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La musique s’arrêta d’un coup et, comme une volée de moineaux, les filles abandonnèrent leurs clients, s’enfuyant vers les coulisses. Toutes, sauf une. Au moment où elle bondissait de ses genoux, la « Bête » avait refermé ses énormes mains sur sa taille, la clouant au tabouret. Le cri aigu qu’elle poussa n’y fit rien. Avec un grognement sauvage, l’homme empoigna le slip de dentelle et l’arracha. Ce n’était pas prévu dans le contrat et la fille voulut s’échapper. Impossible. Sous les regards abasourdis des autres clients, la « Bête » farfouilla fiévreusement dans son jogging et en sortit un membre imposant. Apparemment, il n’aimait pas les hors-d’œuvre… La fille gigotait toujours sur son tabouret. Comme elle essayait de se relever, il la saisit à la nuque avec brutalité et l’aplatit littéralement devant lui.

— Stop !

Le patron fonçait vers le groupe, accompagné de plusieurs filles. Le voisin de la « Bête » se dressa à son tour, fit un pas en avant, et le patron eut l’impression de se heurter à un mur de béton. D’un seul revers, l’autre l’expédia sur la banquette de face. Comme les copines de la victime continuaient à piailler, il sortit soudain de sous son jogging un knout de cosaque et se mit à les cingler de toutes ses forces, les poursuivant jusque sur le podium. Leurs hurlements se confondirent avec le cri aigu de la fille sur qui l’énorme type venait de se laisser tomber de tout son poids, la clouant au tabouret comme un papillon.

Il se redressa après l’avoir solidement emmanchée, la mit debout, un bras passé autour de sa taille, et entreprit de la violer à grands coups de reins. Chaque coup la faisait tressauter comme un pantin détraqué. Il explosa avec un rugissement, s’arracha d’elle et la jeta sur le velours noir du podium.

Avant de se rajuster et de se rasseoir paisiblement… Plusieurs choses se passèrent alors simultanément. Le patron revint à la charge, avec deux « videurs », Malko aperçut à l’entrée la silhouette massive de Tibor Zaïa, et une hôtesse s’approcha de lui.

— Vous êtes Herr Mùller ? hurla-t-elle pour dominer la musique et les hurlements.

— Oui, fit Malko.

— On vous demande au téléphone. Au bar. Il se fraya un passage au milieu de l’empoignade, rejoint par Tibor, rassurant comme un croiseur.

— Que se passe-t-il ? demanda le Hongrois.

— Ce type a violé une fille, expliqua Malko.

— C’est un Tchétchène, remarqua Tibor, je me demande ce qu’il fait là avec son copain.

Malko atteignit le téléphone. Une voix inconnue dit aussitôt :

— Mr. Mùller. Deux de mes hommes vous attendent pour vous conduire à moi. Des Tchétchènes. Demandez à ce qu’on vous les désigne. Je suis désolé, je n’ai pas pu appeler plus tôt.

Malko revint vers Tibor et lui expliqua la situation. Le Hongrois alla faire le médiateur et quelques instants plus tard, sur un signe de Tibor, Malko se dirigea vers les deux Tchétchènes et leur dit en russe :

— Je suis Mùller. C’est moi que vous attendiez.

— Da, répondit aussitôt le « violeur », le patron nous avait dit de venir vous prendre, mais on ne vous connaissait pas…

Ils se levèrent et personne ne s’opposa à leur sortie. Dans un silence de mort, Malko remonta l’escalier, encadré par les deux Tchétchènes. Arrivés dehors, l’un d’eux annonça :

— Il faut qu’on vous bande les yeux.

Malko n’appréciait pas vraiment, mais il était difficile de résister… On lui noua solidement un torchon sale sur les yeux et on le guida jusqu’à une voiture qui démarra aussitôt. Un des Tchétchènes était assis à côté de lui, l’autre devant. La course dura vingt minutes environ, à toute vitesse. Puis on le fit descendre et traverser une rue. Il sentit un sol inégal sous ses pas, puis un escalier, et on le fit asseoir sur une chaise.

