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Si Ishan se trouvait à Budapest, il avait forcément pris contact avec l’ambassade d’Iran là-bas. Il entreprit donc de rédiger un télégramme secret à l’intention du responsable de la Savama en place à Budapest, lui demandant des nouvelles. C’est lui qui avait assisté Ishan Kambiz lors de son dernier séjour en Hongrie.

Malko, intrigué, examinait un prospectus qu’on venait de glisser sous sa porte. Un dépliant rosé vantant les délices d’une boîte, le Pink Pussy Cats. Dans une langue approximative, on promettait de multiples félicités aux futurs clients : top-less dancing, shows lesbiens, strip-tease. Précisant qu’on pouvait également profiter d’un « service complet », grâce aux délicieuses « chattes rosés ».

Malko aurait jeté le prospectus si une main inconnue n’avait pas écrit en diagonale : Le spectacle commence à onze heures.

Il n’avait jamais entendu parler du Pink Pussy Cats, mais cela ressemblait fort à la réponse au virement fait la veille au profit du compte de Pavel Sakharov. Ce dernier avait donc reçu l’argent et acceptait de rencontrer Malko. Il n’y avait plus qu’à prévenir la CIA.

Le chef de station le reçut immédiatement, et après avoir écouté Malko, suggéra :

— Appelez Tibor Zaïa, il doit connaître l’endroit. Je l’ai eu ce matin, il est chez lui.

Malko n’avait pas revu le stringer de la CIA. Mais c’était une bonne idée.

Il aurait préféré un contact avec Zakra. Mais la jeune Kirghize demeurait invisible et il n’osait pas s’aventurer à l’Eden ni aller chez elle. Officiellement, il la connaissait à peine.

— J’ai une bonne nouvelle, annonça Alan Spencer, nous avons identifié l’homme du Semiramis. Il s’agit d’un employé de l’ambassade iranienne. Cyrus Tadjeh. Il fait équipe avec un autre Iranien, Ali Ghotbi. Le NBH est persuadé qu’il s’agit de deux membres des services iraniens. Officiellement, ils sont gardes de sécurité. La voiture est au nom de l’ambassade.

— Ce sont probablement eux qui ont tué Stephan Sevchenko et les deux Tchétchènes, conclut Malko.

— Probablement. Je viens d’envoyer une note à la NSA lui demandant l’interception de toutes les communications téléphoniques entre Téhéran et cette ambassade.

Pour l’instant, cette piste ne menait nulle par, mais le cas échéant, représentait une sacrée assurance. Malko se promit de faire parvenir un kilo de caviar et une bouteille de Johnnie Walker au rezident du KGB. Indirectement, c’était grâce à lui qu’il avait identifié les Iraniens. Il s’installa à un bureau voisin et appela Tibor Zaïa.

Ils prirent rendez-vous pour déjeuner au restaurant Sipos, dans le vieux quartier de Obuda.

* * *

Le nom de la place « Les fils de Lénine » n’avait pas encore été changé, mais le Sipos était charmant, ressemblant à une petite brasserie avec ses nappes à carreaux et son orgue de Barbarie à l’entrée. Tibor Zaïa était toujours aussi placide et massif. Ses gourmettes cliquetèrent quand il serra la main de Malko.

— Vous êtes-vous entendu avec Zakra ? Demanda-t-il.

— Pas trop mal, fît Malko sans se compromettre. Vous avez du nouveau de votre côté ?

— Pas grand-chose, avoua Tibor Zaïa. Il semble que Karim ait disparu de la circulation, et soit remplacé par un Russe ou un Ukrainien, qui continue à développer l’organisation.

— Vous connaissez le Pink Pussy Cats.

— Dans Wesselenyi utça ? (Le Hongrois eut un sourire en coin). C’est une boîte où il y a beaucoup de célibataires. Vous pouvez jouer, regarder des filles se gouiner ou même consommer.

— C’est contrôlé par les Russes ?

— Non, par un de mes amis. Pourquoi ?

— On m’y a donné rendez-vous ce soir.

