Выбрать главу

Sans s’occuper de lui, les trois hommes foncèrent vers une grande double porte.

Cette fois, c’est Milton Brabeck qui passa carrément à travers. Le fracas des battants s’écrasant sur le mur fît l’effet d’un coup de tonnerre. Malko photographia la scène. Ishan Kambiz, debout, vêtu d’un maillot de bain et, plus loin, dans un coin, un homme penché sur Zakra, un poignard à la main.

Kambiz cria quelque chose au second qui appuya la pointe de son poignard sur la gorge et cria en mauvais anglais :

— Arrêtez ou je la tue !

C’est là que l’entraînement de Chris et Milton fit merveille. A Fort-Braggs, ils avaient été formés à affronter ce genre de situation. On leur avait appris que la rapidité et la précision étaient la clef du succès. Il ne fallait pas avoir peur pour l’otage mais se concentrer sur l’assassin. Sinon, on perdait tous ses moyens et on donnait à l’adversaire le temps de se ressaisir.

Dans un mouvement coulé et doux, Milton Brabeck leva son Smith et Wesson quatre pouces, une arme légèrement plus précise qu’un pistolet et qu’il contrôlait admirablement. La détonation assourdissante fit vibrer les glaces et le projectile de 357 Magnum toucha Hashemi au-dessus de la bouche. Sa mâchoire supérieure explosa et le projectile, par la simple puissance de son énergie cinétique, provoqua une dislocation de la boîte crânienne. Lorsqu’il dévasta le cerveau, le crâne était déjà en train de s’ouvrir comme une noix de coco pourrie. Zakra, arrosée de débris d’os et de matière cervicale, roula par terre avec un cri d’horreur. Le Hezbollah n’avait pas eu le temps d’enfoncer son poignard de plus de deux ou trois millimètres.

Ishan Kambiz, tétanisé, blanc comme un linge, fixait les nouveaux arrivants. Il avait l’impression que son cœur était devenu de la taille d’une mandarine. Ces deux monstres lui causaient une terreur physique totale. Il pensa à son attaché-case, ouvert, dans sa chambre.

Si seulement il arrivait à le fermer et à en enclencher le mécanisme d’autodestruction en cas de forcement des serrures ! C’était le plus important, vital même. Il connaissait les gens des services. Sauf s’il y avait un ordre formel de l’abattre, il pouvait s’en sortir. Avec les gens de son espèce, on essayait toujours de négocier.

Zakra se dégagea du cadavre d’Hashemi qui avait roulé sur elle et se redressa, les yeux fous. Ce qui se passait confirmait sa conviction intime depuis qu’elle avait découvert le pistolet de son « fiancé », que lui aussi était dans le « business ». Il lui restait à régler ses comptes. Elle se pencha vers Hashemi et ramassa le poignard avec lequel il avait voulu l’égorger, lui donnant un coup de pied au passage. Comble de l’ironie, les écoles de samba continuaient à défiler sur l’écran de la grande télé Akai, à grands coups de tam-tam.

— Attention !

Malko avait vu Zakra foncer sans un mot sur Ishan Kambiz. Chris Jones était le plus près. D’un coup d’épaule, fidèle à son habitude, il la déséquilibra et elle chuta dans la piscine. Profitant du désordre, Ishan Kambiz fila comme un lièvre vers sa chambre.

Malko bondit à sa suite. Les deux hommes arrivèrent pratiquement ensemble. Malko aperçut l’attaché-case ouvert sur le lit, une belle bête fauve de chez Asprey. L’Iranien plongeait déjà dessus. Malko comprit immédiatement qu’il n’allait pas y prendre une arme mais simplement le refermer, déclenchant très probablement un mécanisme d’autodestruction. Kambiz attrapa le couvercle et le rabattit violemment, afin d’enclencher les serrures. Il manquait à Malko une fraction de seconde pour l’en empêcher. Alors il fit la seule chose possible.

Lançant son bras en avant, il mit la main à l’intérieur de la mallette pour qu’elle ne puisse pas se refermer.