Alors seulement, on lui ôta son bandeau.

Il se trouvait dans un endroit qu’il reconnut immédiatement : la salle de culture physique où Zakra l’avait conduit, à leur troisième rencontre, au sous-sol de l’usine désaffectée ! Les deux Tchétchènes se tenaient près de la porte, bras ballants. Il y eut un bruit de pas et un nouveau venu pénétra dans la pièce.

Malko eut l’impression que la température se refroidissait. L’inconnu, grand, blond, la moitié du crâne dégarni, avec des yeux bleus sans expression, une bouche épaisse et bien dessinée, mais totalement dépourvue de sensualité, comme celle d’un poisson, les oreilles très légèrement décollées, évoquait un officier SS de la Seconde Guerre mondiale. Son regard glacial se posa sur Malko et il demanda d’une voix égale :

— Qui êtes-vous, Herr Mùller ?

Chapitre XV

Malko soutint le regard de l’inconnu. Ainsi, c’était l’homme qui avait quatre-vingts kilos de plutonium à vendre, l’ex-général Pavel Ivanovitch Sakharov. Évidemment, il n’avait pas l’allure d’un mafioso ordinaire, mais plutôt l’assurance glacée d’un haut fonctionnaire soviétique. Plus quelque chose d’inhumain, une sorte de mépris, une raideur intérieure qui transparaissait. Cet homme devait pouvoir tuer comme on écrase un insecte.

— Vous savez qui je suis, répondit Malko avec le même calme. Par contre, j’ignore qui vous êtes. Court silence, puis l’inconnu dit :

— Appelez-moi Pavel.

— Vous avez reçu l’argent ? interrogea Malko.

— Quel argent ?

Les yeux dorés de Malko ne cillèrent pas.

— Le paiement du collier, un million de dollars que j’ai fait virer au compte que vous m’avez indiqué. Cela n’a pas été fait ?

Sans doute satisfait de sa réponse, Pavel Sakharov inclina légèrement la tête.

— Je l’ai reçu. Mais je devais rencontrer un certain Ishan Kambiz. C’était convenu. Pourquoi n’est-il pas là ?

— Il a été obligé de se déplacer, dit Malko. Je suis son collaborateur direct et j’ai tous pouvoirs pour traiter avec vous. Comme vous avez pu vous en rendre compte.

— Quand revient-il ?

— Je l’ignore. Je pense de toute façon qu’il préfère ne pas venir à Budapest en ce moment. Il est trop facilement repérable.

— Je ne vais donc pas le revoir ?

— Pas dans l’immédiat. Mais cela ne change rien. Vous serez payé comme convenu. C’est moi qui vais veiller à la bonne marche des opérations.

Pavel Sakharov ne répondit pas tout de suite. Il semblait méditer ce que Malko venait de dire.

— Vous voulez dire, lança-t-il, que c’est à vous que je dois livrer la marchandise ?

— Absolument. Et le plus tôt sera le mieux.

— Vous pouvez débloquer l’argent ?

— Je le peux, affirma Malko. Et vous, qu’avez-vous prévu ? Silence, puis Pavel Sakharov laissa tomber :

— Je n’ai pas encore fixé tous les détails. Vos clients sont contents des échantillons ?

— Je l’ignore encore. Je les leur ai fait parvenir, fit Malko, et si ce n’est pas le cas, je le saurai et tout sera remis en question. Pouvez-vous me dire de quelle usine sort ce plutonium ?

— Non.

La réponse était partie, sèche comme un coup de feu. C’eut été trop beau. Malko n’insista pas. Il se leva.

— Maintenant que nous avons fait connaissance, avez-vous quelque chose à me dire ?

Pavel Sakharov l’observait, visiblement intrigué.

— Vous êtes certain que ni vous ni Mr. Kambiz n’ont été surveillés ?