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Poussin y el Greco date de 1922. Tres horas en el Museo del Prado (1923) traite sur le plan théorique et sur le plan de la technique picturale des rapports entre le baroque — ce concept relativement neuf — et le classicisme. L’Art de Goya paraît en français en 1928. Deux ans plus tard, d’Ors consacre tout un ouvrage à Picasso, qu’il admire et voudrait remettre dans le droit chemin. C’est bien là qu’apparaissent la limite de sa philosophie de la culture et l’échec de sa trop ambitieuse politique culturelle. Selon lui, Picasso pouvait être le Raphaël de notre temps. Or, Picasso préféra devenir Picasso, joyeux iconoclaste au milieu des décombres du passé, d’Ors ne voulant pas voir que d’autres valeurs que les valeurs traditionnelles se créent dans les marges, qu’une société différente se cherche dans les grandes villes industrielles et qu’un ordre original s’instaure dans le désordre ancien.

Il a exalté l’ouvrage bien fait, fait dans les règles de l’art (du jeu) par

« un homme sage qui travaille et qui joue ». Il a donné lui-même l’exemple, dans une oeuvre soignée, d’une écriture polie, d’un style lumineux. Le monde nouveau ne répond certes pas à son idéal ; nos sciences et nos techniques modernes n’ont plus rien de commun avec celles qu’il prônait. Mais, à leur insu sans doute, les artistes créateurs de notre temps traduisent et continue-ront à traduire sa leçon dans leurs mots, leurs couleurs, leur ciment ou leurs carcasses métalliques avec la même foi et, leur tâche terminée, avec le même geste d’offrande.

C. V. A.

E. d’Ors, Tres horas en el Museo del Prado (Madrid, 1923, nouv. éd., 1952 ; trad. fr. Trois Heures au musée du Prado, Delagrave, 1927, nouv. éd., 1939). / J. L. Aranguren, La filosofia de Eugenio d’Ors (Madrid, 1945).

Ortega y Gasset

(José)

Écrivain espagnol (Madrid 1883 - id.

1955).

Fils d’un journaliste influent et réputé, il collabore dès l’âge de vingt ans à l’Imparcial, quotidien madrilène.

Toute sa vie, il cherchera l’interlocuteur, lecteur du journal ou auditeur de la salle de cours. Il se met toujours en situation « dans sa circonstance ».

Ortega avait fait des études à Marburg, en Allemagne, auprès des idéalistes néo-kantiens. La réalité ne serait-elle fondée que dans le sujet qui la perçoit et la conçoit ? Ortega interroge là-dessus Cervantès et son chevalier errant, dont les idées sur le monde extérieur avaient fait surgir les plus concrètes des aventures sur les routes poudreuses de la Manche.

« Vivre, répondent-ils l’un et l’autre, c’est se révéler à soi-même et dévoiler la face cachée des choses. La réalité est au croisement de l’action et de la croyance. » Les Méditations de Don Quichotte paraissent en 1914.

Les articles d’Ortega portent d’abord sur la littérature et son contenu, sur la philosophie et sa signification. Ils sont recueillis dans les huit tomes d’El espectador (1916-1934). Ortega refuse le rationalisme, qui sclérose l’être vivant et dévitalise la culture ; il condamne le positivisme et l’idéalisme. La réalité telle qu’il la saisit est totale ; il y fait leur part à l’intuition de Bergson, au déchaînement dionysiaque de Nietzsche, à la puissance du rêve selon Freud. La philosophie appliquée est son domaine : il demande aux savants et aux sages de l’Europe des clés pour en finir avec le huis clos où se débat l’Espagne depuis des siècles.

