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— Tu es fou ! se récria Karim Nazarbaiev. Les pupilles de Pavel Sakharov s’étaient rétrécies. Il essayait mentalement d’imaginer ce qui avait pu arriver à l’échantillon de plutonium 239. Bien sûr, il avait pu rester dans les vêtements du Russe. Mais si quelqu’un d’intelligent était tombé dessus, c’était la catastrophe…

La sueur perlait au front du mafioso. Un des gardes du corps de Sakharov glissa le long du mur comme une araignée et vint s’appuyer au coffre-fort. L’atmosphère était à couper au couteau. Pavel Sakharov se rendit compte qu’il ne tirerait rien de plus du trafiquant kirghize. Le pire, c’est que ce dernier ne réalisait même pas l’ampleur des dégâts. Il hocha la tête et fit avec tristesse :

— Je t’avais fait confiance, Karim. Nazarbaiev écarta les mains en un geste d’impuissance et croassa :

— Je ne sais pas ce qui est arrivé. Ces Arabes sont cinglés.

Pavel Sakharov laissa s’échapper l’air de ses poumons avec une lenteur voulue, puis se pencha à toucher le visage de l’autre et lâcha d’une voix basse et calme :

— Tu mens, Karim ! Je vais te dire, moi, ce qui s’est passé. Au lieu de transmettre simplement ce que je t’avais confié, tu as voulu te livrer à une de tes escroqueries minables en essayant de leur vendre du « Red Mercury ». Comme c’étaient des gens sérieux, ils l’ont très mal pris et ils me l’ont fait savoir. Par ce message.

— Un message. Quel message ? demanda le Kirghize brutalement affolé. Pavel Sakharov eut un sourire cruel :

— Ton Stephan et les deux autres.

— C’est faux, affirma le Kirghize.

Pavel Sakharov tendit la main paume en-dessus.

— Donne-moi la clef de ton coffre.

Karim Nazarbaiev n’essaya même pas de résister. C’est le garde du corps qui fit pivoter la lourde porte du coffre. Pavel Sakharov examina le contenu d’un coup d’œil et son regard tomba sur une mallette métallique rangée sur l’étagère inférieure. Il la sortit et l’ouvrit. Elle contenait des sachets de poudre rougeâtres serrés les uns contre les autres.

Karim Nazarbaiev devint blanc comme de la craie et baissa les yeux, cherchant à ouvrir le tiroir de son bureau. Pavel Sakharov le laissa faire puis, quand ses doigts furent bien engagés dans l’ouverture, d’un coup de genou brutal, il referma le tiroir… Le mafioso kirghize poussa un hurlement et devint encore plus livide.

Pavel Sakharov rouvrit le tiroir complètement et aperçut un gros pistolet automatique noir, posé à plat, qu’il sortit en le tenant par le canon. Le Kirghize frottait ses doigts endoloris avec une grimace de douleur.

— C’est ça que tu voulais attraper ? demanda Pavel Sakharov d’un ton glacial. L’autre, dépassé, ne répondit même pas.

— Karim, dit le Russe après un bref silence, tu devrais me dire la vérité. Nous sommes de vieux amis et tout le monde peut commettre des erreurs, non ?

Karim Nazarbaiev prit son courage à deux mains. A cette heure-là, il savait qu’aucun de ses gardes tchétchènes ne se trouvait dans les parages. Il ne pouvait compter que sur lui-même.

— Écoute, c’est vrai, j’ai fait une connerie, se confessa-t-il d’un ton larmoyant. En plus de ton truc, j’ai voulu leur proposer le « Red Mercury ». Moi, je ne suis pas un savant, il y a des gens qui disent que c’est très utile. Mais j’avais bien dit à Stephan de lui donner d’abord l’échantillon. Ensuite, s’ils étaient intéressés…

Pavel Sakharov le fixa longuement, plein de mépris, les yeux encore plus pâles.

— Karim, c’est très mal de charger les morts, cela porte malheur.

Karim Nazarbaiev arriva à affronter son regard glacial et comprit dans ses os que cette dernière phrase n’était pas dite à la légère.

