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— C’est grave ?

— Non, non, mais il faut que je le fasse maintenant. Donc, je te confie cette affaire.

— Tu peux compter sur moi, affirma Ishan Kambiz. Mehdi Chimran raccrocha. Après quelques instants de méditation, Ishan Kambiz gagna la salle de bains. Pour l’instant, il n’avait plus rien à faire. Linda était penchée sur le lavabo, en train de se laver les dents, la croupe saillante. L’Iranien n’eut pas besoin de se frotter à elle bien longtemps pour devenir dur comme du bois.

Il s’enfonça dans son sexe avec un « han » de bien-être, la remplissant entièrement. Sans lâcher sa brosse à dents, Linda commença à se balancer d’avant en arrière, régulière comme un métronome. Ishan Kambiz profita quelques instants de cette houle, puis se retira avec lenteur, remonta un peu, et, férocement, de tout son poids, se planta d’un coup dans les reins de la fille. A seize ans, c’était sa première expérience de ce genre et elle poussa un hurlement dément. Ce cri était tellement exquis que l’Iranien explosa instantanément, pouvant à peine bouger entre les parois trop étroites. Le contact de ses fesses inouïes de fermeté le rendait fou. Il regarda dans la glace les yeux pleins de larmes de Linda et se retira d’un coup, plongeant aussitôt sous la douche. Même cette sensation délicieuse n’avait pas effacé l’agacement de son voyage raté.

* * *

Pavel Sakharov avait à peine touché à son déjeuner, l’appétit coupé. Incapable de se concentrer sur la conversation de ses invités — des hommes d’affaires grecs —, il repensait sans arrêt au coup de téléphone qu’il venait de recevoir lui apprenant un grave contretemps qu’il ne parvenait pas à s’expliquer. Quoi qu’il en soit, il lui fallait tirer les choses au clair, de toute urgence. C’était pour lui une question de survie. Il disputait une course mortelle contre la montre. L’opération qu’il avait mise sur pied devait se dérouler très rapidement, sinon, il y aurait des fuites et les Israéliens ou les Américains, sans parler des Irakiens, feraient tout pour l’éliminer physiquement.

Le voyage raté d’Ishan Kambiz était une catastrophe. Il se gratta la gorge et annonça à la cantonade avec un sourire de circonstance :

— J’ai reçu de mauvaises nouvelles. Je suis obligé de retourner à Moscou pour une affaire urgente. Il faut que nous bouclions tout d’ici la fin de cet après-midi.

En tant que vice-président de la société mixte Isotop, il parcourait le monde à la recherche de contrats.

Tandis qu’il sortait de la salle à manger du Grande Bretagne, il prit son chauffeur à part.

— Nous partons ce soir. On traversera la Yougoslavie. Tant pis pour les problèmes. Je veux être à Budapest demain.

Le salon de thé Gerbaud semblait sorti tout droit du XIXe siècle avec ses plafonds hauts, ses moulures rococos, ses murs tendus de tissu et ses serveuses en coiffes blanches. Une foule de mémères se pressait devant les comptoirs de la première salle, faisant goulûment leur choix. Presque toutes les tables étaient occupées. Malko et Tibor Zaïa avaient pris place dans la seconde salle, devant du thé et des dobos, le gâteau fétiche de la maison. Il y avait de tout : des hommes seuls lisant leur journal, des filles jeunes et belles, des grappes de chaisières enchapeautées, sentant la naphtaline. Impassibles, se déplaçant sur leurs petits chaussons noirs de coureur cycliste, des serveuses rougeaudes faisaient la navette entre le buffet et les tables. Même au pire des restrictions communistes, il y avait toujours eu des pâtisseries au Gerbaud.

Tibor Zaïa avala un peu de dobo et dit calmement :

— Mr. Spencer est très gentil, mais il est imprudent.

— Pourquoi ?

— La mafia russe est très bien organisée. Ils ont des ramifications partout. D’abord dans le KGB qui leur fournit des informations précieuses sur tous ceux qui les contactent. Ensuite, dans la police hongroise.

