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Une foule dense cernait la Scala, Avenida Afranio de Mélo Franco, applaudissant à l’arrivée des travestis. Chris et Milton osaient à peine sortir de la voiture, muets de honte. Il fallut que Malko les pousse dehors.

* * *

Un superbe barbu à la pilosité fournie s’inclina profondément devant les arrivants, faisant tournoyer la traîne de sa robe de mariée avec des mimiques de jeune vierge.

Sur une table, deux travestis dansaient au son de E Carnaval, en guêpière et bas noirs, exhibant des croupes superbes, en face d’un Noir à la peau semée de paillettes d’or, uniquement vêtu d’un minuscule slip en panthère dilaté par une superbe érection. Une écœurante odeur de vomi flottait autour du bar où se pressait une foule de sexe indéterminé dans les tenues les plus abracadabrantes. Quelques vieux pédés promenaient leur spleen au milieu du vacarme, indifférents à tout. La salle se composait d’un parterre avec un podium où des orchestres se relayaient et d’un premier étage en galerie où se tenaient les invités de marque. La piste de danse s’emplissait peu à peu de « femmes » toutes plus sexy les unes que les autres.

Le « boum-boum-boum » de la samba tapait dans les têtes, rythmant leurs évolutions. Beaucoup plus proche du tam-tam africain que de Brahms. De temps à autre, un travesti désireux de se faire remarquer montait sur une table et commençait son exhibition…

Chris et Milton étaient parfaitement dans l’ambiance avec leurs nœuds papillon. Malko, en chemisette et pantalon, ne se remarquait pas trop. Milton avisa une splendide créature à la croupe callipyge qui dansait à trois mètres de lui, en lui décochant des œillades à faire bander un ayatollah.

— C’est pas possible, ce n’est pas un mec ! glissa-t-il à l’oreille de Malko. Vous avez vu ce cul et ces seins…

— C’est un homme, corrigea Malko. Les seins, c’est le silicone, les fesses, les piqûres d’hormone. Quant à son appareil génital, il le coince entre ses fesses grâce à du sparadrap. Si vous voulez vous en rendre compte vous-même, allez voir…

A côté, un travelo était en train de se peindre le torse en direct, se dépouillant peu à peu de ses vêtements. Un Noir athlétique s’approcha de Chris Jones et lui proposa de l’initier à la samba… Dépité par un refus outré, il se contenta d’une danse du ventre en face de lui, à la mimique plus que démonstrative. Le gorille ne savait plus où se mettre. Plus l’alcool circulait, plus la température montait. Les « créatures » effectuaient un va-et-vient continuel entre les toilettes et la salle pour aller se remaquiller, la chaleur faisant fondre leur fond de teint.

Malko se leva et commença à explorer tous les boxes du fond. Lorsqu’il revint, un quart d’heure plus tard, il était certain d’une chose : Zakra ne se trouvait pas là. Donc, elle était au premier étage dont on ne voyait que le balcon. Avec celui qu’elle devait rencontrer. Ce dernier avait bien monté son coup. Si Malko ne parvenait pas à les voir ensemble, son voyage n’aurait pas servi à grand-chose. Car Zakra repartirait certainement sans le collier. Seulement, les places du haut à mille dollars étaient jalousement gardées.

Assis au fond de sa camarote, Ishan Kambiz se leva pour accueillir Zakra. Bien que ses hommes la lui aient décrite, il eut un choc au creux de l’épigastre. Son déguisement lui donnait un attrait sulfureux incroyable et le contraste entre la sage coiffe religieuse et les seins énormes qui pointaient sous l’amidon aurait fait bander un mort… Lorsqu’elle passa devant lui pour s’asseoir, il se dit qu’il n’avait jamais vu un cul comme cela. Il ne put s’empêcher de la frôler « par inadvertance » et elle se retourna avec un sourire complice.

Oubliant tous ses problèmes, il se jura qu’il ne terminerait pas la nuit sans l’avoir eue. Linda, la petite Brésilienne, se mit à faire la gueule dans son coin, sans illusions. Elle ne pouvait pas lutter. Paternel, Ishan Kambiz posa une main déjà possessive sur la cuisse moulée de stretch de Zakra.

