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DIMITRI A STEPANOV (délégué soviétique à Houston ; traduit du russe). Je vous confirme mon accord pour le Pacifique, Petr Simonovitch. Mais essayez de faire que cette chose reste dans le ciel. Pour la navette, pas de problème, c’est le Nevada.

DALTON. Il y a un trou qui s’ouvre à la surface, à une centaine de mètres.

SHERMAN. Il en émerge une forme cylindrique. D’environ dix mètres de haut par trente de diamètre. C’est peut-être un sas pneumatique ?

TSERBATSKY. Une large ouverture apparaît sur le flanc du cylindre.

HOUSTON. Saut de Puce ? Ils ont interrompu la diffusion de leur plan d’atterrissage. Nous recevons à présent un nouveau schéma. Vous y êtes représentés à l’extérieur du globe et une ligne pointillée vous relie à son intérieur. Ils veulent que vous entriez à l’intérieur. Vous feriez bien de vous équiper, Sherman et Tserbatsky. Dalton suivra la manœuvre.

H plus 3 jours 16 heures 50 minutes

DALTON. Ils sont arrivés devant le sas. Tout va bien, Paulus ?

SHERMAN. Tout va bien. Vous nous recevez bien, Houston ?

HOUSTON. Très bien. Les images sont bonnes.

SHERMAN. L’intérieur du cylindre est vide. C’est une vaste salle circulaire. Je distingue quelque chose comme des détecteurs à l’arrière-plan. Nous pénétrons ensemble.

DALTON. Deux grands pas pour l’humanité, hein ? Houston ! La porte se referme. Ça s’est refermé sur eux !

TSERBATSKY. Une porte doit être ouverte ou fermée, mon camarade. Nous… (Transmission interrompue).

DALTON. La porte est hermétiquement fermée. Le cylindre se rétracte au niveau de la surface. Tu m’entends, Paulus ? Paulus ? Houston, j’ai perdu le contact. Houston, vous m’entendez ?

HOUSTON. Nous vous recevons parfaitement.

DALTON. Alors, c’est que quelque chose étouffe leurs transmissions.

H plus 4 jours 06 heures 35 minutes

DALTON. Houston ! Le cylindre remonte… La porte s’ouvre… Je les vois dans l’encadrement de la porte. Paulus ? Tserbatsky ? Vous me recevez ?

SHERMAN. Oui, Mike, on t’entend. Mais on est fatigués.

TSERBATSKY. Houston ?

HOUSTON. Houston à Saut de Puce. Sherman. Tserbatsky, contents de vous revoir. Que s’est-il passé ?

SHERMAN. On pourrait résumer la situation en disant que maintenant, la balle est dans leur camp…

TSERBATSKY. L’histoire n’a donc pas de sens pour vous ? Des êtres intelligents ont traversé les profondeurs de l’espace pour entrer en contact avec nous. Ils ouvrent la porte de l’Univers. Ne prenons pas l’initiative de la refermer !

DALTON. Bien dit, Ivan. Raconte-nous plutôt de quoi ils ont l’air ?

TSERBATSKY. Ah !… oui, c’est vrai. Leur apparence. Ce sont des bipèdes, c’est-à-dire avec deux bras et deux jambes comme nous, mais ils sont beaucoup plus grands, dans les trois mètres. Ils sont, comment dire, dégingandés et leur peau est d’un gris poudreux. Aucune pilosité apparente. Ils ont un gros nez plat et mou, un peu comme celui des hérédo-syphilitiques, avec une seule narine au milieu du visage. Quant à leurs yeux, ils sont bien plus rejetés sur les côtés de la tête que les nôtres. Leur champ de vision doit être de cent quatre-vingts à deux cents degrés. Pour en finir avec leurs yeux, ils sont aussi saillants que ceux d’un chien pékinois. Leurs oreilles ressemblent à des sacs de papier chiffonnés qui se gonfleraient et se dégonfleraient continuellement. J’ai pu voir que leur bouche était garnie de petites dents cartilagineuses. La cavité buccale elle-même est d’une couleur brillamment orangée, à l’exception de la langue qui est rouge sombre, mais très longue et aussi souple que la trompe d’un papillon.