En 1921, Ortega publie España in-

vertebrada. Pour lui, l’effondrement politique et social du pays ne peut trouver de remède dans l’éphémère victoire d’un parti sur un autre ou dans la domination sans cesse disputée d’une classe sociale. La décadence de l’Espagne ne date pas du XVIIe s. C’est un phénomène constant et qui remonte à l’empire des Wisigoths. L’Espagne n’a ni passé ni futur. L’ouvrage semble foncière-

ment pessimiste. Pourtant, Ortega est convaincu que, dans le branle-bas d’une Europe qui se cherche et crée au travers de ses guerres intestines, l’Espagne sera, tôt ou tard, absorbée dans le grand ensemble. Aussi veut-il préparer sa nation à cette métamorphose. C’est ce qu’il fait dès 1915 dans la revue España, où il joue le rôle de mentor, puis en 1923, lorsqu’il fonde la Revista de Occidente. Dans El tema de nuestro tiempo, publié cette même année, il soutient que toute société se déshumanise quand elle se laisse gérer par des politiciens en ligue avec des masses médiocres et envieuses. L’Occident, où il cherche la lumière, est lui-même atteint d’ankylose.

1923-1930 est le temps de la dic-

tature ; le pouvoir est tombé dans les mains de la caste militaire. Les « intellectuels » espagnols se réfugient dans l’exercice mental gratuit, que la censure n’atteint pas, faute de la comprendre. Le grand quotidien El Sol se hausse à la qualité des meilleurs journaux européens. Ortega y trouve, ainsi que dans La Natión, de Buenos Aires, un vaste public attentif. En 1930, dans cette veine de prosélytisme, il publie deux ouvrages : La rebelión de las masas et Misión de la Universidad. Ne se laisse-t-il pas prendre à son propre jeu ? Aux maux dont souffre la société et particulièrement l’Espagne, le philosophe propose des remèdes philosophiques ; son étude clinique et son diagnostic aboutissent à une thérapeutique pédagogique et morale.

À la veille de la proclamation de la république, sur laquelle il fondait tant d’espoirs, Ortega et les siens lancent un célèbre Manifeste. Le roi parti (1931), les hommes politiques se partagent le pouvoir. Les grands chefs de file de l’élite intellectuelle espagnole, Ortega et Unamuno* entre autres, sont écartés. Ils embrassent les problèmes au lieu de les diviser en une multitude de questions plus facilement solubles. Les putschs éclatent, et les grèves, liées à la crise économique mondiale, précipitent la crise sociale dans une Espagne aux institutions surannées.

Ortega avait nourri son engagement quotidien de méditations proprement spéculatives. Dès 1914, il avait donné

un Essai d’esthétique en guise de pré-

face. En 1921, il s’en était pris à l’apa-thie artistique de la nation. Il dédiait cette même année trois articles à l’Histoire de la philosophie selon Karl Vorländer (1860-1928), aux OEuvres complètes de Freud et à la théorie de la relativité d’Einstein présentée par Max Born. Puis ce furent des essais ou des présentations d’Oswald Spengler, de Leo Frobenius, de Kant, de Platon, de Leibniz, de Hegel. Surtout, Ortega dirigea une grande collection d’ouvrages philosophiques en traduction :

« Biblioteca de ideas del siglo XX ».

Ce n’est pas son moindre mérite que d’avoir découvert les travaux, plus tard devenus notoires, de philosophes-sociologues comme Max Scheler

et Georg Simmel et de philosophes

« purs » comme Husserl et Heidegger.

Car il en demeura persuadé : « Régé-

nération est inséparable d’européisation. España es el problema... Europa es la solución. » En 1932, il donne, à l’occasion du centenaire de la mort de Goethe, Goethe vu du dedans. En 1933, downloadModeText.vue.download 603 sur 625

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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il aborde un problème de déontologie sous le titre À propos de Galilée. En 1934 paraît le huitième et dernier volume d’El espectador.

Mais, dès 1932, un an après l’instauration de la république, Ortega avait entrepris sa « seconde navigation ».

La présentation de ses écrits prend une nouvelle façon, puisque le cadre du journal et bientôt (1936) celui de la revue font défaut ; le livre tourne au dialogue, tandis que son sujet s’éloigne de l’actualité : Études sur l’amour ainsi que l’Histoire comme système et Décadence de l’Empire romain paraissent en 1941. L’année suivante, Ortega donne la forme d’un livre à son essai de 1927, Théorie de l’Andalousie. Cependant, l’Espagne officielle lui fait grise mine, car il ne se laisse pas embriga-der. Des ouvrages importants seront publiés après sa mort. Paraissent en 1957 l’Homme et la « gens », en 1958