— Vous avez fait bon voyage ? demanda-t-il. Comment va mon ami Pavel ?

— Très bien, dit la Kirghize. Il m’a donné ceci. Elle lui tendit une enveloppe cachetée. A l’intérieur, il n’y avait qu’un bristol blanc avec deux mots : le collier. Il leva les yeux, vit les perles dorées et comprit immédiatement. Le collier il le récupérerait plus tard, il avait toute la nuit.

— Merci, dit-il. Maintenant, amusons-nous. Une capirinha !

Un peu étonnée de voir sa mission se terminer aussi vite, Zakra accepta.

Elle but deux capirinha coup sur coup. Mélange de cachaça — alcool de canne à sucre —, de citron pressé et de sucre, c’était redoutable.

Les yeux de la Kirghize commencèrent à briller sous la coiffe de carmélite. La vue de sa hanche nue révélée par le laçage faisait monter la pression artérielle de l’Iranien. Ne lui ôtant cependant pas toute prudence.

— Vous n’avez rencontré personne depuis votre arrivée ? demanda-t-il.

— Non, fit-elle les yeux dans ses yeux, je ne connais personne à Rio. A part vous. Et encore, je ne sais pas votre nom.

— Ishan, dit-il, c’est un nom arabe. Il se leva du profond canapé où ils étaient vautrés, un peu triste. Cette fille lui mentait. Il n’était donc pas question de la laisser repartir. Il ne pourrait en profiter que cette nuit.

— Venez, dit-il, on va regarder la faune d’en bas. Elle le suivit jusqu’à la rambarde recouverte de velours rouge dominant la piste et les tables. Cela valait la peine. Le barbu en robe de mariée dansait comme un fou au bras d’un grand Noir, les jambes gainées d’un collant à résilles, moulant des attributs sexuels impressionnants. Une belle nuit de noces en perspective… Discrètement, Ishan glissa la main sous le tissu amidonné, emprisonnant un sein tiède dont le contact envoya une giclée d’adrénaline dans ses artères. Zakra, fascinée par les travestis, ne sembla pas s’en apercevoir. On leur apporta de nouvelles capirinha et, un peu plus tard, elle tourna vers lui ses yeux noirs pleins d’une expression trouble.

— Ce sont vraiment des hommes avec des corps comme ça ?

— Ils ne sont pas plus beaux que vous, murmura l’Iranien.

Sa main flatta sa croupe et Zakra se cambra comme une chatte lorsqu’il suivit la courbe de ses reins. Dans la pénombre, on pouvait faire n’importe quoi. A côté, un couple de travestis s’embrassait à bouche que veux-tu. Ils disparurent ensuite dans une camarote pour des choses plus sérieuses.

Hashemi, le secrétaire d’Ishan Kambiz, vint chuchoter quelque chose à son oreille, désignant un groupe en contrebas, près de l’orchestre. L’Iranien suivit son regard et aperçut trois hommes. Deux, torse nu, qui ressemblaient à toutes les folles du coin et un troisième, habillé normalement d’une chemise et d’un pantalon. — Ce sont les trois types de la plage, murmura-t-il. L’Iranien sentit son estomac se contracter. Ses pires craintes se réalisaient. La fille qu’il tenait dans ses bras avait amené avec elle l’équipe d’un grand service. Des Américains ou des Israéliens. Ceux-là ne lui feraient pas de cadeau. Il avait encore une longueur d’avance et il fallait en profiter… Il photographia l’homme blond et ses deux acolytes, puis recula dans l’ombre.

— Viens, fit-il à Zakra, on va se reposer un peu. Dans l’intimité des camarotes, tout le monde commençait à flirter. A peine assis, il posa tranquillement la main sur l’entrejambe de Zakra et l’y laissa, déclenchant un feulement de la jeune femme. Il regarda le visage de salope encadré par la coiffe religieuse et faillit exploser immédiatement. Zakra se passa la langue sur ses lèvres, lentement, les yeux dans les siens. La capirinha était en train de faire son effet. Le petit homme à moitié chauve ne l’excitait pas particulièrement, mais l’atmosphère trouble de cette fête très spéciale faisait bouillir son sang dans ses veines. Elle avait envie d’un sexe au fond de son ventre. N’importe lequel.