La douleur lui remonta d’un coup jusqu’à l’épaule, mais l’attaché-case demeura ouvert. De toutes ses forces, Ishan Kambiz essayait d’ôter la main de Malko. Mais Chris Jones était déjà dans son dos. Il souleva l’Iranien et le jeta comme un paquet de linge sale dans un coin de la chambre. Comme l’autre cherchait à se relever, sans un mot, il braqua sur lui son Beretta 92, bras tendu et chien relevé.

Ishan Kambiz comprit le message et demeura tassé dans son coin comme une bête apeurée.

Malko put enfin dégager sa main endolorie. Par précaution, il fit basculer sur le lit tout le contenu de l’attaché-case. Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées depuis l’explosion de la porte… Zakra surgit à nouveau, trempée, le regard halluciné, son poignard à la main. Il fallut que Milton Brabeck la ceinture pour l’empêcher d’étriper l’Iranien. Elle ne semblait même plus s’apercevoir du sang qui coulait de ses blessures. Malko s’approcha d’elle.

— Zakra, va te reposer et t’allonger. Milton va s’occuper de toi.

— Je veux ce salaud, dit-elle d’une voix blanche.

— Impossible, répliqua Malko. Fais ce que je te dis. Milton Brabeck parvint à l’entraîner et cette fois, brisée, elle se laissa faire sans résistance. Il devait bien y avoir une pharmacie dans cet immense appartement…

Malko se tourna vers l’homme accroupi dans un coin.

— Vous êtes Ishan Kambiz.

L’Iranien ne répondit pas. Pour éviter les pertes de temps, Malko alla regarder les documents contenus dans l’attaché-case. Il y avait trois passeports à des noms différents, dont un brésilien. L’Iranien était au nom de Ishan Kambiz. Malko le brandit dans la direction du prisonnier.

— Je crois que vous devriez collaborer. Ishan Kambiz se réveilla d’un coup.

— Je suis également citoyen brésilien, dit-il d’une voix aigre. J’ai de nombreux et puissants amis dans ce pays et je vais les faire intervenir. Vous vous êtes introduits chez moi par effraction, vous avez assassiné mon secrétaire et probablement deux de mes collaborateurs et vous me retenez contre mon gré. Ce sont des crimes prévus par la loi fédérale brésilienne.

Prudente Freitas, demeuré en retrait tout le temps de l’assaut, écouta cette diatribe. Ishan Kambiz se tourna vers lui.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il en portugais. Le policier demeura muet. L’affaire devenait trop sensible pour prendre position. Malko vola à son secours.

— C’est notre interprète, dit-il. Soulagé, le policier demeura coi. Il s’écarta simplement, laissant Ishan Kambiz à la garde de Chris. Malko l’entraîna dans la pièce voisine.

— Je vais appeler Washington qui se mettra en rapport avec votre hiérarchie, dit-il. Il s’agit d’une affaire d’État, qui met en jeu des éléments hyper-secrets. Vous aurez des instructions. Pour le moment, veillez à ce que tout se passe bien. Nous ne voulons pas de mal à Ishan Kambiz. Simplement obtenir de lui quelques éclaircissements.

Le policier brésilien hocha la tête et alla s’installer dans un coin de la pièce. Malko glissa à Chris Jones :

— Surveillez-le. Qu’il ne téléphone pas, qu’il ne parte pas. S’il le faut, vous l’assommez.

Malko balaya des yeux le décor raffiné imaginé par Claude Dalle : les murs blancs, un secrétaire en palissandre de Makassar, une commode ancienne et le superbe lit à baldaquin.

Il revint vers la chambre. Ishan Kambiz n’avait pas bougé. Malko prit dans le fouillis étalé sur le lit le collier de Zakra et le brandit devant l’Iranien.

— Mr. Kambiz, si vous ne voulez pas que cette visite se termine extrêmement mal pour vous, vous allez tout me dire sur cette affaire de plutonium. Comme j’en sais déjà pas mal, vous avez intérêt à ne pas mentir.