigne l’amour des garçons.
Ovide et Boèce lèguent au Moyen
Âge la figure d’Orphée, qui appa-
raît chez Marie de France et dans la romance anglaise de Sir Orfeo, où la légende reçoit une fin heureuse. Puis, l’orphisme ressuscite au XVe et au XVIe s. grâce au génie de Marsile Ficin ; traducteur des hymnes et des Argo-nautiques d’Orphée, Ficin combine la philosophie de Platon et de Plotin avec la « théologie » d’Orphée, considérée comme une partie de cette theologia prisca dérivée d’une révélation primitive qui annonce et prépare le christianisme. À cet orphisme religieux se rattache la conception du poète inspiré, en proie à la « fureur divine », qui lui donne accès à la vision de l’harmonie
cosmique : tel sera l’idéal poétique de la Pléiade, surtout avec Ronsard et Pontus de Tyard, qui se plaisent à mettre en valeur les harmonies multiples unissant l’humanité, le cosmos et Dieu. Cet accord de l’homme et de l’univers inspire en particulier l’oeuvre de Guy Le Fèvre de La Boderie, surchargée d’allégories et de symboles, et tout entière placée sous le patronage d’Orphée. La légende d’Eurydice trouve refuge au théâtre avec l’Orfeo d’Ange Politien en 1480, puis avec la comédie de F. Lope de Vega El marido más firme et enfin avec El divino Orfeo, auto de P. Calderón de la Barca. Mais c’est à l’opéra qu’elle devra, pour deux siècles, ses plus belles expressions, avec, en 1600, le « drame musical »
d’Ottavio Rinuccini Euridice, un peu après avec L’Orfeo (1607) de C. Monteverdi, inspiré de la pièce de Politien, et surtout avec, en 1774, l’opéra de C. W. Gluck et P. L. Moline, qui impose de nouveau l’image pathétique et virgilienne d’Orphée chantant « J’ai perdu mon Eurydice ».
L’orphisme connaît une nouvelle
fortune à la faveur des courants illu-ministes qui parcourent le XVIIIe s. ; ainsi, en 1799, Quintus Aucler, un de ces illuminés chers à Gérard de Nerval, expose une religion nouvelle, issue de l’orphisme, dans un ouvrage intitulé la Thréicie, en souvenir du Threicius vates (le « poète de Thrace »), qui désigne Orphée chez Virgile. Louis de Saint-Martin, Antoine Fabre d’Olivet et, en Allemagne, F. W. J. Schelling font entrer l’orphisme dans leurs systèmes théosophiques ou leur philosophie de la mythologie. À l’aube du romantisme, le nom d’Orphée se voit associé à la théorie du poète mage, révélant le secret du monde et dévoi-lant les harmonies qui découlent de l’« universelle analogie ». La doctrine de l’inspiration comme folie divine et de la poésie comme science du cosmos est présente chez André Chénier, cependant qu’Orphée inspire semblablement les poètes allemands Friedrich Gottlieb, Klopstock et surtout Novalis ; Goethe, non plus, ne reste pas insensible au mystère orphique.