SHERMAN. Ils ont analysé notre air et aménagé une sorte de salle de réception aux parois de verre pour que nous puissions nous débarrasser de nos casques. Nous leur avons remis les échantillons – bandes vidéo et microfilms – de langage. Ils les ont placés dans une machine – décontamination, sans doute – et se sont littéralement jetés dessus. Dix minutes à peine plus tard, les bandes passaient sur écran. Deux d’entre eux se contentaient de regarder les écrans et d’écouter. Un autre nous a apporté une ardoise-écran sur laquelle nous pouvions écrire.

TSERBATSKY. Ils nous ont réservé un accueil d’une fraternelle désinvolture. Comme si, biologiquement, nous étions collègues d’intelligence. Ils étaient très affairés. Nous n’étions que des touristes. Ils utilisent pour parler une grande étendue de sons. Des sons parfois suraigus. J’ai reconnu le contre-ut qui brise le lustre de l’Opéra. Et soudain, ils vont chercher au fond de leur gorge des sons de basse profonde, passant très rapidement d’un extrême à l’autre.

SHERMAN. Nous avons négocié avec deux d’entre eux au moyen de l’ardoise-écran. Il nous suffisait de dessiner avec nos doigts pour que les images apparaissent. Nous sommes convenus qu’ils se mettraient en orbite d’attente. Ils enverront un petit véhicule se poser sur le site prévu au Nevada. Nous avons demandé et obtenu qu’ils se garent sur une orbite transpolaire d’une longitude de vingt degrés ouest et cent soixante degrés est. Les seules régions survolées sont la Sibérie, l’Antarctique, Reykjavik en Islande plus quelques îlots du Pacifique. D’accord ?

TSERBATSKY. Rendez-vous compte, messieurs, nous avons rencontré nos frères des étoiles. Et voici que nous allons les cacher à la vue du monde. J’en reste encore incrédule !

STEPANOV (lui répondant en russe par un proverbe qu’on peut librement traduire ainsi). Est frère celui qui se conduit en frère, Petr Simonovitch.

SHERMAN. Moi, je suis sur les rotules. Nous rentrons à bord pour dormir.

HOUSTON. Encore autre chose. Saut de Puce. Avez-vous trouvé pourquoi ils sont venus ?

SHERMAN. Toujours pas. En dehors des échanges de coordonnées de mise en orbite et d’atterrissage, je n’y ai vu qu’une longue leçon de philologie, entièrement passée à vérifier les bandes qu’on avait apportées. On n’a jamais pu sonder leurs intentions et passer à des sujets plus personnels.

HOUSTON. C’est normal, Paulus. Je pense qu’ils ont été droit à ce qui les intéressait sans s’occuper du reste. Comment se passe la communication avec eux, si elle n’est pas verbale ?

Après avoir lu les transcriptions, Sole resta à regarder la couverture rouge de la liasse de feuillets photocopiés qu’un avion venait d’acheminer directement de Houston à Fort Meade. C’était apparemment la marque de la disgrâce où était tombée la transmission par télécopieur pour des sujets aussi délicats. Ceux qu’on appelait les « Duplicateurs sauvages » sévissaient aux États-Unis depuis au moins un an et se faisaient une joie plus ou moins désintéressée, avec plus ou moins d’à-propos, d’extraire des signaux codés dans le réseau public du téléphone, les documents ainsi dupliqués, fussent-ils protégés par un brouillage. Cela avait déjà, au cours de la dernière année, provoqué un scandale retentissant au sujet des procédés de stockage des déchets nucléaires. Il n’en fallait pas rechercher l’origine ailleurs que dans cette guérilla de bricoleurs. On racontait aussi des choses concernant l’espionnage industriel pratiqué sur des firmes pharmaceutiques. On évoquait le cas de ces faux rapports gouvernementaux introduits dans le système quelque part entre le Département d’État et le Pentagone. Du coup, on avait redécouvert les vertus du courrier personnel, la virginité entre autres, ce qui lui valait une nouvelle prééminence sur la télécopie.

La couverture rouge portait l’inscription :

SECRET

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