— Des Russes ?

— Je pense.

— Au pire, vous risquez de vous faire violer… Mais on ne voit pas beaucoup de Russes là-bas. Si vous voulez, je peux y boire un verre au bar.

— Cela m’arrangerait, accepta Malko.

— OK, j’y serai vers dix heures et demie. Ils se concentrèrent sur leur goulash arrosé de Tokay qui se buvait comme de l’eau. Malko avait hâte d’être au soir.

Le sourire de la barmaid en short pailleté en disait encore plus que le dépliant. Luisant, humide, provocant. Elle se pencha par-dessus le bar et annonça d’une voix veloutée :

— Le spectacle est au sous-sol. Ses seins semblaient s’adresser à Malko eux aussi. A l’étage supérieur, il y avait une sorte de loggia, avec plusieurs tables de poker d’où jaillissaient des exclamations. Deux clients, seuls au bar, regardaient d’un œil morne une vidéo porno qui passait sur un écran de télé suspendu au-dessus des bouteilles, à l’américaine.

Le Pink Pussy Cats, dans une rue parallèle à Rakocz, ressemblait à ce qu’il était : une boîte à putes avec tout ce qu’il fallait pour distraire ses clients. Malko descendit l’escalier en colimaçon, passant devant un vestiaire tenu par une autre hôtesse en maillot doré et pénétra dans une salle sombre avec des miroirs aux murs, et un podium éclairé au milieu où deux filles étaient en train de faire l’amour dans un silence de plomb. Onze heures moins dix et pas de Tibor Zaïa. Il prit place sur une banquette raide comme un prie-Dieu et commanda une vodka, avant de regarder autour de lui. Rien que des hommes, installés sur les banquettes. Non loin de lui, il en repéra deux particulièrement gratinés.

Des crânes rasés, avec des sourcils très noirs, les traits taillés à coups de serpe, des épaules de débardeurs, des mains comme des jambons vêtus d’espèces de jogging. A eux deux, ils tenaient quatre sièges… Le spectacle des filles semblait à peine les intéresser. Malko remarqua que les serveuses les évitaient et qu’ils détonaient par rapport au reste de la clientèle, plutôt civilisée.

Onze heures dix. Personne ne s’intéressait à lui. Une meute de filles déboula des coulisses, vêtues de guêpières ou de slips en dentelle. Pas de soutien-gorge. Certaines se mirent à danser sur le podium et d’autres foncèrent sur les clients, comme des vautours.

Leur mimique avait le mérite de la simplicité. L’une d’elles s’assit sur les genoux d’une des deux « bêtes » voisines de Malko. Il eut un mouvement de recul, mais apparemment ne trouva pas le courage de la repousser. Tranquillement, la fille commença à se frotter contre lui dans le but affiché de déclencher son érection… Comme il ne réagissait pas assez vite, elle lui prit les deux mains et les plaqua sur ses seins nus. Tout autour de la salle, c’était le même spectacle. Certaines se mettaient de dos, d’autres de face. Les réactions des clients étaient variées.

Certains riaient bêtement, se contentant de subir cette bonne aubaine passivement. D’autres en profitaient pour mettre leurs mains partout où ils le pouvaient. Une musique endiablée rythmait cette prestation inattendue.

De nouveau, Malko regarda autour de lui. Pas de Tibor et aucun signe d’un rendez-vous quelconque. Pour tromper son ennui, il s’amusa à observer la fille en train d’exciter celui qu’il avait surnommé la « Bête ». Elle avait encore amélioré sa technique : le dos tourné à son partenaire, elle avait calé ses escarpins de part et d’autre de sa « victime », au fond de la banquette et s’appuyait des avant-bras sur un tabouret placé devant elle. De cette façon, son sexe, uniquement protégé par un slip de dentelle noire, était en contact direct avec le bas-ventre du client. Le visage de ce dernier était violet, il respirait comme un soufflet de forge et Malko eut l’impression qu’il allait arracher les seins de la fille tant il les malaxait.