* * *

Protégée du monde extérieur par les vitres couvertes de buée, Zakra embrassait Malko avec fureur, une main posée entre ses jambes, massant délicatement son érection douloureuse.

— Demain, promit-elle. Je m’arrangerai.

Il n’eut pas le temps de répondre.

La portière de son côté s’ouvrit brutalement, laissant entrer une rafale d’air glacé. Il eut l’impression qu’un ours lui arrachait l’épaule et il bascula dehors, tombant sur le gravier du parking. Son regard accrocha une silhouette massive penchée sur lui, de petits yeux noirs en amande, un mufle féroce et une main énorme levée pour lui assener une manchette mortelle.

Grosny le Tchétchène les avait retrouvés.

Chapitre V

Le cri de Zakra semblait venir du fond des âges. Il vrilla les tympans de Malko et arrêta la masse prête à le piétiner. Dans un réflexe de survie, Malko roula sur lui-même, tentant d’échapper à son adversaire. Dix secondes plus tard, deux bras se refermaient autour de lui comme des pinces de métal, l’étouffant à moitié. Il se sentit soulevé du sol et vit approcher le parapet dominant le vide d’une bonne centaine de mètres. Il avait beau s’arcbouter, se défendre, son adversaire semblait insensible aux coups.

Brutalement, Zakra, échevelée, enragée, surgit devant eux, repoussant la masse des deux corps vers l’intérieur du terre-plein. En même temps, elle lançait des ordres d’une voix gutturale au Tchétchène, comme un dompteur essaie de calmer un fauve. Cela dura d’interminables secondes puis Malko sentit qu’il redescendait et que ses pieds reprenaient contact avec le sol. Le carcan qui l’empêchait de respirer se desserra à son tour…

Enfin, le Tchétchène écouta. Il fallut encore des paroles apaisantes de Zakra pour qu’il se détende complètement. Elle se tourna ensuite vers Malko et demanda sèchement :

— Tu as des dollars ?

— Oui.

— Donnes-m’en cent.

Il s’exécuta et Zakra fourra les billets dans la main du Tchétchène qui alla docilement se mettre au volant ; il faisait froid et il pleuvait mais Malko ne sentait rien, tout au plaisir d’être vivant. Zakra était furieuse.

— C’est vraiment une bête ! grommela-t-elle. Il m’a vue monter dans ta voiture et nous a suivis à pied jusqu’ici ! Tu te rends compte !

Malko se rendait compte. L’avenir immédiat était dégagé, mais pas le futur. Zakra alla prendre sa houppelande et se drapa dedans.

— Nos projets semblent compromis, remarqua Malko.

Elle posa sur lui un regard inexpressif et dit d’une voix égale :

— Je ne sais pas encore… Il ne parlera pas tout de suite, mais Karim va le cuisiner et il est trop con pour éviter les pièges. Karim risque de vouloir se venger de toi. Si tu veux, on peut essayer quelque chose ici.

— Quoi ?

— Je lui dis de ressortir de la voiture, que j’ai perdu quelque chose, là près du parapet. Quand il sera en position, tu le pousses.

Malko ne répondit pas : il ne se voyait pas commettre un meurtre de sang-froid. Même sur un yéti… Zakra sentit sa réticence et lui adressa un regard teinté de mépris :

— Si tu étais passé par où je suis passée, tu ferais comme moi. Nifchevo. N’en parlons plus ; et puis, tu as peut-être raison : si on le ratait, il deviendrait vraiment méchant.

Ils regagnèrent la voiture de Malko et elle ordonna au Tchétchène de descendre les lacets menant au Gellért. Arrivés en face de l’hôtel, Grosny descendit sans un mot et fila vers la voiture de la Kirghize. Celle-ci, comme si rien ne s’était passé, lança :

— Tu veux toujours me revoir ?

— Bien sûr, dit Malko.

— Bien ! dit-elle. Tu habites au Hilton. Quelle chambre ?

— Je t’appellerai. Très vite. Cette fois, nous aurons le temps…

Elle se pencha pour l’embrasser et il sentit à nouveau ses seins lourds s’écraser contre son torse. Elle s’éloigna d’un pas vif, balançant au vent les pans de sa houppelande.