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Depuis la chute de

Constantinople (1453)

La prise de la capitale par les Turcs ottomans de Mehmed II Fatih (29 mai

1453), mettant fin à l’Empire byzantin millénaire, transforme radicalement la situation de l’Église, étroitement liée à cet Empire. En fait, le Conquérant, instituant comme patriarche le moine théologien antilatin Georges Schola-rios, qui prend le nom de Gennadios II (1454-1456), établit celui-ci à la fois ethnarque des Grecs et chef suprême de tous les orthodoxes de son empire, lui permettant même l’usage de certains insignes impériaux. Situation conforme au droit islamique, qui ne sépare pas les juridictions civile et religieuse, mais situation précaire, qui lie le patriarcat à l’administration de la Sublime Porte et identifie la religion orthodoxe avec l’hellénisme. La haute administration patriarcale est sous l’influence immé-

diate de la puissante aristocratie commerçante des Phanariotes (du nom de Phanar, quartier d’Istanbul-Constantinople, où se trouvent leurs résidences et leurs entrepôts ; c’est là que le patriarche établit finalement sa résidence à partir de 1612). C’est avec leur collaboration et, pour une large part, grâce au rôle grandissant qu’ils jouent dans l’Empire ottoman que l’emprise du

« patriarcat oecuménique » s’affermit sur les anciens patriarcats melkites : le patriarche d’Alexandrie, réfugié à Constantinople à partir de 1517, ne regagnera l’Égypte que sous Méhémet-Ali (1846) et ne retrouvera une certaine autonomie qu’au début du XXe s., pour rester d’ailleurs jusqu’à maintenant strictement hellénophone.

Le patriarcat d’Antioche, établi

à Damas depuis 1380 environ, sera sous la tutelle immédiate du saint-synode constantinopolitain à partir de l’élection controuvée de 1724 jusqu’à 1899. C’était déjà, depuis la fin du royaume latin de Jérusalem (1291), la situation du patriarche de la Ville downloadModeText.vue.download 606 sur 625

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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sainte ; après la conquête ottomane (1517), son élection sera confiée, sous le contrôle de la Sublime Porte et du saint-synode de Constantinople, à la

« confrérie du Saint-Sépulcre (hagio-taphique) », qui, au moins depuis

1534, a toujours réservé à des Grecs les hautes charges ecclésiastiques. Il en va de même pour les anciens pays bulgares et serbes conquis par les Turcs depuis l’hellénisation de l’archevêché d’Ohrid, qui finira d’ailleurs par être lui-même supprimé en 1767.

Dans le Sud-Est européen, ce sont les principautés semi-autonomes de Valachie et Moldavie, administrées par une aristocratie civile et ecclésiastique très hellénisée, qui constituent l’un des foyers les plus vivants de l’orthodoxie, tandis que, dans la Transylvanie, soumise à la domination des Habsbourg à partir de 1691 et depuis longtemps troublée par la crise calviniste, se dessine un mouvement d’union avec Rome qui aboutit à l’acte d’Alba-Iulia (1698).

Un siècle plus tôt, un mouvement

semblable en pays ruthène, incorporé au royaume de Pologne-Lituanie depuis 1501, avait, au lendemain de l’érection du patriarcat de Moscou, provoqué l’union de Brest-Litovsk (1596), prototype des Églises « catholiques uniates », c’est-à-dire qui maintiennent la liturgie et les usages byzantins dans le cadre d’une ecclésiologie et d’une théologie conformes aux conceptions romaines. Un réveil à la fois national et spirituel se manifeste par contre sous l’impulsion de l’Église orthodoxe dans les pays grecs, notamment dans les îles de l’Égée et en Crète. Si, d’une part, il prépare les insurrections qui conduiront à l’indépendance et à la constitution d’Églises nationales, il est animé en profondeur par une renaissance artistique (école crétoise d’iconographie), littéraire et spirituelle.