— Parlez-moi de cette Kirghize, réclama Malko. Qui est-ce ? Tibor lui jeta un regard en coin.

— Elle s’appelle Zakra, c’est une fille superbe. Elle était la vedette d’une école de mannequins dans son pays.

Que pouvaient faire les Kirghizes avec des mannequins ?… Décidément, l’ex-Union soviétique réservait beaucoup de surprises.

— Il y a des défilés de mode au Kirghiztan ? interrogea Malko. Le Hongrois sourit, ironique.

— C’était un truc de la mafia pour recruter de jolies filles. Ensuite, ils leur ont proposé de venir travailler à l’Ouest. Faire les putes et du dollar. Elles ont toutes accepté et c’est ici qu’elles débarquent. Elles arrivent comme touristes, puis elles s’installent. En investissant un million de forints pour monter une société, on peut avoir un permis de séjour pour tous les participants. C’est ce que les Russes ont fait.

— Cette Zakra, elle trompe son amant ? Tibor Zaïa corrigea avec un sourire.

— C’est une Kirghize ! Elle a un caractère très indépendant. Si elle voit son avantage, elle ne demandera pas sa permission. Il leva la tête et dit à voix basse : Tenez, la voilà. Avec son garde du corps.

Le cuivre de ses cheveux se voyait comme un gyrophare dans le brouillard. Pourtant, il y avait du monde autour du comptoir des pâtisseries. Il faut dire que Zakra la Kirghize était exceptionnelle. Un mètre quatre-vingts environ, avec sur le sommet du crâne un étrange chignon enfermé dans une petite cage de fils d’or. Son corps était dissimulé par une houppelande en astrakan noir qui lui tombait jusqu’aux chevilles.

Elle se tourna et Malko découvrit un visage d’une beauté sauvage. D’immenses yeux sombres en amande surmontés de sourcils épais et bien dessinés, avec des pommettes proéminentes de Slave et surtout une bouche très rouge, épaisse et large, dans laquelle on avait envie de mordre comme dans un fruit bien mûr.

Presque collé à elle, il y avait une sorte de yéti aussi large que haut, le crâne rasé, un blouson de nylon rosé dissimulant des pectoraux de taureau.

Tibor Zaïa leva le bras et l’agita. Le fruit rouge au milieu du visage de Zakra sembla se dilater et elle fonça vers leur table, comme une lionne cherchant sa proie, bousculant sans ménagement les petites vieilles dames. Arrivée à leur hauteur, elle embrassa chastement le Hongrois avec un sourire dévastateur et son regard tomba enfin sur Malko que Tibor lui présenta aussitôt, sous son seul prénom.

Au lieu de lui serrer la main, elle l’embrassa aussi, frôlant la commissure de ses lèvres. Ses yeux étaient absolument inouïs, des lacs noirs aux pupilles si dilatées que Malko pensa qu’elle se droguait.

— Dobredin, fît-elle d’une voix grave aux intonations métalliques. Je peux m’asseoir avec vous ?

Sans attendre la réponse, elle défit le crochet qui retenait sa houppelande et, d’un léger mouvement des épaules, la fît tomber à terre. Aussitôt le yéti s’en empara et la plia sur ses genoux… Malko avait l’impression d’être soudain relié à une ligne haute tension. Ce qu’il découvrait était encore plus extraordinaire que le visage admirable de la Kirghize. Celle-ci arborait pourtant une tenue qui, sur une autre qu’elle, aurait été le comble de la modestie : un chemisier de soie jaune fermé par un col officier, un caleçon en fausse panthère disparaissant dans de courtes et souples bottes noires.

Seulement la soie jaune était tendue par des seins qui semblaient rapportés tant ils étaient importants, pointus et fermes. Leurs contours se dessinaient jusqu’au moindre détail. Au Kirghiztan, on devait ignorer l’existence des soutiens-gorge… Sa croupe était tout aussi généreuse et le caleçon semblait peint dessus. Entre les deux, il y avait une taille de guêpe enserrée dans une grosse ceinture de cuir dont la boucle représentait une panthère bondissante.