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Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges

Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue

Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs

Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque

Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux

Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Tu es la nuit dans un grand restaurant

Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant

Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant

Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey

Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées

J'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

J'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

Tu es seul le matin va venir

Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive

C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie

Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied

Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée

Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance

Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu

Soleil cou coupé

Le pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu'il m'en souvienne

La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante

L'amour s'en va

Comme la vie est lente

Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure

Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

La Chanson du Mal-Aimé

A Paul Léautaud

Et je chantais cette romance

En 1903 sans savoir

Que mon amour à la semblance

Du beau Phénix s'il meurt un soir

Le matin voit sa renaissance.

Un soir de demi-brume à Londres

Un voyou qui ressemblait à

Mon amour vint à ma rencontre

Et le regard qu'il me jeta

Me fit baisser les yeux de honte

Je suivis ce mauvais garçon

Qui sifflotait mains dans les poches

Nous semblions entre les maisons

Onde ouverte de la Mer Rouge

Lui les Hébreux moi Pharaon

Oue tombent ces vagues de briques

Si tu ne fus pas bien aimée

Je suis le souverain d'Égypte

Sa sœur-épouse son armée

Si tu n'es pas l'amour unique

Au tournant d'une rue brûlant

De tous les feux de ses façades

Plaies du brouillard sanguinolent

Où se lamentaient les façades

Une femme lui ressemblant

C'était son regard d'inhumaine

La cicatrice à son cou nu

Sortit saoule d'une taverne

Au moment où je reconnus

La fausseté de l'amour même

Lorsqu'il fut de retour enfin

Dans sa patrie le sage Ulysse

Son vieux chien de lui se souvint

Près d'un tapis de haute lisse

Sa femme attendait qu'il revînt

L'époux royal de Sacontale

Las de vaincre se réjouit

Quand il la retrouva plus pâle

D'attente et d'amour yeux pâlis

Caressant sa gazelle mâle

J'ai pensé à ces rois heureux

Lorsque le faux amour et celle

Dont je suis encore amoureux

Heurtant leurs ombres infidèles

Me rendirent si malheureux

Regrets sur quoi l'enfer se fonde

Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes vœux

Pour son baiser les rois du monde

Seraient morts les pauvres fameux

Pour elle eussent vendu leur ombre

J'ai hiverné dans mon passé

Revienne le soleil de Pâques

Pour chauffer un cœur plus glacé

Que les quarante de Sébaste

Moins que ma vie martyrisés

Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu

Avec la femme qui s'éloigne

Avec celle que j'ai perdue

L'année dernière en Allemagne

Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô sœur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

Je me souviens d'une autre année

C'était l'aube d'un jour d'avril

J'ai chanté ma joie bien-aimée

Chanté l'amour à voix virile

Au moment d'amour de l'année

Aubade chantée à Laetare l'an passé

C'est le printemps viens-t'en Pâquette

Te promener au bois joli

Les poules dans la cour caquètent

L'aube au ciel fait de roses plis

L'amour chemine à ta conquête

Mars et Vénus sont revenus

Ils s'embrassent à bouches folles

Devant des sites ingénus

Où sous les roses qui feuillolent

De beaux dieux roses dansent nus

Viens ma tendresse est la régente

De la floraison qui paraît

La nature est belle et touchante

Pan sifflote dans la forêt

Les grenouilles humides chantent

Beaucoup de ces dieux…

Beaucoup de ces dieux ont péri

C'est sur eux que pleurent les saules

Le grand Pan l'amour Jésus-Christ

Sont bien morts et les chats miaulent

Dans la cour je pleure à Paris

Moi qui sais des lais pour les reines

Les complaintes de mes années

Des hymnes d'esclave aux murènes

La romance du mal aimé

Et des chansons pour les sirènes

L'amour est mort j'en suis tremblant

J'adore de belles idoles

Les souvenirs lui ressemblant

Comme la femme de Mausole

Je reste fidèle et dolent

Je suis fidèle comme un dogue

Au maître le lierre au tronc

Et les Cosaques Zaporogues

Ivrognes pieux et larrons

Aux steppes et au décalogue

Portez comme un joug le Croissant

Qu'interrogent les astrologues

Je suis le Sultan tout-puissant

O mes Cosaques Zaporogues

Votre Seigneur éblouissant

Devenez mes sujets fidèles

Leur avait écrit le Sultan

Ils rirent à cette nouvelle

Et répondirent à l'instant

A la lueur d'une chandelle

Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople

Plus criminel que Barrabas

Cornu comme les mauvais anges

Quel Belzébuth es-tu là-bas

Nourri d'immondice et de fange

Nous n'irons pas à tes sabbats