Ce renouveau spirituel a comme

principal foyer la république monastique de l’Athos, à laquelle est reconnue une assez large autonomie. C’est là que s’élabore l’oeuvre théologique, canonique et spirituelle de saint Nico-dème l’Hagiorite (1749-1809) et de ses compagnons ; au premier plan, la compilation juridico-canonique du Pidalion (Gouvernail, 1800) et surtout la somme ascétique et mystique de la tradition hésychaste, la Philoca-lie (Amour du beau, 1782), dont l’influence sera immense, notamment dans le monde russe (la traduction slavonne

de Païssi Velitchkovski [1722-1794], la Dobrotolioubie, est publiée à Saint-Pétersbourg en 1793).

C’est en effet la Russie* qui va

devenir durant cette période le véritable centre de l’orthodoxie et le foyer d’une rénovation décisive de l’héritage doctrinal et spirituel reçu de Byzance. Si la vieille métropole de Kiev a perdu son rôle primatial à partir de l’invasion mongole de 1240, son archevêque, après avoir cherché refuge à Vladimir, fixe sa résidence dans la nouvelle capitale princière de Moscou en 1325. Ayant récusé l’union de Florence signée par le métropolite Isidore, Moscou se constitue en métropole autonome en 1448. Après son mariage en 1472 avec une princesse byzantine, le grand-prince Ivan III (1462-1505) se considère comme l’héritier légitime de l’Empire byzantin et prend le titre de tsar (César).

Cette idéologie de Moscou « troi-

sième Rome » (et il n’y en aura pas de quatrième) trouve bientôt son théoricien le plus caractérisé avec le moine Philothée de Pskov dans une lettre à Basile II. Sur le plan ecclésiastique, cette prétention sera partiellement satisfaite lorsqu’en 1589 le patriarche de Constantinople Jérémie II reconnaî-

tra au métropolite de Moscou l’entière autocéphalie et le titre de « patriarche de toutes les Russies ».

À partir de ce moment, et si grand que soit le rôle qu’elle joue dans l’orthodoxie tout entière, l’Église russe doit être considérée pour elle-même.

C’est à la même époque (1575 et 1582) que le saint-synode de Constantinople reconnaît l’entière indépendance du minuscule archevêché monastique

du Sinaï à l’égard du patriarcat de Constantinople.

La constitution d’Églises natio-

nales autocéphales va se multiplier au cours des XIXe et XXe s. avec la dislocation de l’Empire ottoman, héritier de l’Empire byzantin, qui s’identifiait avec l’orthodoxie. Le patriarcat de Constantinople tentera vainement de s’y opposer en brandissant, non sans quelque raison, l’accusation de « phylétisme » (nationalisme). Proclamée

en 1833, l’autocéphalie de l’Église de Grèce est reconnue par Constantinople en 1850 ; celle de l’Église roumaine, proclamée en 1864, est reconnue en 1885 ; le patriarcat serbe sera rétabli en 1920 ; en Bulgarie, l’autocéphalie est enfin reconnue en 1945, et le patriarcat est rétabli en 1953. Ce n’est que très transitoirement, et grâce à la personnalité du patriarche Athênagoras Ier (1948-1972), que le siège oecuménique de Constantinople retrouve pour l’ensemble de l’orthodoxie une influence notable. La préparation du « grand et saint concile panorthodoxe », qui fut à partir de 1964 l’une des préoccupations prédominantes du patriarche Athênagoras, donnera peut-être à l’orthodoxie le visage renouvelé qu’appelle la situation actuelle.

Organisation actuelle

La « sainte Église orthodoxe catholique » se présente comme une communion dans la foi et dans la reconnaissance d’une commune tradition liturgique et disciplinaire d’Églises indépendantes autocéphales qui reconnaissent une primauté d’honneur au patriarche oecuménique de Constantinople, la Nouvelle Rome, depuis que la communion canonique a été rompue avec le pape de l’ancienne Rome.

Patriarcat oecuménique de

Constantinople

Sa juridiction immédiate, outre les cinq métropoles du territoire turc (Istanbul, Chalcédoine [Kadiköy], Yesilköy, Büyükada, Imbros-et-Téné-